Tigran Mekhitarian joue et met en scène un Malade imaginaire bien d’aujourd’hui, empreint de culture urbaine et d’une belle énergie.
Exit les Pan, Daphné, Zéphirs, bergères et bergers, Polichinelle et Mores, tous figurant dans les quelques intermèdes qui ponctuent la dernière comédie-ballet de Molière. La musique baroque de Marc-Antoine Charpentier s’est effacée au profit de la batterie fiévreuse de Sébastien Gorski. Les comédiens se font eux-mêmes danseurs en cagoule et jogging noirs. C’est aussi sous la forme d’un « petit rap impromptu » spontanément performé que se donne la Pastorale dévoilant subversivement l’amour secret d’Angélique et Cléante qui se fait malignement passer pour le remplaçant de son maître de musique dans l’intention de regagner sa chambre.
Vu dans La Tendresse de Julie Bérès, Tigran Mekhitarian entretient une familiarité d’assez longue date avec Molière dont il a déjà monté plusieurs titres (Les Fourberies de Scapin, Dom Juan…). L’originalité du geste résolument distancié et parfois un peu appuyé qu’il adopte réside dans sa volonté de rendre pleinement accessible et moderne la pièce qu’il adapte, actualise, de façon fort honnête, car en restant finalement proche du texte et surtout de ses enjeux, au point de ne chercher à rien raconter d’autre que ce qu’elle dit et contient mais de les remettre au gout du jour. Entre comique et tragique, les dialogues de Molière, dits dans un parler sec, rapide, nerveux, qui est celui de la jeunesse populaire de notre époque (et pas seulement celle des cités), deviennent des joutes verbales fort bien musclées et envoyées. Au plateau, corps et voix rendent naturellement toute la verve du texte qui abonde en moquerie, insolence et méchanceté, et qu’un jeu classique un peu trop ampoulé aurait presque tendance à policer ou édulcorer.
Du Malade imaginaire, l’inusable mise en scène de Claude Stratz, jouée depuis 2001 dans la salle Richelieu la Comédie Française et reprise dernièrement au Théâtre des Champs-Elysées et en tournée, continue, à raison, de s’imposer comme une version de référence. Argan s’y présente en blouse ouverte et couche-culotte, crûment incontinent. Ici, le malade est campé tout autrement : encore jeune homme, de belles prestance et carrure, il impose une humeur vive et impulsive, une allure chic et saillante dans son costard ajusté, tout de vert vêtu (un clin d’œil à Molière mort en interprétant le rôle dans un veston de même couleur).
Las et déprimé sur le siège des toilettes en train de visionner quantité de vidéos sur son téléphone portable ou de compter sur son ordinateur les factures exorbitantes de médicaments dont regorgent les étagères derrière lui, son Argan a sans doute bien moins peur de mourir que de ne pouvoir exercer sa pleine autorité. Aussi, le personnage est tiré du côté du tyran, prompt à hurler dans son bain pour qu’on vienne le servir, à menacer de cinglants coups de ceinture sa désobéissante fille. Il est aussi parfois tellement enfant, ridiculement capricieux et boudeur. Autour de lui, explosent l’énergie d’une jeunesse en pleine révolte et la force de résistance des femmes. Mentionnons la vitalité de L’Eclatante Marine dans le rôle d’Angélique galvanisée par l’insolente et intrigante Toinette d’Isabelle Gardien. C’est ainsi qu’acteurs et propos s’inscrivent tous bien dans le présent.
Christophe Candoni – www.sceneweb.fr
Le malade imaginaire de Molière
Mise en scène et adaptation Tigran MekhitarianAvec
Serge Avédikian, Anne Coutureau, L’Éclatante Marine, Camila Filali, Isabelle Gardien, Sébastien Gorski, Tigran Mekhitarian, Étienne PaliniewiczCoproduction En Scène ! Productions, À Mon Tour Prod et Tcholélé Théâtres
Soutiens Théâtre de Sartrouville et des Yvelines – CDN, le Théâtre de Suresnes Jean Vilar, Le Salmanazar – Scène de création et de diffusion d’Épernay, la Ville d’Ablon-sur-Seine – Centre Culturel Alain Poher, la Ville de Louvres – Espace Culturel Bernard Dagues, le Centre des Bords de Marne du Perreux-sur-Marne.
Remerciements Centre Paris Anim’ Dunois et Centre Paris Anim’ Maurice Ravel
Avec la participation artistique du Studio-ESCADurée : 1h50
Théâtre de Suresnes
vendredi 27 septembre 2024 | 20:30
dimanche 29 septembre 2024 | 16:00Centre culturel Le Figuier Blanc – Argenteuil
9 novembreThéâtre Victor Hugo – Bagneux
29 novembreThéâtre Le Forum – Fréjus
3 décembreThéâtre de Grasse
5 et 6 décembreLes Passerelles – Pontault Combault
11 février 2025Théâtre de Poissy
6 marsForum de Flers / Scène Nationale 61
1er avrilSalle Marcel Pagnol – Neuilly sur Marne
11 avrilPalais des Rencontres – Chateau-Thierry
5 juin
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