Tiago Rodrigues a pris la direction du Festival d’Avignon le 1 septembre 2022. Il est entouré de Anne de Amézaga, directrice adjointe, de Géraldine Chaillou et Magda Bizarro chargées de la programmation. Sans dévoiler les premiers noms qui composeront la prochaine édition, il a tracé les grandes lignes de son projet. Chaque été, une langue étrangère sera invitée, pour 2023, ce sera l’anglais
En cette rentrée, le metteur en scène portugais est sur tous les fronts, avec Dans la mesure de l’impossible à l’Odéon Berthier, bientôt aux Bouffes du Nord avec Catarina et la beauté de tuer des fascistes et Chœur des amants, puis avec Entre les lignes à l’Athénée et cela se prolongera en janvier 2023 à l’Opéra de Nancy avec Tristan et Isolde. Le nouveau directeur du festival d’Avignon multiplie les déplacements entre Avignon, où il réside depuis cet été, et les plateaux, et commence à distiller quelques informations sur son projet qui s’articule autour de deux idées : « le mariage entre l’exigence des formes artistiques et un projet utopique de théâtre populaire, puis le lien qu’entretient Avignon avec la mémoire et l’avenir ». Tiago Rodrigues se place délibérément dans l’héritage de Jean Vilar. « Chaque direction arrive pour interpréter une partition qui se joue depuis 1947. Je vais l’interpréter à ma manière ». Il souhaite « construire un laboratoire de recherche de l’avenir, en rassemblant les publics et les artistes. Avec de manière transversale l’idée de démocratisation culturelle qui me semble urgente. Elle l’est aujourd’hui plus nécessaire que jamais ».
Chaque année, une langue invitée
« Le festival est multilingue, polyglotte, européen, ouvert au monde » explique le metteur en scène qui souhaite qu’à partir d’Avignon, « le public regarde le monde avec ses langues diversifiées, qui forment sa richesse ». Pour chaque édition une langue héritée du festival sera invitée. En 2023 ce sera l’anglais. « Elle ne va pas couvrir toute la programmation » rassure le directeur anticipant les critiques, « mais elle viendra se rejouter à la programmation française et internationale, avec cinq à sept spectacles autour de cette langue, de son répertoire, de la façon dont les artistes dans le monde se l’approprient avec de nouvelles clés d’interprétation et de nouvelles expériences pour le public ».
Le Festival d’Avignon est une vitrine de la création nationale et internationale, Tiago Rodrigues travaille avec son équipe à maintenir des équilibres. « Le côté européen du festival va bénéficier à la création française. Les créations françaises seront accessibles en anglais, la langue invitée, pour rendre le festival vraiment polyglotte et pour que la France soit présente en tant que puissance artistique dans le monde ».
Des surprises, de l’inattendu, des découvertes
Lors de l’émouvante passation de pouvoir cet été entre Olivier Py et Tiago Rodrigues, le metteur en scène est resté de longues minutes à discuter avec le public d’Avignon. Il souhaite accroitre ce travail de relation avec lui. « Nous devons continuer à le renouveler, avec comme priorité la jeunesse en âge de se forger son goût pour les arts vivants. Et aussi continuer à s’adresser à tous les spectateurs de n’importe quel âge ou origine. Le festival leur appartient ».
Dosage entre la création française et la création internationale, entre les générations de metteuses et metteurs en scène, entre les formes artistiques, composer une programmation est un travail d’équilibriste. Tiago Rodrigues souhaite faire revenir à Avignon des artistes que l’on n’a pas vu depuis longtemps, et d’autres qui ne sont jamais venus. Se pose la question épineuse de l’émergence. Comment ouvrir la porte à la nouvelle génération ? « Le festival porte une responsabilité par rapport à l’émergence » explique le directeur. « C’est notre responsabilité d’accompagner les jeunes artistes, au bon moment. Je suis un bon exemple. En tant qu’artiste, j’ai pu mûrir, solidifier mon travail puis j’ai été programmé pour la première fois en 2011 au théâtre Benoît XII avec Antoine et Cléopâtre. Précédemment, l’équipe du Festival d’Avignon m’avait suivi et elle a attendu le bon moment. Nous avons un responsabilité envers l’émergence pour la rendre visible, l’accompagner et créer les conditions de sa stabilité. C’est dans le code génétique d’Avignon et on va continuer à le nourrir tout en s’ouvrant vers la diversité et la pluralité des formes. Je souhaite construire un festival avec des surprises, de l’inattendu et des découvertes ».
Contrairement à Olivier Py, qui dans chacun de ses éditos énonçait un fil rouge, Tiago Rodrigues ne veut rien imposer. « Les thèmes émergeront d’eux-mêmes car le Festival d’Avignon a toujours été une réponse à son époque et une interpellation à l’avenir. Il y aura une ligne qui ne va pas traverser nécessairement la programmation, mais qui va traverser notre lecture du monde c’est la transition écologique et notre responsabilité vers des pratiques plus durables. Le Festival d’Avignon s’y est engagé depuis longtemps avec une charte et des buts très clairs. La responsabilité écologique impose aussi une responsabilité économique ».
L’arrivée de la nouvelle direction coïncide avec la négociation de tous les financements publics du festival avec les collectivités qui le soutiennent. L’argent reste la nerf de la guerre. « On discute, on va se battre avec beaucoup d’énergie pour le festival soit la parenthèse enchantée de l’été ».
Stéphane CAPRON – www.sceneweb.fr
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