La chorégraphe Simone Mousset met en scène M. Chevalier, « l’enfant terrible de la danse folklorique contemporaine luxembourgeoise », dans une parodie facétieuse qui questionne la façon dont la danse peut servir un récit national.
Connaissez-vous le Ballet National Folklorique du Luxembourg ? Savez-vous qu’il est l’ennemi juré du Ballet du Liechtenstein ? Simone Mousset compte bien nous aider à nous sortir de notre ignorance à ce sujet. En tenue de soirée, cheveux bien plaqués et port de tête mondain, la chorégraphe accueille le public avec une poignée de main solennelle. On connaît la Luxembourgeoise pour le facétieux Passion of Andrea 2, un trio où les couleurs pastel tutoyaient l’humour absurde. En 2017, elle trollait le public luxembourgeois en dévoilant Bal, une pièce inspirée de l’histoire des « sœurs Bal », fondatrices du Ballet National Folklorique du Luxembourg. En réalité, ni ces sœurs ni leur ballet n’ont existé. La pièce était même accompagnée par une fausse exposition d’archives qui en a dupé plus d’un, comme l’expliquait notre consœur du Luxemburger Wort. Elle poursuit ce délire avec The Great Chevalier, en duo avec le danseur Louis Chevalier, parodie d’un chorégraphe star aussi torturé qu’exécrable.
Sur le plateau entouré d’arbres du Jardin de l’Ancien Carmel, M. Chevalier se présente, en costume violet et grande écharpe assortie, sous les applaudissements du public. Incarnant le cliché du chorégraphe imbu de lui-même, Louis Chevalier en fait des caisses, prend des airs inspirés, se montre lunatique, hurle sur le public qu’il trouve… « nul ». En solo, il présente plusieurs « pièces fondatrices » du répertoire du faux Ballet en vantant l’importance des « traditions » : la « danse du pigeon », où il esquisse des battements d’ailes et saute sur place de profil, citation du Faune de Nijinski, la « danse des herbes et des fleurs » – exécutée par le public devenu le corps de ballet –, qui rappelle autant des cours d’initiation à la danse pour enfants que la fascination pour la Nature de la pionnière de la danse moderne Isadora Duncan, et enfin la « danse du cheval », aux accents flamencos, où le danseur termine par s’enrouler dans un grand tissu imprimé représentant un troupeau de chevaux galopant. Un ensemble qui force parfois un peu trop le trait, mais où la danse est volontiers technique et virtuose.
Car, en plus de dénoncer la perpétuation du mythe du génie artistique, dont le supposé talent serait la justification pour tous les abus, Simone Mousset et son acolyte interrogent aussi la constitution d’une identité nationale à travers la danse. Alors que de nombreuses danses traditionnelles ont été instrumentalisées pour servir l’agenda politique du pays, l’image que l’on a de ce folklore aujourd’hui comporte une bonne part de fiction. Voilà à quoi fait écho ce délire, qui ne prend pas fin à l’issue du spectacle. Car ce portrait de M. Chevalier n’est qu’une pièce de l’amusant puzzle que Simone Mousset est en train de confectionner. Pour l’occasion, elle a produit tout un ensemble d’éléments : un site Internet dédié, qui vante les mérites de la fausse institution, mais aussi un blason serti de deux chevaux et d’un pigeon, imprimé sur des t-shirts disponibles sur place. Une chose est sûre, Simone Mousset n’a pas fini de surprendre.
Belinda Mathieu – www.sceneweb.fr
The Great Chevalier
Conception Simone Mousset
Avec Louis Chevalier, et la participation de Simone Mousset
Dramaturgie Lou Cope
Musiques Maurizio Spiridigliozzi
Scénographie Mélanie Planchard, en collaboration avec Simone Mousset et Lewys HoltProduction Ballet National Folklorique du Luxembourg
Coproduction Casino Luxembourg – Forum d’art contemporain, Fonds stART-up de l’Œuvre Nationale de Secours Grande- Duchesse Charlotte, Ministère de la Culture du Luxembourg, Fondation Loutsch-Weydert, Fondation Indépendance by BIL
Partenaires et soutiens Les Théâtres de la Ville de Luxembourg, CN D Centre national de la danse, TROIS C-L | Maison pour la danse, The Place, et Cromot – Maison d’artistes et de productionThe Great Chevalier fait partie de la sélection du Luxembourg en Avignon, avec le soutien de Kultur | lx – Arts Council Luxembourg
Durée : 50 minutes
Théâtre du Train Bleu, Jardin de l’Ancien Carmel, dans le cadre du Festival Off d’Avignon
du 5 au 24 juillet 2025, à 17h (relâche les 11 15 et 18)
CENQUATRE-PARIS
du 1er au 3 avril 2026
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