Une Périchole aux mille couleurs

Stéphanie d’Oustrac (La Périchole) et Thomas Morris (Tarapote) photo Stefan Brion

A l’Opéra-Comique, Valérie Lesort signe une vive et inventive Périchole d’Offenbach avec Stéphanie d’Oustrac absolument grisante dans le rôle-titre. Un bonheur de spectacle à « glouglouter » de plaisir.

De retour dans les murs même où Jérôme Savary l’avait présentée, La Périchole d’Offenbach a de nouveau complètement ravi le public de Favart. Tout est absolument séduisant dans cette nouvelle production qui n’a d’autre prétention que celle de ravir. Et c’est réussi. Mis en scène avec une maestria remarquable par Valérie Lesort, le divertissement rend tout son jus en évitant habilement de crouler sous les conventions qui le ferait passer pour poussif ou vieillot. Avec un plaisir simple et enfantin du jeu, se multiplient les propositions qui font que, pas un instant, l’attention ne se relâche. Ce sont de multiples trouvailles, plaisantes, surprenantes, hilarantes même, qui toujours servent le propos musical et s’en servent tout autant. Dans des décors et costumes à foison, le théâtre, la musique et la danse s’animent harmonieusement. Le spectacle distille autant de drôlerie qu’une juste folie qui sied bien à l’ouvrage. Le but n’est jamais de détourner l’œuvre – celle-ci n’est qu’à peine remaniée, y compris dans les parties parlées – mais au contraire d’en exploiter et vivifier toutes les ressources. Toujours derrière l’humour franc et délirant, se niche une profonde tendresse que n’empêche nullement un propos léger et par ailleurs impertinent. Le destin de la Périchole n’est d’ailleurs pas si gai. Et si le spectacle joue pleinement la carte de l’amusement, il ne fait fi d’une émotion bienvenue.

Le rideau se lève sur une place publique à Lima où un soleil de plomb inonde de sa clarté des façades fleuries et des tables de café. Sur le pavé comme aux balcons, citadins et courtisans se gorgent de vin et de chansons. Les trois cousines arborent leurs froufrous et fanfreluches de cabaretières. Plus tard, sous les arcades d’une Cour formidablement décalée et même déréalisée, où les personnages semblent sortir d’un jeu de playmobil, se déploie une formidable satire du pouvoir et des jeux amoureux. Tassis Christoyannis y est un excellent vice-roi de pacotille.

Toute la distribution réunie fait montre de solides qualités vocales et d’un abattage scénique hors pair tel que l’ouvrage le réclame. Révélée dans la peau d’une autre héroïne de Mérimée au caractère vagabond et bien trempé, la fiévreuse Carmen, Stéphanie d’Oustrac, tout en éclat et rayonnement vocal, en énergie sanguine, en humeur malicieuse, fait une Périchole à laquelle elle donne également des airs bohèmes et de irrépressible liberté. Son personnage a l’âme d’une artiste saltimbanque et survoltée. En duo comique avec son amoureux, l’affable Piquillo que campe fièrement Philippe Talbot, tour à tour comique et touchant, elle joue dans la rue, y enchaine les numéros dont le plus célèbre est la ballade du soldat et de la jeune Indienne. Sous la direction rigoureuse et entraînante de Julien Leroy, l’Orchestre de Chambre de Paris et le chœur Les éléments en pleine forme se laissent griser par les couleurs et les rythmes endiablés de la partition. Les danseurs revisitent le cancan à la sauce hispanique et sous l’effet d’une ivresse euphorique.

Christophe Candoni – www.sceneweb.fr

La Périchole

Opéra bouffe en trois actes. Livret de Ludovic Halévy et Henri Meilhac. Créé le 25 avril 1874 au Théâtre des Variétés.

Direction Musicale
Julien Leroy

Mise en scène
Valérie Lesort

Décors
Audrey Vuong

Costumes
Vanessa Sannino
Lumières
Christian Pinaud

Chorégraphie
Yohann Têté

Assistante musicale
Emmanuelle Bizien

Assistant à la mise en scène
Florimond Plantier

Assistante décors
Amélie Meseguer

Assistante costumes
Karelle Durand
Martin Surot
Chef de chant
Martin Surot

La Périchole
Stéphanie d’Oustrac

Piquillo
Philippe Talbot

Don Andrès de Ribeira
Tassis Christoyannis

Don Miguel de Panatellas
Eric Huchet

Don Pedro de Hinoyosa
Lionel Peintre

Premier notaire / Tarapote / le vieux prisonnier
Thomas Morris

Deuxième notaire
Quentin Desgeorges

Berginella, Frasquinella
Marie Lenormand

Mastrilla, Brambilla
Lucie Peyramaure

Guadalena, Manuelita
Julie Goussot

Ninetta
Sarah Jouffroy

Danseurs
Lucille Daniel, Alexandre Galopin, Véronique Laugier, Jocelyn Laurent, Maria McClurg, Gaétan Renaudin

Les éléments
Choeur
Les éléments
Orchestre
Orchestre de chambre de Paris
Production

Opéra Comique
du 15 au 25 mai 2022