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Sébastien Kheroufi, fauteur de poésie

À la une, Théâtre
Sébastien Kheroufi
Sébastien Kheroufi

Photo Pierre Malherbet

Avec Par les villages, la deuxième création de sa compagnie La Tendre Lenteur, Sébastien Kheroufi a fait une entrée retentissante dans le paysage théâtral français. Ce geste ample, où poésie et désir de faire trembler l’institution vont de pair, réveille avec fougue l’utopie d’un théâtre exigeant pour toutes et tous.

Après une Antigone créée très rapidement en 2023 après sa sortie de l’ESAD, où il rassemble des camarades de promotion et des femmes rencontrées dans un foyer Emmaüs au sein duquel il avait donné un atelier organisé par les Ateliers Médicis, Sébastien Kheroufi se lance sans attendre dans sa création suivante. Soit Par les villages de Peter Handke, qui accepte de suivre l’artiste dans sa démarche, impliquant notamment une transposition d’un bourg autrichien des années 1980 à une cité française de la décennie suivante. La « tendre lenteur » que revendique l’artiste en donnant ce nom à sa compagnie ne dit donc rien de son rythme de création, intense et incessant depuis trois ans. Car son deuxième spectacle à peine terminé – Par les villages fut la dernière pièce à être programmée au Centre Pompidou avant sa fermeture pour travaux –, Sébastien Kheroufi se plonge dans La mort du Môme, dont la création est prévue pour fin 2026 au Théâtre national de La Colline, avec un épilogue au Panthéon. « J’ai d’emblée pensé ces trois spectacles comme un triptyque, d’où mon incapacité à m’arrêter. Un chapitre en appelle un autre, immédiatement », nous explique l’artiste dans un bar d’Ivry-sur-Seine, à l’issue d’une résidence de scénographie au Théâtre des Quartiers d’Ivry, dont il est artiste associé et où est née une première version de Par les villages, recréé quelques mois plus tard à l’occasion de sa venue au Centre Pompidou. L’aventure est autant poétique que sociale. La poésie y est même la condition du social et de l’humain, chose bien rare sur nos scènes.

Un théâtre poétique pour tous

La fatigue, inévitable avec pareil rythme de travail, doublé d’une grande attention portée au bien-être et à l’épanouissement de chacun de ses collaborateurs, ne fait pas ployer le jeune homme, qui refuse de se laisser définir comme un metteur en scène, du moins au sens habituel du terme. « Je ne me reconnais pas du tout dans une pratique hiérarchique de la mise en scène, où le metteur en scène impose une ‘vision’ à toutes celles et tous ceux avec qui il travaille. C’est pourquoi je préfère me présenter comme une personne qui a des choses à dire, et qui trouve que le théâtre est un merveilleux outil pour le faire », assure-t-il. Alors qu’il est en pleine écriture de La mort du Môme, qui sera donc son premier texte personnel, Sébastien Kheroufi refuse tout autant le statut d’« auteur ». La difficulté qu’il éprouve à cet exercice, qui l’oblige à « regarder en face des souvenirs traumatiques », est sans doute pour quelque chose dans ce rejet, mais n’explique toutefois pas tout. Pour l’artiste qui, avant d’embrasser le théâtre, a exercé toutes sortes de petits métiers – titulaire d’un BEP mécanique, il a été garagiste, chauffeur de bus, serveur, plongeur, homme de chambre… –, la véritable poésie vient de la rue. Elle prend pied dans les quartiers, qu’il connaît en profondeur pour y avoir grandi dans les Hauts-de-Seine et qu’il n’a jamais quittés.

S’il a rencontré le théâtre alors que rien ne l’y prédestinait, et a décidé d’en faire sa vie au moins pour un temps, Sébastien Kheroufi n’adopte en aucun cas un récit de la scission, de la séparation d’avec son milieu d’origine. Non seulement il se méfie de ce phénomène qu’il observe autour de lui, mais c’est tout autre chose qu’il souhaite défendre au plateau autant que dans la vie – si tant est que cette distinction soit vraiment valable dans son cas de travailleur acharné. « Je veux défendre un théâtre porté par des personnes d’horizons très différents, qui puisse s’adresser à toutes et tous. Surtout aux pauvres, aux exclus de la société », exprime-t-il. Il y a dans l’élan théâtral de ce trentenaire des accents d’un autre temps, celui de Jean Vilar, qu’il cite d’ailleurs volontiers comme exemple et dont il regrette qu’il existe aujourd’hui si peu de successeurs. Le théâtre, pour lui, « devrait être au cœur de la ville. Il devrait être un lieu de vie. Au lieu de cela, il a été largement soumis par l’institution, et donc rendu inoffensif. Mon amour pour le théâtre me rend cette situation insupportable, et me donne la force de me battre avec fougue pour changer les choses ». Pour cet artiste échappant à toute définition figée de son geste théâtral, la tendance des solos autofictifs portés par des acteurs incarnant une question sociale est l’une des formes de cette soumission du théâtre à une injonction qui prend sa source en hauts lieux. « On ne fait pas de théâtre avec des sujets, mais avec des récits ».

Le geste d’un « cas social »

Le terme de « cas soc » revient souvent au cours de notre entretien dans la bouche de Sébastien Kheroufi, qui affirme ainsi fièrement son origine sociale, sans pour autant vouloir faire le théâtre qu’il a très tôt senti qu’on attendait de lui, « un théâtre de cas sociaux avec des cas sociaux pour des cas sociaux dans des lieux de cas sociaux ». En se présentant au monde théâtral avec du Sophocle et du Peter Handke, et en développant dans Par les villages une forme d’une ampleur impressionnante, il déjoue d’emblée les assignations identitaires qu’il redoute. « Je crois aux grands gestes au théâtre, car eux seuls peuvent à mon avis transformer quelque chose pour les gens ». Ce « grand geste » que Sébastien entend offrir à ses spectateurs, il n’en a pas une idée figée ni même très précise : il souhaite éviter de tomber dans un « système » qui le rendrait aussi inoffensif que bien d’autres. Ce que l’on sait, c’est la forme qu’a pris cette recherche dans Par les villages, après un Antigone qu’il voit comme une sorte de prologue à son geste, et comme un apprentissage de sa propre citoyenneté. La dimension que déploie Sébastien Kheroufi dans son dialogue avec le poème théâtral de Handke est tout à la fois temporelle – le spectacle dure trois heures trente – et poétique avec les images concrètes qui semblent procéder naturellement de la parole des « offensés et humiliés » à qui Gregor rend visite. Elle est aussi humaine, avec la formidable distribution qu’il convoque – sont notamment au rendez-vous la rappeuse Casey et les comédiens Reda Kateb et Anne Alvaro – et le chœur d’amateurs de 90 personnes formé en amont de chaque série de représentations, qui nous renseigne certainement plus que tout le reste sur la nature du désir, du besoin de théâtre de l’artiste.

« Le chœur est déjà à l’origine d’Antigone. Sans les femmes que je rencontre au foyer Emmaüs, et qui incarnent le chœur dans le spectacle, je n’aurais jamais créé celui-ci et probablement mon parcours théâtral se serait arrêté là. En faisant Antigone, je sais d’emblée qu’il y aura un chœur dans Par les villages, et qu’il rassemblera un nombre important de personnes car, avec lui, je voulais représenter la société française au plateau. C’est en découvrant ce texte de Peter Handke à l’âge de 24 ans, alors que je sais à peine ce qu’est le théâtre, que je réalise la capacité de cet art à me faire rêver à autre chose que ce dont je suis issu, à une poésie par ailleurs largement refusée aux personnes qui me ressemblent. Le chœur est une mise en partage de cette révélation », explique l’artiste. Inviter 90 non-professionnels au plateau est aussi pour lui une façon de faire trembler l’institution théâtrale, de jouer avec ses limites. « J’aime perturber les cadres au théâtre, en particulier ceux qui le séparent du reste de la société et en font un art destiné à l’élite ». La présence d’un chœur dans La mort du Môme ne fait alors pour lui aucun doute. Avec l’écriture, par laquelle Sébastien Kheroufi a bien conscience de se mettre en danger, c’est même sa constitution qui inaugure pour l’artiste l’entrée dans ce nouveau chapitre de création. Puisqu’« on ne peut bousculer deux fois de la même façon au même endroit », ce nouveau chœur prendra une allure différente. En formant des personnes issues d’un Centre d’hébergement d’urgence (CHU) et en les rémunérant, il souhaite cette fois favoriser l’insertion professionnelle, autrement dit faire du théâtre un lieu de changement concret de l’existence.

Accoucheur de « monstres »

La vie et la mort, ou du moins la souffrance, sont étroitement mêlées dans le théâtre de Sébastien Kheroufi. Par sa démesure en bien des domaines, Par les villages apparaît déjà à l’artiste comme une créature à la fois belle et effrayante, dévorante. « Plus on avançait dans les représentations et plus les comédiens étaient bons, plus il me devenait douloureux d’assister chaque soir au déchirement de la famille de Gregor. Devoir aussi, après chaque série de représentations, quitter des relations que j’avais créées avec les gens du chœur était déchirant ». Alors qu’au moment où il nous parle, le début des répétitions est encore loin, La mort du Môme arbore déjà à ses yeux un visage aussi chargé de menaces que de promesses. En partant dans cette pièce du jour où, à l’âge de 17 ans, il retrouve son père mort dans sa chambre d’un foyer Emmaüs parisien, Sébastien Kheroufi a conscience de mettre ici au monde un nouveau « monstre ». Par ce qu’il convoque de souvenirs personnels, par l’écriture qu’il perçoit comme étant « sans doute la chose la plus difficile » qu’il ait eue à traverser jusque-là, ce spectacle implique pour lui une responsabilité inouïe : « Je crois que je ne suis pas d’accord avec Marguerite Duras lorsqu’elle prétend que la meilleure façon de sortir d’une histoire personnelle c’est de l’écrire. Pour moi, c’est le contraire. Je sais que les mots que je pose sur mon histoire et celle de mes proches seront définitifs. Je me dois d’être à la hauteur des miens, de la profondeur de leur ‘énigme’, comme l’écrit Peter Handke ». Il se fie pour cela aux images qui guident son écriture, et qu’il cherchera avec son équipe à matérialiser au plateau.

La langue a beau être centrale dans la pratique de Sébastien Kheroufi, elle n’existe que dans une relation fusionnelle avec la chair, les choses et les éléments. « Ce que je retiens de Par les villages, ce sont des moments comme celui où Ulysse Dutilloy-Liégeois, qui joue un ouvrier, monte sur une échelle, ouvre le tombeau du cimetière où vivaient jadis des ouvriers et verse sur eux de l’eau grâce à un arrosoir. C’est ce type d’image que je rêve pour La mort du Môme. Cette poésie concrète me permet d’éviter de tomber dans le drame social », détaille l’artiste, qui s’interroge au moment de notre entretien sur la possibilité de faire des nuages et une mer sur scène. Cela pour formuler autrement que par des mots le dilemme qui se pose au personnage principal : est-ce la France ou est-ce l’Algérie qui doit accueillir la sépulture paternelle ? C’est aussi en insufflant à sa pièce une dimension critique que Sébastien Kheroufi entend échapper aux écueils possibles dans une démarche aussi personnelle. « Le théâtre gagnera quand il fera son autocritique, quand il sera capable d’exprimer ses fragilités et ses failles au sein même de ses productions ». Son grand sens de la responsabilité, le jeune homme de théâtre le tire aussi de sa conscience aiguë d’avoir des moyens de création à une époque où ceux-ci sont de plus en plus rares. Dans un contexte qui impose à la plupart des équipes de réduire leurs ambitions, Sébastien Kheroufi tient à donner à voir combien le temps et les moyens de création sont consubstantiels à la possibilité d’une grande aventure de théâtre. « La recherche a ses exigences, et, à notre époque où l’humain est menacé de toutes parts par l’intelligence artificielle, il me semble plus urgent que jamais de la défendre. Alors qu’il est le lieu par excellence du mensonge, le théâtre peut, selon moi, grâce à la présence de l’acteur, devenir le lieu le plus vrai de notre monde. Il est l’avenir et il faut en prendre soin ».

Anaïs Heluin – www.sceneweb.fr

Les coups de coeur 2025 d’Anaïs Heluin

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27 décembre 2025/par Anaïs Heluin
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