Avec Truth’s a Dog must to Kennel, le Britannique propose un seul en scène sur la mort du théâtre. Malgré le charme de l’artiste et la beauté de sa diction, la tentative se révèle un peu vaine.
Après An Oak Tree, l’un des grandes déceptions de la première moitié de ce 77e Festival d’Avignon, le Britannique Tim Crouch avait l’opportunité de rectifier le tir grâce à un second spectacle, Truth’s a Dog must to Kennel, programmé dans la foulée. Mais c’est encore raté. Moins que le premier, certes. Mais raté quand même. Ce qui n’a rien de dramatique, mais n’en reste pas moins décevant. Car Tim Crouch a une présence magnétique et une voix magnifique. Parce que l’anglais ainsi déclamé est déjà un ravissement artistique. Quand bien même cette langue domine le monde, rares sont celles et ceux qui savent la faire entendre avec tant de nuances et de musicalité. Las, une belle diction ne fait pas un bon spectacle.
Et certaines obsessions s’avèrent stériles. Tim Crouch ne croit plus au théâtre : il l’explique en long et en large depuis ses débuts en 2003 comme auteur et metteur en scène. Selon lui, la société serait passée à autre chose, préférant les écrans aux planches, le divertissement à la culture, les vivants aux morts. C’est paradoxal, puisqu’il a choisi la scène pour l’expliquer. Et ça tombe un peu mal puisqu’Avignon est bien la preuve que l’art dramatique a encore de beaux jours devant lui. Mais qu’importe, Tim Crouch assume et revendique ses contradictions. Et pourquoi pas d’ailleurs, tant celles-ci peuvent avoir du bon.
Pour illustrer son propos, le Britannique en passe par Shakespeare. Seul en scène, il incarne le fou du Roi Lear, s’éclipsant au milieu de la pièce, épuisé par son impuissance à changer le cours des événements. Il fait un détour par son enfance, racontant son rapport au père, qui voyait en lui un simple bouffon, tout juste bon à faire rire ses copains les vendredis soirs de beuverie. Il chausse un casque de réalité virtuelle, bousculant le public qu’il révèle par le truchement (imaginaire) de la réalité augmentée (« L’homme au premier rang est ballonné, la faute au pennes all’arrabbiata avalées au restaurant du théâtre »). Que voulez-vous, Tim Crouch a le théâtre triste.
Même si l’on rit, parfois, un peu. On y entend quelques formules mordantes, une ironie punk toute britannique et une autodérision louable. Mais, au fond, cette rancœur est mal placée. Méconnu en France, Tim Crouch connaît un succès considérable outre-Manche. Alors, à quoi bon ? Et, au fond, si le théâtre se porte si mal que ça (ce qui reste à démontrer), pourquoi ne pas employer son talent à le revigorer ?
Igor Hansen-Løve – www.sceneweb.fr
Truth’s a Dog must to Kennel
Texte, mise en scène et interprétation Tim Crouch
Traduction pour le surtitrage Catherine Hargreaves
Collaboration à la mise en scène Karl James, Andy Smith
Musique Pippa Murphy
Lumière Laura Hawkins
Collaboration artistique Brian Ferguson, Adura OnashileProduction The Royal Lyceum Theatre (Édimbourg)
Avec le soutien de Made in Scotland (Édimbourg), de l’Onda – Office national de diffusion artistique et pour la 77e édition du Festival d’Avignon : British CouncilDurée : 1h10
Festival d’Avignon 2023
Chapelle des Pénitents Blancs
du 14 au 17 juillet, à 11h, puis du 19 au 23 juillet, à 18h
Laisser un commentaire
Rejoindre la discussion?N’hésitez pas à contribuer !