Emanuel Gat ouvre le festival Séquence Danse Paris avec Suzanne, une pièce créée en 2021, dans laquelle les corps très expansifs et d’une généreuse vitalité se dopent à la puissance émotionnelle de la chanteuse noire-américaine.
Les fidélités artistiques s’offrent comme un fil directeur de la 11e édition du festival Séquence Danse Paris lancé ce week-end au CentQuatre et qui se tient jusqu’au 17 mai 2023. Au programme : des artistes familiers du lieu, à savoir Leïla Ka, Christian Rizzo, Oona Doherty, Olivier Dubois, Marco da Silva Ferreira, et Emanuel Gat en ouverture. Accompagné des jeunes danseurs israéliens du Inbal Dance theater, le chorégraphe propose comme un retour aux sources, aux origines de sa pratique. Suzanne qui donne son titre à la pièce présentée vient du nom du centre d’art de Tel Aviv où l’artiste a débuté sa carrière et a fondé sa compagnie il y a plus de trente ans. Suzanne, c’est aussi le titre d’un standard de Leonard Cohen chanté par Nina Simone lors d’un concert donné au Philharmonic Hall de New York en 1969 et dont l’enregistrement sert de bande-son au spectacle.
La musique joue toujours un rôle primordial dans le travail d’Emanuel Gat qui dialogue au fil de ses créations avec des compositeurs et des interprètes légendaires, de tout temps et de tout style, tels que Stravinsky, Schubert, Boulez, Bach, évidemment joué par Glenn Gould. Nina Simone a, elle aussi, appris à jouer du piano et aurait pu devenir une concertiste classique. C’est du côté du jazz, du swing et du blues qu’elle s’est finalement illustrée, pour devenir une des voix les plus magnétiques de la chanson internationale. La danse palpitante qui se donne à voir et le chant languissant qui caresse l’oreille sont d’univers apparemment bien différents mais ils partagent une verve, une vigueur, qui permet d’échapper à un trop lourd penchant à la nostalgie, mais plutôt céder à une énergie tonique vibrante et vivifiante.
Ils sont huit jeunes gens très différents, aussi bien physiquement que dans les expressions et les tempéraments, à se mouvoir en continu sur un plateau totalement nu et sous des lumières entre ombre et clarté. La sobriété formelle est une marque de fabrique du chorégraphe. Cette épure contraste avec la véhémence fulgurante de la kyrielle de gestes denses et démultipliés qui déferlent. Lesquels ne sont que rarement illustratifs mais particulièrement expansifs. Lesquels sont aussi parfois excessifs. Mais malgré la surcharge, la limpidité et la vélocité de leur exécution épatent. Dès son entrée en scène sous la forme d’une ligne en diagonale qui aussitôt se brise, le groupe s’éparpille pour entreprendre quantité de parcours multidirectionnels, d’incessantes courses, de roulades et francs jetés au sol, et se laisser aller à des rencontres brèves et changeantes. La danse paraît aussi éclatée qu’unifiée et réfléchit la notion de communauté. Entre tension et décontraction, il se dégage une ferveur éclatante, un rebond permanent, de cette pièce étourdissante, qui donne à contempler l’engagement, l’affranchissement, de chacun. Cet élan vital qui irrigue Suzanne inspire et emporte.
Christophe Candoni – www.sceneweb.fr
Suzanne
chorégraphie et lumière : Emanuel Gat
avec : Noam Deutsch, Eshed Weissman, Yehonatan Sa’al, Itai Meir, Roni Faigler, Romi Cohen, Celia Mari’, Yaniv Oirech
musique : extraits du concert de Nina Simone au Philharmonic Hall de New York en 1969répétitions : Tamar Barlev
costumes : Omri Albo
régie technique : Ilan Shalom
directeur de production : Koral Peleg
directeur général et artistique : Eldad GrupyDurée : 55 minutes
Au CentQuatre
du 1er au 3 avril 2023
avec le soutien du service culturel de l’Ambassade d’Israël
dans le cadre du Festival Séquence Danse Paris
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