Salomé Lelouch adapte le roman de Karine Tuil « Interdit« au Théâtre La Bruyère. Sa mise en scène tout en finesse souligne admirablement bien l’écriture légère et grave de la romancière. C’est l’un de nos coups de cœur de cette fin d’année. Le trio de comédiens composé de Jacques Bourgaux qui interprèteMonsieur Weissmann, Bertrand Combe et Mikaël Chirinian fonctionne à merveille. Rencontre avec la metteuse en scène.
Tout à commencé lorsque vous avez lu le roman de Karine Tuil. Que se passe-t-il lorsque vous fermez le roman ?
Oh c’est bien avant de fermer le roman. Dès le début du livre avec la scène du rabbin je me suis dit tout de suite que c’était du théâtre. J’ai continué à lire le roman en ne pensant qu’à une chose, que quelque chose m’empêche de l’adapter. Et quand je l’ai fermé, j’ai appelé le mari de Karine Tuil qui m’avait donné le roman pour lui demander le numéro de téléphone de sa femme.
Et tout de suite a germé cette idée de représenter le personnage à travers trois acteurs ?
Oui parce que au delà du thème de l’identité, il y a un thème obsessionnel chez moi, c’est l’idée d’être plusieurs dans sa tête. Cela m’interroge et c’est très théâtral. Je vous parle et je eux avoir une autre voix qui ailleurs pense le contraire de ce que je vous dis. J’aime au théâtre pouvoir entendre toutes ces voix et le comique crée ces contradictions.
Cela demande une mécanique qui fonctionne bien avec ces trois comédiens qui ne forment qu’un personnage.
Ce sont de très bons comédiens. Et ils ont beaucoup travaillé. Au départ ce n’était pas évident. Il a fallu mettre des codes entre nous pour savoir comme cela pouvait fonctionner. Et le résultat est savoureux.
Ce qui est savoureux aussi, c’est l’écriture de Karine Tuil. Il dit des choses graves avec légèreté.
Elle est toujours sur le fil. C’est drôle et jamais tendancieux. Et elle me fait rire. Elle crée de la profondeur avec de l’humour. Et c’est rare.
Faire de l’humour sur les juifs peut être mal interprété, ce n’est pas le cas ici…
Certains soirs dans la salle on sent tout de même un peu de malaise. Les gens se demandent s’ils peuvent rire. Une des premières phrases c’est « Je préférais quand je portais l’étoile, au moins c’était clair. On savait qui l’était et qui ne l’était pas ». Moi ça me fait hurler de rire. C’est toujours de l’ordre du questionnement et de la recherche et elle n’est jamais mal intentionnée. Elle a une vision du monde et cela rend son écriture particulière.
Propos recueillis par Stéphane CAPRON
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