Au Théâtre de la cité internationale, Trajal Harrell et le Schauspielhaus Zürich Dance Ensemble déploient un dialogue intime avec les musiques de Joni Mitchell et Keith Jarret, qui fait briller la présence de chaque interprète.
Chorégraphe New Yorkais connu pour ses frémissements intenses, Trajal Harrell s’est emparé des scènes européennes et occupe de plus en plus les scènes françaises où il est encore peu connu, à tort. Formé aux techniques de chorégraphes historiques comme Trisha Brown, Martha Graham ou Yvonne Rainer, il s’amuse à jouer avec les cultures underground à l’instar du ballroom ou plus intellectuelle, comme la postmodern dance, dont il imaginait la rencontrer fictive à travers Antigone Sr. / Twenty Looks or Paris is Burning at The Judson Church (L) en 2013. En 2019, Trajal Harrell prend la direction du Schauspielhaus Zürich Dance Ensemble, qui compte huit danseurs et danseuses permanents, avec qui il compte bien affirmer son identité chorégraphique. Sur Joni Mitchell et Keith Jarret, il danse avec les interprètes de l’ensemble pour faire jaillir un dialogue intime et intense avec la musique, mis en scène comme un défilé de mode.
Sur la scène, huit tabourets de pianiste noirs sont disposés soigneusement (un reste des dispositifs de distanciation du COVID). Face à nous, Trajal Harrel, se tient en costume, une robe à fleur autour du cou, pieds nus. Il agite les bras en l’air, les yeux fermés, il semble pris d’une transe, comme envoûtant par le timbre cristallin de Joni Mitchell qui emplit la salle. Une intensité tremblante, qui rappelle l’envoûtant Dancer of the year (2019) et son geste imprégné du butoh japonais, qui donne à sa danse une ardeur viscérale, singulière et personnelle.
Tour à tour les interprètes du Schauspielhaus Zürich Dance Ensemble traversent l’espace façon catwalk sur les notes de The Last Time I saw Richard, affublés de tenues maximalistes, entre friperie et haute couture. Transpercés par la sensibilité de la chanteuse de folk canadienne, leur démarche revêt quelque chose de solennel. Mais Mitchell n’est qu’une introduction, avant le clou du spectacle. Vêtus ensuite des tenues noires aux allure déchiquetées, les interprètes adoptent des postures de statuaires grecques. Sonnent alors les notes enchanteresses du Köln Concert de Keith Jarret, l’occasion pour chaque danseur et danseuse de révéler, l’un après l’autre, une interprétation sensible et intime de la musique. Leur danse, instable, est rythmée par les déséquilibres, chutes rattrapées à la dernière minute. Chaque solo est personnel, déploie une palette d’émotions, (de la tristesse à l’extase), des textures (moelleux ou raideur), et des rythmes (lents ou véloces) variées. Elles sont tantôt simples, tantôt virtuoses à l’instar de l’envolée virevoltante de Thibault Lac sur la mélodie. Ce dialogue étroit avec la musique, nous fait parcourir ce spectacle comme sur un fil, qui se tend et se détend, pour nous maintenir en haleine.
The Köln Concert
Mise en scène, chorégraphie, scénographie, son et costumes, Trajal Harrell
Avec Titilayo Adebayo, Maria Ferreira Silva, Trajal Harrell, Nojan Bodas Mair, Thibault Lac, Songhay Toldon, Ondrej Vidlar
Dramaturgie, Katinka Deecke
Lumières, Sylvain Rausa
Musique, Keith Jarrett, Joni Mitchell
Assistantes production, Camille Roduit, Maja Renn
Diffusion et relations internationales, Björn Pätz (SHZ), ART HAPPENSProduction Schauspielhaus Zürich
Coréalisation Théâtre de la Cité internationale (Paris) ; Festival d’Automne à ParisDurée 50 min
Festival d’Automne à Paris
Théâtre de la Cité internationale
29 Novembre au 3 Décembre 2022
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