Née à Genève, Ève-Maud Hubeaux a d’abord étudié le piano au Conservatoire de Lausanne avant d’y entamer des études de chant. Très vite, elle accumule prix et distinctions et décide alors de se consacrer à l’opéra. Elle sera dans La Vestale à l’Opéra Bastille, dans la mise en scène de Lydia Steier. L’oeuvre de Gaspare Spontini avait quitté l’affiche de l’Opéra de Paris pendant près de 150 ans.
Avez-vous le trac lors des soirs de première ?
Oui ! Comme tous les soirs de spectacles !
Comment passez-vous votre journée avant un soir de première ?
Je ne mets pas de réveil pour privilégier une bonne nuit de sommeil. Je prends une tasse de thé vert dans la tasse que j’emporte partout avec moi et que mon compagnon a fait peindre avec un décor spécial pour moi. Puis je fais ma séance de sport, soit sans une salle de sport, soit en extérieur en fonction des conditions météo et du lieu du spectacle (pour cela Salzbourg ou Genève sont fantastiques car on peut skier l’hiver et randonner l’été !). Puis vient le déjeuner en milieu d’après midi pour avoir de l’énergie pour le spectacle mais avoir digéré avant de chanter ! Je me rends au théâtre entre 2h et 3h avant le lever de rideau pour me chauffer la voix avant la convocation maquillage et avoir le temps de déposer les Toï Toï (cadeaux de premières sans valeur pécuniaire que les artistes se font le soir de la première pour se remercier du temps passé en répétition et se souhaiter un bon spectacle).
Avez-vous des habitudes avant d’entrer en scène ? Des superstitions ?
Aucune habitude particulière à part une hygiène de vie assez stricte, notamment alimentaire pour éviter les problèmes de reflux gastrique. Je suis superstitieuse de la superstition ! Je ne fais justement RIEN de peur que si un jour je n’ai pu faire le geste ou avoir avec moi l’élément « magique », je sois paralysée par l’angoisse de ne pas avoir pu le faire/l’avoir.
Première fois où je me suis dit « je veux faire ce métier ? »
Apparemment c’était même avant mes souvenirs puisque j’organisais, dès mon plus jeune âge, des spectacles à la maison où j’entraînais mon frère dans des mise en scène/théâtre/danse/musique. La scène a donc toujours été une évidence pour moi. Le jour où je me suis dit que je pourrais faire du chant de manière professionnelle était pendant le concours Marcello Viotti. J’avais 20 ans et les membres du jury (entre autres Edita Gruberova et Bertrand de Billy) ont convaincu mes parents que j’avais le matériel vocal et le potentiel pour faire une carrière à la hauteur des études de droit que j’étais en train de terminer. J’ai donc obtenu mon Master en droit des contrats puis commencé une thèse sur le risque de développement en parallèle de l’Opera studio de l’Opera du Rhin. J’ai finalement basculé définitivement dans le monde de la musique à ma sortie de l’opéra studio en 2011.
Premier bide ?
Il y a quelques semaines à Naples. Je termine mon air de Laura dans La Gioconda dont j’étais contente le soir là et je m’attendais à des applaudissements nourris comme au spectacle précédent. Et là : rien, pas un applaudissement, rien, nada ! Je suis restée assise là sur mon bateau dans le silence total de la salle en attendant l’entrée d’Anna Netrebko pour le duo qui suit.
Première ovation ?
La première des premières c’était à Lyon pour mes débuts en Eboli en 2019. Mais celle qu’a émue jusqu’aux larmes c’était l’accueil triomphal que m’a réservé le public le soir de la première au Festival de Salzbourg 2022 pour mes débuts dans Amneris in loco. Un très grand moment d’émotion.
Premier fou rire ?
Lors de ma première saison après l’opéra studio, je faisais Marcelina dans les Nozze di Figaro à Avignon. J’avais donc 23 ans. Après la générale piano (qui est la première répétition en costume et maquillage), le metteur en scène avait donné comme indication à ma maquilleuse qu’il fallait absolument que j’ai l’air plus vieille. Elle me demande donc de froncer les sourcils pour marquer mes rides « naturelles ». Je contorsionne mon visage dans tous les sens mais mon front reste irrémédiablement lisse… éclat de rire général dans la loge maquille quand elle dit : « ça ne va pas être possible de rendre une peau de bébé fripée comme un pruneau ». Ça me fera de bons souvenirs quand mon personnage sur scène sera beaucoup plus jeune que mon âge réel et qu’il faudra chercher à me rajeunir.
Premières larmes en tant que spectatrice ?
J’avais 16 ans et mes parents m’avaient offert une place au recital de Cecilia Bartoli à la Fondation Gianada à Martigny en Suisse pour la réussite de mon Baccalauréat. C’était mon idole. J’avais acheté un bouquet de fleurs et pris ma partition préférée pour qu’elle y mette son autographe. Elle a eu l’immense gentillesse de me recevoir dans sa loge avant le récital et je suis restée totalement pétrifiée et en larme d’émotion devant elle.
Première mise à nue ?
Physiquement parlant ce devait être dans Die Lustige Weibe von Windsor à l’Opera de Lausanne en 2014 où je me suis retrouvée en soutien-gorge et pantalon. Depuis, je ne compte plus les productions où je suis, à un moment donné, en sous-vêtements. Je n’ai jamais fait de nu complet. On ne me l’a d’ailleurs jamais demandé.
Psychologiquement parlant ce devait être Hamlet à l’Opera de Paris en 2023 où Krzysztof Warlikowski m’a littéralement subjugué par la liberté infinie de son esprit. Sa manière de penser, de jouer m’ont forcé à remettre en question ma propre manière d’être aussi bien en tant qu’artiste qu’en tant que femme. C’était une véritable mise à nue, volontaire et délibérée de ma part, qui m’a profondément marquée.
Première fois sur scène avec une idole ?
Je n’ai encore jamais été sur scène avec Cecilia Bartoli !
Première interview ?
Je devais avoir 17-18 ans dans un journal régional en Suisse pour un de mes premiers concerts solistes.
Premier coup de cœur ?
Pour un compositeur : Pascal Dusapin pour le diptyque Niobe et Médée à l’opéra de Lausanne en 2003 en tant que spectatrice, puis en tant qu’interprète lorsque j’ai créé le rôle de la Grande Prêtresse dans Penthesilea à La Monnaie en 2015
Pour un chef d’orchestre : Teodor Currentzis pour qui j’ai eu un coup de foudre artistique en faisant le Requiem de Verdi, entre autres dans la Chiesa San Marco en 2019
Pour un metteur en scène : Krzysztof Warlikowski avec qui j’ai eu une expérience bouleversante sur Hamlet à l’opéra National de Paris en 2023
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