Comment saisir la guerre ? Tentative théâtrale
Avec Reporters de guerre, la compagnie belge Que faire ? revient sur la guerre en Yougoslavie dans un spectacle qui manque d’unité. Une approche de théâtre documentaire aux problématiques multiples dont la forme ne convainc pas au-delà de l’intérêt de faire monter le réel sur scène.
Il a été à bonne école. En effet, Sébastien Foucault a été l’assistant de Milo Rau, sur Hate Radio notamment, qui traitait du génocide rwandais. Il a depuis, en compagnie de Julie Remacle, fondé sa propre compagnie au nom explicite et vaguement léninien : Que faire ? Du théâtre documentaire, la guerre, les deux artistes creusent ici le sillon de Rau dans un spectacle qui se penche sur la grande tragédie européenne de la fin du siècle dernier : le conflit en ex-Yougoslavie. Un petit retour en arrière dans le temps qui, comme l’indique le titre du spectacle, prend la focale du reportage de guerre via la présence sur scène de deux journalistes et d’un humanitaire. Françoise Wallemacq, qui a couvert les événements pour la Radio Télévision Belge Francophone (RTBF) ; Vedra Bozinovic, ex journaliste depuis devenue comédienne qui a couvert le siège de Sarajevo et enfin Michel Villée, ancien attaché de presse dans l’humanitaire qui est maintenant marionnettiste. Tous trois témoignent de leur expérience vécue durant cette guerre qui a vu un pays en apparence uni sous Tito se déchirer à coup de résurgences nationalistes et religieuses, sous les yeux longtemps impuissants des casques bleus de l’Organisation des Nations Unies.
Épuration ethnique, bombardements de civils, crimes de guerre, lâchetés occidentales, la guerre en Yougoslavie n’a pas été avare en horreurs dont a depuis tenté de se saisir la Cour Pénale Internationale. Petit à petit, Reporters de guerre se centre sur l’une d’elles, le bombardement de la ville de Tuzla par l’armée serbe, en Bosnie-Herzégovine, qui fit 71 morts et près de deux cents blessés, presque tous âgés de moins de 25 ans, qui célébraient la fête de la jeunesse aux terrasses des cafés de la ville. Pour se figurer la déflagration d’un tir d’obus tel qu’il a été tiré ce jour-là, les interprètes délimitent le périmètre concerné parmi les spectateurs, qui seraient soit morts, soit blessés. Et évoquent, marionnette à l’appui, la fin du petit Sandro dans les bras de ses parents. Raconter un conflit. L’Histoire. Les mécaniques de la guerre. Ses causes. La difficulté et les enjeux d’en rendre compte. D’éprouver ce qu’il s’y passe quand on n’y est pas. Ce que c’est que de vivre dans un pays en guerre. D’y perdre un enfant…
Reporters de guerre, à travers toutes ces évocations, glisse malheureusement trop vite d’un sujet à l’autre et s’éparpille entre des questions qui fourniraient sans doute chacune assez de matière pour un seul spectacle. La théâtralité, minimaliste au début devient petit à petit plus spectaculaire, les témoins directs se muant en véritables interprètes. Pour autant, comme les thématiques ne s’y creusent pas assez, le dispositif scénique qui travaille sur la transmission du réel ne parvient pas non plus à soutenir l’intérêt d’un spectacle qui sur le papier n’en manque pas, alors que le bruit des canons en Europe se fait de plus en plus inquiétant.
Eric Demey – www.sceneweb.fr
Reporters de guerre
Mise en scène Sébastien Foucault
Écriture Sébastien Foucault et ensemble
Jeu Françoise Wallemacq (journaliste), Vedrana Božinović (comédienne), Nikša Kušelj (comédien & chanteur), Michel Villée (comédien & marionnettiste)
Recherches Sébastien Foucault, Françoise Wallemacq, Vedrana Božinović, Nikša Kušelj, Michel Villée, Mascha Euchner-Martinez et Mirna Rustemovic
Conseils dramaturgiques Julie Remacle, Mirna Rustemovic
Assistanat Jeanne Berger et Mascha Euchner-Martinez
Scénographie Anton Lukas
Création lumière Caspar Langhoff
Création sonore et régie générale Jens Baudisch
Création marionnettes Loïc NebredaUne production de Que Faire ? Asbl et du Théâtre de Liège, en coproduction avec le Kunstenfestivaldesarts, le Tandem Arras-Douai (France), le Théâtre Les Tanneurs, NTGent, le Théâtre National de Zagreb (Croatie) et la RTBF l Avec le soutien du Tax Shelter du Gouvernement Fédéral de Belgique et de Inver Tax Shelter l
Durée 1h45
Théâtre Public Montreuil
Du 7 au 15 mars 2024
Du lun. au ven. 20h, sam. 18h
Relâche le dimanche
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