Sceneweb
  • À la une
  • Actu
  • Critiques
    • Coup de coeur
    • A voir
    • Moyen
    • Décevant
  • Interviews
  • Portraits
  • Disciplines
    • Théâtre
    • Danse
    • Opéra
    • Cirque
    • Jeune public
    • Théâtre musical
    • Marionnettes
    • Arts de la rue
    • Humour
  • Festivals
    • Tous les festivals
    • Festival d’Avignon
    • Notre Best OFF
  • Rechercher
  • Menu Menu

Une Vestale violente et suppliciée contre les totalitarismes

A voir, Les critiques, Opéra, Paris

La Vestale © Guergana Damianova-OnP

A la Bastille, Lydia Steier signe une mise en scène convaincante de l’opéra de Spontini dans laquelle elle pourfend l’autoritarisme forcené et sanguinaire des régimes politiques et religieux. 

Créée en 1807, La Vestale de Spontini fut triomphalement accueillie et notamment par Napoléon qui voyait en l’ouvrage une glorieuse incarnation de l’Empire. Elle est depuis tombée dans l’oubli. L’Opéra national de Paris, qui cette saison a eu le goût d’exhumer bon nombre de pièces rares, remet l’œuvre à l’affiche plus de 150 ans après qu’elle l’a quittée. Lydia Steier, connue pour avoir dépeint (assez complaisamment) la décadence scabreuse et morbide de Salomé de Strauss dans une version très contestée, saisit à nouveau l’occasion de mettre en scène une figure féminine victime de l’oppression et en quête d’émancipation – la vestale est écartelée entre ses chastes serments divins et son amour interdit pour un jeune officier – dans un spectacle inspiré de l’esprit et des combats des Lumières, qui baigne dans la violence mais de façon beaucoup plus esthétique, beaucoup plus probe et sensée. En faisant se lever le rideau sur un hostile mur en béton tagué devant lequel sont pendus par les pieds les dissidents au régime politique en place, et en concluant, trois heures trente plus tard, la représentation par de sourdes rafales de mitraillette interrompant l’allègre et dansant final, elle donne le ton de sa puissante dénonciation d’un usage répressif de la force par les régimes totalitaires.

Au seuil du temple auguste décrit par le livret, le Licinius de Michael Spyres se montre très éloigné du héros de guerre triomphateur mais immédiatement dégoutant et dévasté, noyant son désœuvrement dans l’alcool et dans la marginalité. L’antre saint choisi par la metteuse en scène paraît être un lieu idoine de connaissance et d’instruction intellectuelle puisqu’il s’agit du grand auditorium de la Sorbonne superbement répliqué mais tristement vidé de sa substance. Sous son écrasante et lumineuse coupole, se joue le glaçant rite initiatique de jeunes vierges molestées. Une congrégation de femmes sectaires toutes de noir vêtues intronise l’innocente Julia à grands renforts de crachats et de coups de fouet entre autres sévices physiques. Puis, sous les fervents vivats d’une foule de fanatiques en délire, défilent sur des chars de vénérables icônes, des cercueils et des charniers, des corps encagés et ensanglantés, une pompeuse parade que suit une scène d’autodafé. Au deuxième acte, l’emblème de vie qu’est la flamme sacrée devient ici un édifiant symbole de destruction dans la mesure où son feu ardent est alimenté de livres interdits apportés par pleines brouettes et voués à être brulés.  Une fin ouverte voit le fidèle Cinna (belle et forte présence ambiguë de Julien Behr) passer dans le camp ennemi, endosser à son tour les attributs du pouvoir et dangereusement réitérer les dérives auquel il s’est laissé aller.

Attendue dans le rôle-titre, la soprano Elza van den Heever a annulé sa participation aux deux premières représentations pour raison de santé. C’est Elodie Hache qui la remplaçait et démontrait une belle force de conviction, mettant tout son engagement et ses beaux moyens vocaux au service de cette lecture dramatique et secouante de l’œuvre. Véritablement émouvante dans l’imploration, et suffisamment ardente dans l’imprécation, elle a présenté une vestale victime de la soumission à laquelle elle est réduite mais aussi bouillonnante de révolte intérieure. A ses côtés, le Licinius splendide et passionné de Michael Spyres s’est révélé impressionnant d’aisance. L’artiste offre une voix claire et sonore, toujours fièrement projetée et modelée. On retient aussi l’incarnation saisissante de Eve-Maud Hubeaux, en mère maquerelle pleine de sadisme et de sévérité dans la Grande Vestale qui finit néanmoins par dévoiler une humanité insoupçonnée à mesure qu’elle est cruellement défaite. Peut-être manque-t-il encore un peu de volume à sa voix belle et droite, ce qui n’est pas le cas du Souverain Pontife de Jean Teitgen aux graves profonds et puissants comme l’abîme. Les chœurs et l’orchestre de l’Opéra font montre de cohésion sous la baguette subtile et maîtrisée de Bertrand de Billy, grand défenseur de l’ouvrage, qui se fait ici plus élégant qu’enflammé. Sans chercher la démesure et le trop plein d’effet, la fosse et le plateau font entendre de manière évidente ce que cette tragédie lyrique annonce du grand opéra romantique.

Christophe Candoni – www.sceneweb.fr

La Vestale
Tragédie lyrique en trois actes de Gaspare Spontini
Mise en scène
Lydia Steier
Décors
Étienne Pluss
Costumes
Katarina Schlipf
Lumières
Valerio Tiberi
Vidéo
Étienne Guiol
Dramaturgie
Olaf A. Schmidt

Julia
Élodie Hache
La Grande Vestale
Ève-Maud Hubeaux
Licinius
Michael Spyres
Cinna
Julien Behr
Le Souverain Pontife
Jean Teitgen
Le Chef des Aruspice, un consul
Florent Mbia

Orchestre et Chœurs de l’Opéra national de Paris

Cheffe des Chœurs
Ching-Lien Wu
Direction musicale
Bertrand de Billy

Durée 3h20 avec 2 entractes

Opéra Bastille
du 15 juin au 11 juillet 2024

20 juin 2024/par Christophe Candoni
Partager cette publication
  • Partager sur Facebook
  • Partager sur X
  • Partager sur WhatsApp
  • Partager sur LinkedIn
  • Partager par Mail
  • Lien vers Instagram
Vous aimerez peut-être aussi
Eve-Maud Hubeaux
Fidelio en détention musclée
Bertrand de Billy dirige Le bal masqué de Verdi
Eric Lacascade met en scène La Vestale de Gaspare Spontini avec Béatrice Uria-Monzon
La saison 2022/2023 de l’Opéra national de Paris
La programmation du Festival d’Aix 2022
Le Lohengrin ’24 de Florent Siaud à l’Opéra national du Rhin
Elza van den Heever, une Salomé en phase avec la société
0 réponses

Laisser un commentaire

Rejoindre la discussion?
N’hésitez pas à contribuer !

Laisser un commentaire Annuler la réponse

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Dans le moteur de recherche, plus de 22 000 spectacles référencés

© Sceneweb | Création site et Maintenance par Limbus Studio
  • L’actualité du spectacle vivant
  • Qui sommes-nous ?
  • Newsletter
  • Politique de confidentialité
  • Signaler un abus
  • Contact
  • Politique de cookies (UE)
Faire défiler vers le haut