Patrick Pineau signe une mise en scène enlevée et très caustique de l’œuvre de Brecht, dans une scénographie sobre, d’où émane le vin de l’ivresse – seule note de couleur.
Brecht a écrit « La Noce » en 1919, à l’âge de vingt et un an. C’est l’une de ses premières pièces. Créée en 1926 à Francfort, la pièce rencontre un demi-succès et fait scandale. « La noce » est plus connue sous le titre de « La Noce chez les petits bourgeois ». C’est Brecht qui décide de changer le titre un peu plus tard. Et c’est le titre premier qui a été choisi par le metteur en scène Patrick Pineau : « La Noce », sans doute pour laisser libre court à une imagination plus débordante. Et la mise en scène de Patrick Pineau n’en manque pas. Elle oscille entre théâtre et cadrages cinématographiques, tout débute d’ailleurs comme au cinéma. Sur une musique pop rock, les invités de « la noce » passent la tête par la porte d’entrée et viennent se présenter sur scène – sorte de générique de la pièce.
La pièce n’a été publiée qu’après la mort de Brecht. Patrick Pineau a eu la riche idée de confier une nouvelle traduction à Magali Rigaill. La dernière traduction française remontait à plus de 35 ans. Dans cette traduction l’acidité de l’écriture de Brecht, son regard critique sur la société allemande est renforcé par langue très ironique. « Brecht observe la manière dont les hommes se comportent les uns les autres et se gâchent mutuellement l’existence, explique Magali Rigaill[1]. Il n’y a vraiment pas de quoi rire. Et pourtant l’on rit, et l’on rit même beaucoup, comme si le parti pris de Brecht était le sérieux d’en rire et d’en faire rire, ce qui correspond à la définition de l’ironie ». Et dans cette noce tumultueuse, on rit de voir les invités se désagréger au fur et à mesure de l’action. La pièce débute alors que le banquet est déjà bien avancé, le vin a déjà fait son effet, et les rancœurs familiales commencent à remonter à la surface. Tout se craquèle dans « La Noce » au propre comme au figuré. Tout est fragile. Les meubles se cassent. La maison ne passera pas la nuit de noce…
« La Noce » version Pineau, c’est une pièce chorale, une pièce de troupe, comme il aime les monter. Ce disciple de Georges Lavaudant (il a fait parti de la troupe du Théâtre de l’Odéon entre 1997 et 2005) est un fidèle. La plupart des comédiens qui composent la distribution ont partagé l’aventure de Peer Gynt en 2004 dans la Cour d’Honneur du Festival d’Avignon (mémorable mise en scène de Patrick Pineau avec Eric Elmosnino dans le rôle de Peer Gynt). Dans un décor en noir et blanc (le cinéma on y revient), Patrick Pineau fait jouer les comédiens sur un petit espace, tout tourne autour de la table du banquet. Une proximité qui renforce la violence des relations entre les invités. Et il y a le vin, le rouge sang, seule note de couleur sur scène. Ce vin qui va faire basculer la noce. Ce vin qui enivre et qui désinhibe, jusqu’à faire monter le désir des mariés pour leur nuit de noce. Et celui des spectateurs. Patrick Pineau signe une noce parfaitement jouissive.
Stéphane CAPRON – www.sceneweb.fr
[1] Dossier de presse MC93
Texte Bertolt Brecht
traduction Magali Rigaill
Mise en scène Patrick Pineau
Collaboration artistique Anne Soisson
Conseil en dramaturgie Magali Rigaill
Scénographie Sylvie Orcier
Musique Jean-Philipp e François
Costumes Charlotte Merlin,Sylvie Orcier
Lumières Gérard Gillot
Accessoires Renaud Léon
Coiffure Jocelyne Milazzo
Régie générale Florent Fouquet
Fabrication du décor Ateliers du Grand T – Nantes
Avec Nicolas Bonnefoy, Hervé Briaux,
David Bursztein du 9 au 26 janvier / Laurent Manzoni
du 29 janvier au 2 février, Laurence Cordier,
Anne Fischer du 9 au 19 janvier / Annie Perret du 22
janvier au 2 février, Aline Le Berre, Babacar N’Baye Fall,
Sylvie Orcier, Régis Royer
Coproduction
Scène Nationale Evreux Louviers,
Compagnie Pipo – Patrick Pineau,
MC93 Bobigny,
CNCDC Châteauvallon
MC 93 Bobigny
salle Christian Bourgois
du lundi au samedi à 20 h 30 – dimanche à 15 h 30
Horaires exceptionnels : vendredi 29 et samedi 30 janvier à 19 h –
dimanche 31 janvier à 17 h 30
relâche les mercredis et jeudis
MC 93
1, bd Lénine
93000 Bobigny
http://www.mc93.com/index_f.html
Métro : Bobigny-Pablo Picasso (ligne 5)
Tramway : T1 ligne Saint-Denis/Noisy-le-Sec, station Hôtel-de-Ville/Maison-de-la-Culture
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