D’inspiration médiévale et picturale, la nouvelle création des FC Bergman donne à voir l’itinéraire d’un ovidé errant, confronté à l’hostilité du monde humain, à grand renfort d’images saisissantes et d’allégories lourdaudes.
De retour à Avignon, le collectif anversois s’était révélé au Festival en 2016 avec l’éblouissant Pays de Nod. De ce premier opus demeurent une confiance inaltérable accordée aux images plutôt qu’aux mots et un goût prononcé pour un univers étrangement insolite. Mais l’esthétique poético-apocalyptique qui séduisait alors s’est fâcheusement assombrie et épaissie au point de devenir indigeste pour le spectateur.
Dans la plus pure tradition de l’apologue, le protagoniste du spectacle est un animal, un mouton, joué par Jonas Vermeulen costumé d’une peau de bête mécanisée et d’une tête télécommandée. L’acteur réalise une performance physique tout à fait impressionnante. D’abord dissimulé parmi ses congénères, le laineux mammifère, fébrilement campé sur ses deux pattes arrières, tente de s’extraire de sa communauté d’ovidés pour devenir humain. Mais le monde des hommes largement convoité s’avérera tragiquement amer.
Une profusion de tableaux, parfois brillamment inspirés, parfois carrément surchargés, convoque l’univers aussi fascinant qu’effrayant d’un Jérôme Bosch, d’un Bruegel, ou d’un van Eyck, entre autres références ancrées dans la culture artistique et religieuse à la symbolique appuyée. A l’occasion de saynètes qui s’enchaînent tout en fluidité, se déploie un imaginaire mi-carnavalesque mi-cauchemardesque entre bourrasque et confettis. S’offre à la contemplation une large fresque emplie de chair voluptueuse et de dure cruauté. Tout un monde aux couleurs opaques, aux hurlements sourds, peuplé de figures tentatrices ou diaboliques, défile sur un double tapis roulant. Une silhouette masculine mène la danse, le corps nu, le visage et les épaules masqués par un tissu rouge sang renvoyant sans doute à la nature sacrificielle de la figure centrale. Une marionnette au sexe turgescent dans son castelet infernal, un picador ensanglanté dont le corps est traversé par ses piques, une Vénus botticellienne, un bébé geignard et étouffé, tous peuplent la peinture d’une humanité triste et grise, violente et excluante, dont le mouton va faire les frais au cours de son impossible parcours. Personnifiant l’aspiration au changement et au dépassement, l’ovidé innocemment épris de liberté devient une pauvre bête égarée et suppliciée.
Au bout d’une odyssée ressemblant moins à une quête initiatique qu’à un véritable chemin de croix, l’animal dévasté, n’ayant trouvé sa place nulle part, retourne au bercail, ignoré des siens. The Sheep Song tend-il à nous dire qu’il fait bon de rester au troupeau plutôt que de risquer l’aventure au mépris des périls qui menacent ? L’indéniable virtuosité technique développée ne masque pas la vanité d’un tel propos qui, pris littéralement, semble maladroitement délivrer une morale grégaire de la fable animalière.
Christophe Candoni – www.sceneweb.fr
The Sheep Song
Conception FC Bergman : Stef Aerts, Joé Agemans, Thomas Verstraeten, Marie Vinck
Avec Stef Aerts, Yorrith De Bakker, Bart Hollanders, Matteo Simoni, Jonas Vermeulen, Marie Vinck
Lumière Ken Hioco
Musique Frederik Leroux
Son Senjan Janssen
Costumes Joëlle MeerbergenProduction FC Bergman, Toneelhuis
Coproduction Holland Festival, Les Théâtres de la ville de Luxembourg, Piccolo Teatro di Milano – Teatro d’Europa
Avec le soutien de Taxshelter.be, Casa Kafka Pictures Movie Tax Shelter Empowered by BelfiusFestival d’Avignon 2021
du 16 au 25 juillet
L’Autre Scène du Grand Avignon, VedèneLes Théâtres de la Ville du Luxembourg
les 21 et 22 octobreThalia Theater Hamburg
les 29 et 30 janvierPiccolo Teatro di Milano
du 10 au 12 maiTournée en Belgique et aux Pays-Bas entre décembre 2021 et mai 2022
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