Eric Ruf a décidé de tout oser lors de son premier mandat d’Administrateur de la Comédie-Française. Il a donné carte blanche à Serge Bagdassarian pour monter un cabaret autour du thème de l’homosexualité. Un petit bijou rempli de drôlerie et de sensibilité qui fait le bonheur de la petite salle du Studio Théâtre.
Comment avez-vous construit ce cabaret Interlope ?
Il fallait que cela soit à la fois un spectacle de la Comédie-Française, un spectacle qui me ressemble, un spectacle dans lequel la communauté homosexuelle ne soit pas exclue et que notre public le plus large puisse s’y reconnaître grâce à l’émotion et la poésie.
Le spectacle est parfois militant, mais pas tout le temps.
Non car je ne voulais pas d’un spectacle militant mais il fallait dire des choses sur une aventure humaine qui mène encore aujourd’hui des jeunes au suicide. Il fallait bien parler de tout cela dans une période où l’on est de moins en moins ouvert.
L’Interlope débute dans la loge de ces artistes pour ensuite glisser vers la scène.
Il était essentiel de ne pas être tout de suite dans l’ambiance de la revue. Je ne voulais pas d’une « Cage aux folles » à la sauce Comédie-Française car cela n’aurait pas eu de sens. La meilleure manière de s’intéresser aux personnages était de les connaître dans leur intimité car ils ont leur propre histoire, leurs racines.
Il y a des clins d’œil à de grandes personnalités qui ont œuvré pour la cause homosexuelle comme Suzy Solidor ou Coccinelle.
Avant nos générations ce n’était pas le désert. Il y a des précurseurs courageux comme Coccinelle ou Bambi qui nous a beaucoup aidés sur le projet. Elle est venue nous voir et elle a connu ses ambiances de cabarets, et toute la difficulté de changer de sexe puisqu’elle est maintenant une magnifique femme.
Il y a des chansons du répertoire de l’entre-deux-guerres, des chansons contemporaines, mais aussi de grands textes de Shakespeare et Jean Genet.
J’ai dû aller rechercher cette palette de textes car à l’époque le répertoire de l’entre-deux-guerres avance masqué. Sous couvert de la dérision, les chansons sont insupportables et homophobes. On ne donne que des extraits. Les titres font frémir. « La tapette en bois » et « Le trou de mon quai ». Et comme à la Comédie-Française nous sommes toujours en contact avec de grands auteurs, il y a effectivement du Shakespeare, du Genet et du Guillaume Apollinaire.
Propos recueillis par Stéphane CAPRON – www.sceneweb.fr
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