Peter Handke convoque les fantômes de sa famille pour une œuvre introspective à la recherche de ses racines. Malgré une distribution éblouissante, Alain Françon ne parvient pas donner de la force au texte de l’auteur allemand. Le spectacle est plombant et fortement ennuyeux.
Sur le papier cette pièce est alléchante car elle permet de découvrir l’adaptation du dernier roman de Peter Handke paru en 2012, une œuvre singulière puisqu’elle est autobiographique. Peter Handke se confie et convoque les membres de sa famille. C’est une plongée dans la grande Histoire de l’Europe à travers l’histoire familiale de l’auteur. Cette pièce était d’autant plus attendue qu’elle rassemble une distribution éclatante de Nada Strancar à Laurent Stocker en passant Dominique Valadié et Dominique Reymond. C’est tout un pan de l’histoire du théâtre français de la décentralisation qui est réuni sur le plateau. Et malgré tous ces éléments prometteurs, on s’est copieusement ennuyé le soir de la première.
Peter Handke est d’origine slovène, c’est donc dans la lande de son pays d’origine qu’il convoque les personnages. Alain Françon reprend l’idée de son dernier spectacle, Des Gens d’après Bond, avec un plateau incliné. Jacques Gabel a imaginé une toundra craquelée d’où sortent par moment des bancs de pierre. La première partie de la pièce est consacrée à la présentation de la famille de Peter Handke dont la vie est traversée par la tragédie, même si le Grand-Père (Wladimir Yordanoff) pense le contraire. Cette tragédie arrivera avec la naissance de Peter Handke, issu d’une nuit d’amour entre sa mère et un soldat nazi. Cette galerie de portraits est interminable. Et cette lenteur ne sert pas le texte.
Laurent Stocker qui incarne Handke observe sur un tabouret l’arbre généalogique de la famille se fabriquer côté jardin en contrebas du plateau. Il y a la tante Ursula (magnifique Dominique Valadié) qui cherche « la guerre familiale » et qui prend le maquis de la résistance face à l’oppression allemande. Les oncles Gregor (Gilles Privat), Valentin (Stanislas Stanic) et Benjamin (Pierre-Félix Gravière) sont enrôlés dans l’armée nazie. Dans cette première partie très sombre, Dominique Valadié, la Mère, parvient à illuminer le plateau. C’est le rayon de soleil de la famille. Légère, avec son côté enfantin, elle est amoureuse dans sa belle robe rouge.
La construction de la pièce permet des allers et retours dans l’histoire familiale. Peter Handke cherche à recoller les morceaux de vie pour mieux comprendre la haine qui a entouré sa naissance. On imagine aisément la douleur ressentie. Ses oncles le repoussent dans son landau de bébé, lui crachent dessus.
Laurent Stocker discute avec les fantômes familiaux et notamment avec son oncle Gregor. C’est le propos de la deuxième partie dans laquelle on retrouve les thèmes chers à l’auteur autour de la construction de l’Europe. Mais sa plume semble tourner en rond. Problème de traduction ? Il donne le sentiment d’accumuler les poncifs et les phrases toutes faites sans véritable sens. La plus éloquente étant celle-ci: « Les hommes disparaissent et les T-Shirts perdent leurs couleurs ».
La nostalgie n’opère pas du tout sur la scène. La mise en scène ne décolle à aucun moment et lorsque les personnages reviennent tous à la fin pour entamer une valse, la valse du dégoût, on sort enfin de l’ennui profond dans lequel nous a plongé Alain Françon.
Stéphane CAPRON – www.sceneweb.fr
Toujours la tempête
de Peter Handke mise en scène Alain Françon
avec Pierre-Félix Gravière, Gilles Privat, Dominique Reymond, Stanislas Stanic, Laurent Stocker de la Comédie-Française, Nada Strancar, Dominique Valadié, Wladimir Yordanoff
Toujours la tempête est publié aux éditions Le Bruit du temps.
texte français Olivier Le Lay
décor Jacques Gabel
costumes Sarah Leterrier
lumière Joël Hourbeigt
musique Marie-Jeanne Séréro
chorégraphie Caroline Marcadé
son Léonard Françon
collaboration à la mise en scène Nicolas Doutey
coproduction Théâtre des Nuages de Neige, Odéon-Théâtre de l’Europe, Comédie de Saint-Étienne-CDN, MC2 Grenoble, La Comédie de Clermont-Ferrand scène nationale, Maison de la Culture d’Amiens
le Théâtre des Nuages de Neige est soutenu par la Direction Générale du Ministère de la Culture
avec le soutien du Cercle de l’OdéonDurée: 3h20 avec entracte
Odéon – Ateliers Berthier
Du 4 mars au 2 avril 2015A 19h30
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