Régisseur, scénographe, costumière, comédiens, metteure en scène… Une bande de jeunes élèves de la promotion 43 du Théâtre National de Strasbourg se rassemble au Théâtre de la Cité Internationale pour créer Trust de Falk Richter. Une performance-manifeste qui reflète le monde dans lequel ils ont grandis depuis les années 90 : désillusionné et abêti. Ils sont à la recherche d’outils pour faire germer une révolution mais aussi de moyens de fuir la réalité.
La fresque est construite autour d’un auteur qui rédige un ouvrage sur « comment vivre sous la crise », entourés de billets rouges, tâchés du sang de ceux que l’argent égorge chaque jour. Tous les acteurs sont sur le plateau, sans cesse en mouvement, parfois cachés mais sans aucune possibilité d’en sortir, à l’image du monde d’après la crise financière de 2008 ayant happé la planète. Dans le texte, Falk Richter fustige les incohérences humaines comme ces immeubles gardés vides car rapportant plus d’argent que s’ils étaient habités. Trust met en mot les préoccupations du siècle : le rapport aux autres, qu’il soit sexuel ou amoureux. La joyeuse bande menée par Maëlle Dequiedt va jusqu’à faire de la philosophie sentimentalo-économique, nous obligeant à cerner les nouveaux enjeux de notre existence car, finalement, à quoi bon signer des pétitions ? Difficile de résister quand il y a « IKEA, Zara, AirBnb, H&M… » pour se vider l’esprit.
Notre cœur bat au rythme imposé par la metteure en scène : un mélange de vitesses aux virages brusques. Les scènes violentes où la jeunesse dit son désarroi à l’univers et à l’argent-roi sont entrecoupées de moments de karaoké où l’onirisme apparaît. Ces instants plus ou bien moins maîtrisés au début laissent apparaître des moments de perfection par la suite. On sort durablement marqué par le My Way de Frank Sinatra où deux hommes se donnent la tendresse dont le monde les prive sans aucune vulgarité et avec une grâce incroyable.
Si le spectacle est parfois brouillon et subit quelques défauts esthétiques – notamment l’utilisation superflue de la vidéo en dehors des karaokés –, ce ne sont que de petites imperfection au regard d’un travail si accompli. Il est rare de voir un spectacle dont la promotion est si jeune – elle a été diplômée en juin du TNS – parvenir à faire une sortie d’école où chacun n’est pas concentré sur son seul talent. Ce Karaoké Panoramique est une claque nette, un cri concis pour voir à quel point le monde est rentré dans un mur et que ceux qui veulent changer le monde n’ont plus aucune carte en main pour y parvenir. Un message générationnel fort est lancé : vous pouvez toujours attendre que les jeunes fassent la révolution, elle ne viendra plus (ce qui ne nous empêchera pas d’aimer la vie…)
Hadrien Volle – www.sceneweb.fr
MAËLLE DEQUIEDT / LA PHENOMENA
Trust – Karaoké panoramique
texte • Trust Falk Richter
traduction • Anne Monfort
mise en scène • Maëlle Dequiedt
dramaturgie • Simon Hatab
scénographie • Heidi Folliet
costumes • Solène Fourt
lumières / vidéo • Auréliane Pazzaglia
son / régie générale • Jori Desqavec • Youssouf Abi-Ayad, Quentin Barbosa, Pauline Haudepin, Mathilde Mennetrier, Romain Pageard, Maud Pougeoise
L’Arche est éditeur et agent théâtral de la pièce Trust de Falk Richter (traduction de Anne Monfort)
Avec le soutien de l’Onda – Office national de diffusion artistique
durée : 1h20Théâtre de la Cité Internationale
8 > 22 décembre 2017
lundi, mardi, vendredi
(et mercredi 20 déc.) | 20h
jeudi et samedi | 19h
relâche mercredi et dimanche
Laisser un commentaire
Rejoindre la discussion?N’hésitez pas à contribuer !