
Photo Christophe Raynaud de Lage / Festival d’Avignon
« J’ai dépassé l’utopie » : lors de ses cours artistiques à l’Institut médico-éducatif, le comédien de l’Oiseau-Mouche n’aurait jamais pu imaginer qu’une quarantaine d’années plus tard il jouerait au Festival d’Avignon au côté de Jeanne Balibar. Pour sa première fois dans le In, il interprète Sancho Panza dans le Quichotte de Gwenaël Morin.
En ce mois de juillet, Thierry Dupont est un artiste complet et comblé. À l’affiche du Quichotte tricoté par Gwenaël Morin dans le cadre du 78e Festival d’Avignon, le doyen de l’Oiseau-Mouche, une compagnie qui réunit des comédiennes et comédiens en situation de handicap mental, se souvient de son premier rôle. Celui que, à l’âge de douze ans, il campait dans une adaptation belge du conte musical Pierre et Le Loup, avant de remporter un concours de chant francophone avec la chanson Changer le monde de Franck Olivier. À tout juste 21 ans, ce doublé lui permet d’intégrer, en 1990, la compagnie de l’Oiseau-Mouche avec laquelle il joue plusieurs fois dans le Festival Off. Particulièrement marqué par sa collaboration avec François Cervantès dans Un chemin oublié en 1993, il apprécie le travail de co-construction voulu par le metteur en scène. Un art qui s’apparente à la manière qu’a Gwenaël Morin d’écouter les propositions de ses comédiens. Aux côtés de Jeanne Balibar et Marie-Noëlle, l’artiste lui permet de faire ses premiers pas dans le In, sous les traits d’un Sancho Panza musicien, directement exfiltré du chef d’oeuvre de Miguel de Cervantes.
Cette rencontre entre les deux hommes n’aurait pas pu avoir lieu sans l’entremise de l’Oiseau-Mouche. Au début de l’année 2023, les salariés de la compagnie organisent des workshops pilotés par Gwenaël Morin que Thierry Dupont voit comme des « rencontres » qui lui ont permis « de mûrir et de s’enrichir » dans sa pratique artistique. En janvier 2024, le metteur en scène lui « fait la surprise » de lui proposer le rôle du célèbre écuyer de Don Quichotte. Ensemble, ils avaient déjà lancé des recherches sur le roman de Cervantes. Thierry Dupont ne sait pas lire, ni écrire, alors Gwenaël Morin lui a conseillé d’écouter des lectures sur France Culture. Pour apprendre son texte, le comédien s’est aidé d’enregistrements et a dessiné ce que le metteur en scène ne fait pas apparaître sur le plateau, ou si peu, sous la forme d’un storyboard ou de rébus.
Mais là où réside la vraie force de Thierry Dupont, c’est dans la musique. Il imagine alors cette adaptation comme une comédie musicale où « un violon peut être Quichotte et l’âne une trompette », avant de se reprendre car Gwenaël Morin « n’aimerait pas que l’on qualifie son travail ainsi ». Après tout, c’est aussi pour ses talents d’auteur-compositeur que le metteur en scène a fait appel à lui, et, avec l’aide préparatoire d’un chanteur d’opéra, il joue et interprète devant le public deux créations originales – la naissance et la mort de Don Quichotte.
Alors, dans le Cloître Saint-Louis où nous le rencontrons, Thierry Dupont fait les questions et les réponses, mais surtout pousse la chansonnette : « Ne pleure pas Sancho, mon bon ami. Ton maître est mort, mais il n’est pas loin de toi… » Pour la suite, un projet personnel lui tient à cœur : RON-PON, son duo de rock expérimental avec David Bausseron, encore en cours de création. Il y incarne le « Roi des rêves », un nouveau rôle qui pourrait très bien lui coller à la peau. Mais, avant ça, il confie tout sourire avoir hâte de partir en tournée avec la troupe de Quichotte, puisqu’après l’Oiseau-Mouche, il a trouvé là « comme une deuxième famille ».
Candice Fleurance – www.sceneweb.fr
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