Après avoir suivi l’enseignement de Delphine Eliet à l’École du Jeu, Julie Moulier intègre le Conservatoire national supérieur d’art dramatique en 2008. Elle incarne la marquise de Merteuil dans Les Liaisons dangereuses mise en scène par John Malkovich au Théâtre de l’Atelier. Elle joue sous la direction d’Arthur Nauzyciel, d’Anne Théron, puis de Keti Irubetagoyena dans Il n’y a pas de certitude de Barbara Métais-Chastanier. Elle sera cette semaine à La Garance, Scène nationale de Cavaillon pour la création d’Indestructible de Manon Worms et Hakim Bah.
Avez-vous le trac lors des soirs de première ?
Non, je ne suis pas très traqueuse, comme on dit. Je suis plutôt portée par une puissante adrénaline, peut-être un peu plus fébrile les soirs de première, mais surtout empreinte de l’immense joie de cette rencontre qui va avoir lieu. Ce qui naît d’un spectacle le soir de la première ne pouvait pas apparaître avant. C’est à cette magie que je pense avant de faire le premier pas sur scène, cette magie merveilleuse d’un premier rendez-vous.
Comment passez-vous votre journée avant un soir de première ?
Tout dépend de l’état du travail ! Parfois, nous continuons de répéter toute la journée avant la représentation, cela crée alors, évidemment, une effervescence particulière, mais cela a aussi l’avantage de ne pas laisser le temps de penser… Et d’autres fois, nous ne nous retrouvons que dans l’après-midi pour faire ce que l’on appelle une « allemande », c’est le parcours scénique du spectacle, mais sans charge émotionnelle. Une dernière vérification technique en quelque sorte. Quoi qu’il en soit, j’aime être au théâtre assez tôt, m’imprégner du lieu, de mon humeur du jour, préparer mes costumes et accessoires dans le calme, reparcourir mon texte, retracer tout ce que je dois faire pendant le spectacle. Un peu comme l’on se prépare pour une grande randonnée ou un match.
Avez-vous des habitudes avant d’entrer en scène ? Des superstitions ?
L’expérience m’a amenée à ne pas avoir de superstitions car j’ai pu constater à quel point rien n’était prévisible. Mais, comme je l’ai dit avant, quelle que soit la forme que cela prend, j’aime passer du temps dans le théâtre, devenir poreuse à l’atmosphère du jour, à mes partenaires de plateau, à l’ensemble de l’équipe : sentir et me remplir de cet « ici et maintenant ».
Première fois où vous vous êtes dit « Je veux faire ce métier » ?
À la Comédie-Française. Je ne me souviens plus du spectacle, et je ne pense pas que j’avais conscience que c’était un métier, mais j’étais assise dans cette salle et j’ai su que je voulais être de « l’autre côté ».
Premier bide ?
Une représentation devant une centaine de collégien.ne.s d’un spectacle que j’aimais beaucoup, La femme n’existe pas. Les élèves parlaient, se moquaient, nous invectivaient. L’une de mes partenaires sortait tout juste d’école et vivait très mal cette première expérience… On a mis du temps à en rire !
Première ovation ?
Vers 13 ans, lors du spectacle de fin d’année du cours de théâtre que je faisais à la Mairie de Paris. Elle n’était sûrement pas la plus objective et méritée, mais c’était la première.
Premier fou rire ?
Lors d’une représentation des Liaisons dangereuses, mise en scène par John Malkovitch. Pendant l’entrée du public, nous devions être présent.e.s sur le plateau comme des interprètes qui finissent de préparer leurs accessoires. Nous nous parlions donc parfois sans que le public n’entende. Et, une fois, juste avant que je dise la première réplique « officielle » de mon personnage, une partenaire m’a chuchoté une blague hilarante : j’ai mis plusieurs minutes à calmer mon fou rire et à enfin commencer le spectacle !
Premières larmes en tant que spectatrice ?
Forêts de Wajdi Mouawad. À la fin du spectacle, je n’ai réussi ni à applaudir ni à me lever. Je suis restée assise au milieu de la salle qui se vidait, sans pouvoir m’arrêter de pleurer, jusqu’à ce qu’une ouvreuse du théâtre vienne me demander de sortir car les technicien.ne.s allaient devoir faire le démontage… Je crois que je pleurais aussi de découvrir la beauté de ce que pouvait être le théâtre
Première mise à nue ?
Dans le spectacle Il n’y a pas de certitude, écrit par Barbara Metais-Chastanier et mis en scène par Kéti Irubetagoyena. La mise à nue était concrète puisque je perçais une poche d’eau suspendue dans laquelle il y avait un poisson rouge, puis je me déshabillais pour me doucher sous le filet d’eau qui s’écoulait. Mais la lumière était magnifique et entièrement travaillée pour que les spectateurices ne voient mon corps quasiment qu’en ombre. Ça n’était donc pas cet aspect-là qui me donnait la sensation de mise à nue, mais bel et bien quelque chose de beaucoup plus intime, cet abandon total que traversait le personnage à ce moment-là… Je finissais recroquevillée sous les dernières gouttes d’eau et le noir final se faisait. J’aimais beaucoup ce moment.
Première fois sur scène avec une idole ?
Pendant les répétitions des Liaisons dangereuses. John n’avait pas de rôle dans le spectacle, mais il montait parfois sur le plateau pendant le travail. Il faisait immédiatement vibrer la scène. Tout son être devenait animal, joueur, insolent… Je me rappelle me dire chaque fois : « Ne réfléchis pas, fais comme lui ». Je savais que le simple fait d’être à ses côtés permettait à mon corps d’apprendre quelque chose de fondamental.
Première interview ?
Dans Figaro Madame, je crois, pour un dossier de Laetitia Cénac sur l’art de la lecture publique : j’étais entourée de quatre actrices que j’admire beaucoup et j’avais adoré la séance photo avec Yann Rabanier.
Premier coup de cœur ?
Le texte L’Aigle à deux têtes de Jean Cocteau, que j’ai joué sous la direction de Magali Cotta. Je suis restée obsédée par le personnage de la Reine pendant des années.
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