Rachel Arditi a joué sous la direction de Pauline Bureau, Salomé Lelouch, Stephan Meldegg, Julie Brochen, Bernard Murat… Songe à la douceur de Clémentine Beauvais à l’affiche en ce moment du Théâtre Paris Villette est sa troisième collaboration avec Justine Heynemann après La Loi sauvage et Les Petites Reines. Voici son interview Soir de Première.
Avez-vous le trac lors des soirs de première ?
La plupart du temps. Si je ne l’ai pas, c’est pas forcément bon signe… Plutôt le signe que je suis en retard sur la réalité, et donc potentiellement que je vais courir après la représentation, que je serai un peu en décalage avec le plateau.
Comment passez-vous votre journée avant un soir de première ?
Si je suis très stressée, j’écoute de la musique, voire je joue du piano. Je déchiffre un truc bien dur et pas du tout à ma portée. Genre une ballade de Chopin ou une pièce de Schumann. Comme ça, j’occupe entièrement mon cerveau. Je fais diversion, je lui fais croire que le problème, c’est cette p….. de partition à déchiffrer, et pas du tout la représentation qui a lieu dans 4 heures.
Avez-vous des habitudes avant d’entrer en scène ? Des superstitions ?
Aucune. Ma loge est plutôt bordélique. Un copain m’a dit l’autre jour que son prof de théâtre prétendait que les loges des grands acteurs était toujours impeccables. Je me suis tue, mais j’avoue, ça m’a beaucoup angoissée.
Première fois où je me suis dit « je veux faire ce métier ? »
En CE1, un jour que depuis l’estrade où je faisais je ne sais plus quoi, j’ai fait rire toute la classe. Ça m’a complètement grisée. Et puis la même année ou presque, un soir où je jouais aux flics avec mes chats (ils étaient de gros malfrats). Je les ai arrêtés, et j’ai déversé sur eux une flopée de répliques dignes des meilleurs téléfilms des années 80. La meilleure d’entre elles était : « Allez fiston, tu vas me suivre bien gentiment au commissariat et tu vas raconter ta petite histoire par le menu. Pigé ? » Je sais pas d’où c’est sorti, on n’avait pas la télé.
Premier bide ?
Premier Avignon. Je jouais L’aide-mémoire de Jean-Claude Carrière avec mon ami Jean-Paul Bezzina, que Benjamin Bellecour avait mis en scène. On ne lésinait pourtant pas sur le tractage, on tractait des heures dans les rues par 35°, moi en robe de soirée traînant une valise à roulettes, histoire d’apparaître aux spectateurs comme une pauvre âme perdue, à l’image de l’héroïne que j’interprétais. Ça les faisait marrer, mais ils ne venaient quand même pas.
Première ovation ?
Je dirais Les Petites Reines, le précédent roman de Clémentine Beauvais qu’on a adapté avec Justine Heynemann et qu’elle a mis en scène. C’est arrivé souvent en tournée, et à chaque fois ça me bouleverse de voir que notre travail produit cette émotion chez les gens. Alors que nous, les acteurs, on est pétris d’incertitudes.
Premier fou rire ?
Je suis très sujette aux fous-rires, jusqu’à me mettre en danger, jusqu’à ne plus pouvoir jouer. C’est atroce et complètement jouissif. Le premier notable, je crois que c’était sur La Dame de chez Maxim mis en scène par Salomé Lelouch au Ciné 13. Je jouais le Môme Crevette et chaque soir, j’avais un fou-rire avec mon ami Benjamin Gauthier qui jouait Mongicourt, pendant une petite danse qu’on faisait au début de la pièce, une petite salsa. On n’arrivait même plus à danser, le rire nous inondait de mollesse. Je ne sais pas ce qui nous faisait tant rire. Le plaisir d’être là, je crois. C’était tellement bon !
Premières larmes en tant que spectateur ?
A la MC 93, Don Juan mis en scène par Maréchal, avec mon frère Pierre dans le rôle de Don Juan. J’avais 12 ou 13 ans. C’est même pas le spectacle qui m’a émue aux larmes, ce sont les applaudissements à la fin. Les gens étaient tellement heureux, qu’ils se sont mis à taper des pieds sur les gradins. D’abord lentement, puis de plus en plus vite. C’était une transe. Plus tard, c’est Romane Bohringer dans La Ménagerie de Verre montée par Irina Brook qui m’a bouleversée. Dès qu’elle est entrée sur le plateau, j’ai été saisie à la gorge. Elle dégageait une espèce de tristesse inconsolable. Comme un chagrin d’enfant. J’ai chialé tout le spectacle.
Première mise à nue ?
A Liège en Belgique, y a un festival de la jeune création théâtrale. Je jouais dans une adaptation de Lulu de Wedekind, où j’interprétais Lulu. Le metteur en scène Vincent Sornaga me voulait nue dans une scène et je voyais pas l’intérêt, j’étais très sceptique sur ses motivations. Je me suis battue pour ne pas être nue. Il a accepté. Puis quelques jours après, il a voulu que je sois nue dans une autre scène, qui était sensée montrer le fantasme ou le rêve de l’un des personnages. Là, ça avait un sens. Ça ne m’a posé aucun problème. La gêne qu’on éprouve à être nu sur scène a finalement moins à voir avec la pudeur qu’avec une incongruité dramaturgique. C’est quelque chose qu’un acteur peut sentir, je pense.
Première fois sur scène avec une idole ?
Je n’ai pas d’idole, je crois. Potentiellement tous les acteurs avec lesquels je joue et que j’admire peuvent le devenir, quel que soit leur âge. Mais quand même quand j’ai joué avec Bernard Giraudeau, j’étais très impressionnée. J’ai adoré être sa fille pendant quelques mois. Le dernier soir de la tournée, je pouvais plus m’arrêter de pleurer. Il était très inquiet, il m’a appelée le lendemain pour savoir si j’allais mieux. Un vrai lien s’était créé.
Première interview ?
Pour La Dame de chez Maxim. Je ne me rappelle plus pour quel magazine ou blog… Je me souviens du nom de la journaliste, elle s’appelait Victoria. Et de l’interminable séance photo qui a suivi. L’article n’est jamais paru !
Premier coup de cœur ?
Cet enfant de Pommerat. Je lui ai écrit après. Dans ma lettre je lui disais tout le bien que je pensais de lui. « Pommerat, c’est un pommier, mais au futur. Ça va faire de beaux fruits. » Magnifique, comme vous pouvez le constater ! D’y repenser me fait suer de honte. J’aurais peut-être mieux fait de parler de son travail. Mais je suis pudique.
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