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Benjamin Barou-Crossman : « Pour un théâtre covid populaire »

Actu, Théâtre

Benjamin Barou-Crossman a fondé la compagnie théâtrale TBNTB en juin 2011, à Montpellier. TBNTB sont les initiales de la fameuse réplique de Shakespeare « To be or not to be ». Oui, telle est la question, et la compagnie TBNTB exprime son « To be » à travers un théâtre engagé. Benjamin Barou-Crossman prépare pour décembre une comédie musicale intitulée « Body Agde » en plein cœur du quartier prioritaire d’Agde. Il nous envoie cette tribune, « Pour un théâtre covid populaire »

Avec notre compagnie de théâtre TBNTB nous intervenons depuis des années en menant des ateliers artistiques dans les quartiers prioritaires d’Alfortville, d’Agde et de Perpignan. En ces temps si troublées et de crise sanitaire avec notamment la covid-19 nous nous rendons compte chaque jour de l’écart de plus en plus grandissant entre les riches et les pauvres entre l’art institutionnel et l’art qui se pratique dans ces quartiers prioritaires.

Nous manquons cruellement de moyens dans nos quartiers populaires qui se sentent délaissés. 

À Perpignan au quartier Saint Jacques qui est malheureusement un des quartiers les plus pauvres de France et où vit notamment la communauté gitane, la covid-19 a fait de nombreux morts. On sait scientifiquement que les plus impactés par le covid-19 sont les plus pauvres et les plus démunis. Il est beaucoup plus difficile de vivre le confinement à quatre dans des 30m2 que lorsque qu’on peut partir dans sa maison secondaire avec jardin. Lors du premier confinement nos amis gitans nous appelaient parce qu’ils leur manquait 200 euros pour acheter des masques. Et notre compagnie de théâtre a dû aussi remplir cette mission. Quand nous lisons dans le journal que tel spectacle au théâtre de l’Odéon coûte 650 000 euros d’argent public c’est indécent par rapport à ce qu’on vit dans les quartiers populaires et où l’on se bat avec notre compagnie de théâtre pour récupérer 1000 euros de subvention.

Aujourd’hui nous lançons un signal d’alerte il faut faire plus et vite dans ces quartiers prioritaires qui n’ont pas été assez pris en considération et ce depuis des années. Il faut donner plus de moyens humains et financiers. L’art ne va pas tout sauver dans ces secteurs mais peut aider et considérablement.

De notre point vue l’art pour l’art est une vision très occidentale. Chez les Aborigènes d’Australie, chez les Indiens Navajos, chez les Tibétains dans le nord de l’Inde l’art est toujours lié à la vie. L’art peut permettre par exemple d’affronter les grandes épreuves de la vie. Et on ressent ça bien sûr avec les Tsiganes qui chantent le soir au coin d’un feu pour évacuer leur peine.

Il y a selon nous un mépris des institutions publiques où l’on ne considère pas suffisamment ce qui se pratique artistiquement dans ces quartiers populaires.

Combien de fois avons-nous ressentis de la part des institutions théâtrales que le travail artistique qui se pratique dans ces quartiers c’est beaucoup de folklore et du social. Ce n’est pas vrai.
Et comme l’écrit le poète Dubuffet : « l’art ne vient pas se coucher dans les lits qu’on a faits pour lui ». Encore récemment nous lisions dans le journal le Monde une phrase qui nous a aussitôt interpellés par rapport à cette jeunesse que nous rencontrons dans ces quartiers.

« J’ai toujours en tête ce que dit l’ethnopsychiatre Tobie Nathan sur le fait qu’il faut mettre les personnes qui ont subi un traumatisme à la place d’experts de ce traumatisme, plutôt que de victimes ». Il nous apparaît évident qu’il faut voir dans cette jeunesse une force créatrice.

Dans ces quartiers nous avons vu des artistes magnifiques, profonds avec beaucoup de cœur mais qui malheureusement ne savent pas remplir des dossiers administratifs et ne sont pas habiles dans la communication face aux politiques, aux médias et aux institutions. Nous connaissons un groupe d’amis tsiganes de flamenco dans le sud de la France de premier plan, qui a tourné dans le monde entier et qui n’est pas du tout reconnu par les institutions et qui ne reçoit aucune subvention. Si vous êtes un jeune gitan issu d’un quartier prioritaire d’Agde et que vous souhaitiez faire du théâtre, être reconnu par les institutions et recevoir des financements c’est pratiquement mission impossible.

Vous aviez bien compris que si l’on vient du sérail artistique, que l’on a la chance de vivre à Paris qu’on sait remplir un dossier administratif, il est beaucoup facile d’être soutenu, de pouvoir montrer son travail artistique aux médias, être reconnu et obtenir des subventions.

Depuis des années nous nous battons contre ces injustices de plus en plus grandes. Mais sur le terrain on ne voit toujours pas de véritable changement dans les financements.

Dans les quartiers prioritaires on entend souvent dire « le théâtre c’est n’est pas pour nous, c’est pour les bobos, les intellos ». Certes on peut y voir un préjugé mais de notre point de vue ce n’est pas entièrement faux. Pourquoi nos théâtres subventionnés font à peu près la même programmation à Rennes à Perpignan ou à Lille. On y voit souvent les mêmes spectacles, les mêmes acteurs et bien sûr les mêmes metteurs en scène. Pourtant il nous semble évident qu’un théâtre doit prendre compte la population et les problématiques du territoire dans lequel il est installé. De notre point de vue nos théâtres subventionnés n’accueillent plus vraiment le public populaire. Et pourtant renouveler le public de nos théâtres c’est possible. Mais il faut aller le chercher, aller jouer dans les centres sociaux, faire du porte-à-porte.

C’est aussi aux compagnies de théâtre de faire le travail que les scènes nationales n’arrivent plus à faire, ne font plus ou ne savent pas faire. 

La période terriblement troublée que nous vivons avec le confinement le repli identitaire nous oblige à faire un pas de côté. Utilisons la contrainte du covid-19 pour trouver d’autres moyens de pratiquer notre art.
Comme nous allons être face à des jauges réduites dues aux mesures sanitaires nous proposons de jouer plusieurs fois le même spectacle dans la même journée. Le fait de jouer plusieurs fois dans la même journée va obliger le théâtre à devenir un vrai lieu de vie ouvert toute la journée avec un café, une bibliothèque. Le théâtre deviendra alors un véritable un lieu d’échanges et de partage. Bien sûr dans le respect des mesures sanitaires.
Par exemple dans le quartier prioritaire d’Agde le public peut passer voir une répétition juste en ouvrant la porte de la salle jeunesse et bien sûr après le spectacle on partage un pot de l’amitié. On a bien  compris dans ces secteurs que le spectacle est un tout. Il y a un avant, un pendant et un après. Ce n’est pas simplement le temps de la représentation.

Nous proposons des spectacles aux formes plus réduites, avec moins de techniques et la possibilité de jouer partout (les maisons pour tous, les centres sociaux). Nous proposons lorsque les beaux jours vont arriver de jouer en plein air au milieu des tours d’immeuble de nos quartiers populaires. Le public va pouvoir regarder le spectacle de sa terrasse. Nous proposons aussi d’être retransmis en direct sur les différents réseaux sociaux.
Et puis nous pensons aussi que cette façon d’appréhender l’art où l’on doit s’adapter en urgence aux nouvelles mesures sanitaires peut permettre une théâtralité où l’humain avec ses maladresses et ses vulnérabilités serait plus mis en valeur. Un théâtre de tréteaux où l’on joue face aux gens. On a tellement besoin surtout dans cette période de revenir à de l’humain.

Nous pensons aussi qu’il y a un juste équilibre à trouver entre le respect des mesures sanitaires et pouvoir continuer notre travail artistique avec les gens que nous rencontrons dans ces quartiers prioritaires. Aujourd’hui dans notre deuxième phase de confinement seuls les artistes peuvent encore répéter. Et bien sûr nous ne pouvons pas jouer face au public.

Mais qu’en est-il du travail de répétitions que l’on mène avec nos comédiens amateurs issus de ces quartiers populaires? On arrête? 

Alors qu’on sait que c’est peut-être eux, les comédiens amateurs des quartiers prioritaires qui ont  peut-être le plus besoin de pouvoir répéter, purger leurs émotions et de sortir le temps de la répétition de leurs petits appartements où ils se retrouvent entassés. On oublie trop souvent tous les dégâts collatéraux crées par le covid-19. Les violences que ça peut engendrer dans les quartiers populaires.

Et puis on n’est pas forcément d’accord avec cette séparation entre les amateurs et les professionnels? Nous avons vu des comédiens amateurs qui nous touchent bien plus par leurs maladresses, leurs sincérités que bien des comédiens professionnels qui restent parfois dans leur savoir-faire et ne se remettent plus en cause.
Nous ne sommes pas d’accord avec Stanislas Nordey directeur du théâtre national de Strasbourg qui dit : « Nous travaillons tous en ce sens, mais selon moi, le théâtre public est comme le cinéma art et essai : on ne fera jamais venir toute la société ». Si le théâtre peut attirer toute la société. Le théâtre est par essence populaire et ce depuis l’Antiquité mais il faut s’en donner les moyens, prendre des risques, sortir de sa zone de confort. « Cher Stanislas viens voir notre travail dans les quartiers prioritaires ».

Nous préparons une comédie musicale intitulée « Body Agde » le 19 décembre 2020 à la salle de convivialité en plein cœur du quartier prioritaire d’Agde avec notre compagnie de théâtre TBNTB (si les conditions sanitaires le permettent). Il y a dans les comédiens amateurs qui vont monter sur scène des professeurs, des retraités, des éducateurs. Il y a aussi des gens en très grande précarité. Il y a des personnes âgées et des jeunes.
Il y a des femmes qui s’occupent seules de leurs enfants. Il y la diversité des religions. Il y a aussi des athées. Il y a des bourgeois et des non bourgeois. Et il y a aussi des comédiens professionnels.

Il y a des gens issus de la communauté maghrébine, gitane et des payos (à savoir des non-gitans). C’est comme ça que les Gitans aiment à nous appeler. Et puis après les répétitions à la salle jeunesse on va boire un verre à l’épicerie « Chez Samuel », l’épicerie gitane du coeur de ville.

On y est arrivé parce que chacun on est allé au-delà de nos préjugés. Chacun a pu venir avec ses codes artistiques et être respecté, être entendu, être écouté. Par exemple au début nos amis gitans venaient avec leurs guitares et jouaient du flamenco. Pour eux le théâtre ce n’était pas pour eux c’était pour les fous. Puis petit à petit nous nous sommes intéressés à leur art sans jugement. Et puis nos amis tsiganes se sont intéressés à notre art le théâtre. Et maintenant nos amis gitans montent sur scène en disant des textes écrits par des poètes gitans sur leurs histoires et le génocide qu’ils ont vécu. On se retrouve tous ensemble, venant d’horizons et de milieux différents parce qu’on partage à travers l’art les grandes émotions humaines. De notre point de vue c’est à partir du moment où l’on se connaît, où l’on connaît son identité, ses émotions où l’on se connaît soi-même que l’on peut-être dans le vivre ensemble et aller à la rencontre de l’autre et être dans le respect des valeurs de notre pays. Comme l’écrivait Montaigne « Un honnête homme est un homme mêlé ».

Nous espérons avec notre compagnie de théâtre TBNTB  créer une école d’excellence théâtrale en Occitanie pour ces jeunes issus de ces quartiers prioritaires et les préparer aux grandes écoles de théâtre. Comme le dit un proverbe tsigane d’Alexandre Romanès « Au royaume de l’espoir il n’y a jamais d’hiver ».

Benjamin Barou-Crossman, comédien et metteur en scène directeur de la compagnie de théâtre TBNTB.

18 novembre 2020/par Dossier de presse
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