La semaine dernière plus de 600 artistes, directrices, directeurs, universitaires ont signé une tribune “Pour en finir avec l’affaire Yoann Bourgeois” suite à l’apparition en février d’une vidéo anonyme intitulée L’usage de l’œuvre. Dans leur tribune ces personnalités du monde du cirque demandaient « aux institutions (la DGCA, la DRAC, la Ville de Grenoble) de sortir du silence ». Christopher Miles, le directeur général de la création artistique y répond dans un texte intitulé « La création artistique est libre » que nous publions.
« La création artistique est libre »
C’est ce principe, proclamé dans l’article 1er de la loi du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine, que le ministère de la Culture s’attache à défendre en toutes circonstances. C’est la raison pour laquelle aucun dispositif de censure n’existe plus. Ainsi aucun regard sur les modalités et le contexte de la création d’une œuvre ne peut relever du contrôle à priori de l’administration du ministère de la Culture.
L’artiste agence des formes, s’inspire de ses maîtres, combine, réinterprète, parodie, voire copie pour devenir plus grand. Le chorégraphe puise dans un répertoire de mouvements spécifique à la danse qu’il crée par ces combinaisons, le musicien combine accords et harmonies. Picasso s’inspire de ses maîtres avant de vite s’en détacher, pas de Picasso sans Goya, sans Manet, auxquels il revient au soir de sa vie pour les réinterpréter…Libre de créer, l’artiste ne l’est pas pour autant de plagier ou copier trop littéralement, au risque de devenir faussaire ou d’attenter aux intérêts d’un autre créateur.
L’exercice de la liberté de création par Yoann Bourgeois est interrogé par certains depuis plusieurs semaines, selon des modes d’interpellations qui laissent peu de places aux échanges et au débat contradictoire.
Bien entendu, comme toute liberté, la liberté de création est encadrée. Elle est notamment limitée par le préjudice que son exercice pourrait causer à la liberté ou à l’intérêt d’un tiers. La création est libre, mais l’artiste peut avoir à répondre de conséquences de ses actes. Les interrogations face à l’usage de la liberté de création peuvent alors se déployer dans le cadre d’une procédure judiciaire.
On mesure les désagréments qu’une liberté aussi large et garantie peut parfois causer, mais on mesure tout autant les dangers, beaucoup plus nombreux et contraires à notre histoire, qui résulteraient de sa limitation excessive.
Toute décision de l’administration envers Yoann Bourgeois qui se fonderait sur des pétitions de principe ou sur des campagnes médiatiques et non sur des faits établis en droit pourrait à juste titre être considérée comme arbitraire
C’est bien sur la base de ce principe que le ministère de la Culture a apporté son appui au nouveau projet proposé par Yoann Bourgeois lors du conseil d’administration du 29 mars dernier, assumant qu’un artiste circassien contemporain soit désormais seul à la tête d’un centre chorégraphique National, après le départ de Rachid Ouramdane pour diriger le Théâtre National de Chaillot. Parce que son cirque est aussi une danse poétique, qui est la sienne.
Au-delà du rappel de ces principes fondamentaux, les questions soulevées ces dernières semaines méritent certainement mieux que les invectives auxquelles nous assistons désormais. Une médiation a été engagée, je lui souhaite d’aboutir, dans le respect mutuel des parties qui ont accepté de dialoguer avant d’aller éventuellement devant un juge. Un débat est ouvert sur les écritures du Cirque et sur leur originalité : je souhaite qu’il se poursuive dans un climat de plus grande sérénité.
La liberté de création est précieuse et fragile. La préserver est notre devoir. Pour ma part, je crois que le dialogue, les échanges et les débats entre artistes, producteurs et diffuseurs permettent à chacun de trouver sa juste place et la reconnaissance du travail artistique.
Christopher Miles
Directeur général de la création artistique
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