Autrice et performeuse suisse, Pamina de Coulon a d’abord développé sa pratique dans le département Art Action de la Haute école d’art et de design de Genève, puis à Bruxelles, où elle a poursuivi des études en gestion culturelle. Résidente à L’L, lieu de recherche et d’accompagnement pour la jeune création, elle y imagine le début de son cycle FIRE OF EMOTIONS, qui compte à ce jour quatre épisodes : GENESIS (2014), THE ABYSS (2017), PALM PARK RUINS (2019) et NIAGARA 3000 (2023). Un projet qui se poursuit aujourd’hui avec MALEDIZIONE créé au Théâtre Silvia Monfort.
Avez-vous le trac lors des soirs de première ?
J’ai BEAUCOUP le trac les soirs de première, mais ce n’est pas un trac paralysant. C’est plutôt une concentration de plus en plus mobilisatrice qui me tire vers ce moment où le premier mot va sortir de ma bouche et où je ne vais plus m’arrêter pendant une heure.
Comment passez-vous votre journée avant un soir de première ?
À travailler jusqu’à la dernière minute, à ré-écrire, à m’enfoncer le texte dans la tête, à revoir les esquisses de déplacements prévus. Pour ma dernière création, FIRE OF EMOTIONS : MALEDIZIONE, nous avons fait le premier filage l’après-midi de la première sans que j’aie mes feuilles de notes pour le texte. Pour le moment, ce genre de méthode – travailler jusqu’à la dernière minute – fonctionne bien, mais cela coûte pas mal d’énergie et beaucoup de confiance en ce que l’on fabrique.
Avez-vous des habitudes avant d’entrer en scène ? Des superstitions ?
Plein ! J’ai un échauffement spécifique pour chaque pièce avec des chansons particulières, je danse beaucoup et je chante les chansons. J’ai besoin d’être déjà dans la salle de manière très physique afin que les chansons et leurs textes investissent une première fois l’espace pour qu’il soit rempli des intentions justes. Quand je commence à parler, je m’insère alors à la suite de ce premier moment.
Première fois où vous vous êtes dit « Je veux faire ce métier » ?
Ce n’est pas si clair, car cela n’a jamais été un choix précis, vraiment réfléchi. J’ai commencé à faire ce genre de performances aux Beaux-Arts et trouver ce format qui semblait mieux me convenir que le reste m’a soulagée. Par la suite, j’ai donc continué à faire en sorte de pouvoir faire ça. Quelque part, je pense que je n’arrivais pas vraiment à croire que c’était mon métier même après ma troisième pièce professionnelle, et j’ai d’ailleurs toujours l’impression qu’il va bientôt falloir faire autre chose. Mais, très jeune, je voulais être rappeuse, alors je me dis régulièrement que j’ai presque réussi.
Premier bide ?
Sincèrement, je n’en vois pas trop. Parfois on m’invite à faire des installations et des dessins, et j’aime faire ça, mais je sais que je suis bien moins habile avec les images fixes qu’avec la parole. Alors, parfois, je sens la déception à la hauteur des attentes en face.
Première ovation ?
Elles sont mélangées dans ma tête. Elles s’accumulent comme une grosse émeute qui me donne du courage quand je commence à fatiguer. Si je joue plus de trois jours d’affilée, par exemple, les doutes prennent de l’ampleur. Comme je m’expose beaucoup dans mes pièces, il me faut alors réussir à retricoter ma confiance entre chaque représentation, sinon elle commence à s’émousser un peu. Dans ces cas-là, le souvenir des ovations m’aide à retrouver le sens. Toucher fort des gens vaut la peine de la vulnérabilité que cela me demande.
Premier fou rire ?
Là aussi ils se bousculent dans ma tête en faisant chacun semblant d’être le premier. Il y en a plein, heureusement. J’aime tellement rigoler. Le dernier s’est produit lors d’un spectacle où j’étais spectatrice. C’était lors d’une mini-blague absurde dans la toute dernière pièce de Jonathan Capdevielle et Dimitri Doré, DAINAS (pron. Daïnas). C’est un moment où l’on entend « que » la bande-son d’un couple qui remplit un formulaire de demande d’adoption. Au moment de signer le formulaire, on entend le bruit du stylo sur le papier et l’un des deux personnages signe pendant hyper longtemps, peut-être une minute. Avec Alice Dussart, qui crée, puis active les lumières de mes pièces, on en a rigolé pendant un bon moment.
Premières larmes en tant que spectatrice ?
Soit au spectacle de danse de ma grande sœur Giada quand j’avais six ans ; soit à la pièce de théâtre sur les relations familiales de mon frère Baptiste vers mes huit ans.
Première mise à nu ?
Je pense que c’était lors de ma première performance en deuxième année des Beaux-Arts. J’y parlais d’un camp de cheval catastrophique, mais fondateur, auquel j’avais participé enfant.
Première fois sur scène avec une idole ?
Je suis seule en scène, alors ça n’est jamais arrivé, mais l’article paru dans Libération en septembre dernier où je suis citée à la suite de Virginie Despentes m’a procuré, j’avoue, un petit frisson de plaisir. J’y ai vu l’explicitation d’une généalogie choisie.
Première interview ?
Lors de mes premières interviews, j’arrivais toujours avec mon gros sac à dos, car j’étais toujours en train d’aller quelque part. Toutes commencent ainsi par « Pamina et son gros sac à dos », au point que je me suis dit que soit j’écrivais un spectacle jeune public qui s’appellerait comme ça, soit il fallait que je cherche un endroit pour poser mon sac avant les interviews.
Premier coup de cœur ?
S’il n’est peut-être pas le premier, c’est sûrement l’un de ceux qui ont ouvert le chemin sur lequel je suis encore : le travail de Yan Duyvendak – qui est désormais mon ami, quelle chance ! –, et, contre toute attente, particulièrement son DVD de reprises de chansons qui parlent d’art ou d’artistes, qui m’a énormément touchée lorsque je l’ai découvert pendant mes études. Ce travail a fait tomber des barrières mentales que je croyais encore qu’il fallait mettre entre les disciplines, et m’a rassurée sur la place que peut avoir la malice dans une œuvre.

Laisser un commentaire
Rejoindre la discussion?N’hésitez pas à contribuer !