Hansel et Gretel : coup de jeune à la Comédie-Française

Rose Martine adapte Hansel et Gretel des frères Grimm pour la Comédie-Française photo Vincent Pontet

Incluant désormais un spectacle jeune public à sa programmation, la Comédie-Française a confié à Rose Martine, une adaptation d’Hansel et Gretel. Une version scénique au Studio qui brasse les cultures avec une grande délicatesse.

Quand on a grandi en Guyane française, la forêt, c’est lianes, serpents et autres mygales mortelles autrement plus inquiétantes que les chouettes et loups du vieux continent. Rose Martine a donc décidé dans un premier temps de transporter le conte des frères Grimm, Hansel et Gretel, de l’autre côté de l’Atlantique. Puis, elle lui a préféré une forêt version effondrement : sol asséché, arbre couché, déraciné, dans les nœuds desquels se nichent la famille d’Hansel et Gretel, ainsi que l’app »tissante et duplice maison de la sorcière.

Cette simple et jolie scénographie conçue par Nicolas Verdier n’est pas le seul élément qui délocalise le conte allemand ainsi que le souhaite sa jeune metteuse en scène. Un conteur en forme de hutte de paille, sorte de grand yéti aux longs poils tout jaunes accueille le public au son de la kora, légendaire instrument à cordes du Mali. Mi griot, mi chauffeur de salle, il lance des « cric » et attend des « cracs » en retour, et mène la narration de cette histoire cousine de notre Petit Poucet. Pour rappel, Hansel et Gretel sont frère et sœur. Leurs parents (dans cette version d’origine choisie par Rose Martine, quand les versions ultérieures substitueront à la mère une marâtre) décident de les abandonner, à deux reprises. Les petits cailloux semés les ramènent, la première fois, au bercail. Mais la seconde, les miettes de pain sont mangées par les oiseaux et les enfants s’enfoncent dans la forêt noire et profonde. Ils trouvent refuge dans une maison qu’habite une fourbe sorcière qui les engrosse pour mieux les manger. La fin sera heureuse, ou presque. En tout cas, les enfants ramènent à la maison de quoi échapper durablement à la misère.

C’est en s’inventant son propre chemin qu’on y déniche des joyaux

Entre musiques africaines, chansons créoles et ritournelles enfantines bien d’ici, dans ce spectacle qui construit des ponts entre les cultures, Rose Martine propose également une version du conte qui en met à plat les étrangetés sans chercher à leur apporter de réponse définitive. Comment les enfants restent-ils si attachés à leurs parents qui n’ont de cesse de les abandonner ? Comment des parents peuvent-ils commettre un acte d’une telle cruauté ? Elle met aussi en lumière des dimensions qu’on pourrait avoir oubliées : que les parents d’Hansel et Gretel ont eu beaucoup de peine pour avoir une descendance par exemple. Ou encore, en transforme quelques autres. Gretel interprétée par la toute récente pensionnaire de la Comédie Claïna Clavaron se la joue bête pour mieux faire la maline. Et la sorcière, elle, est bien plus drôle qu’effrayante, même sous ses airs vaudou.

Au final, les puristes y trouvent leur compte. Tout comme les adeptes de modernité. Les enfants l’auraient peut-être aimée moins sage. Les adultes plus nourrie de lectures affirmées. Mais cette adaptation d’Hansel et Gretel se fait toute en délicatesse et en évocations multiples. Une chaîne au pied de Birane Ba, Hansel primesautier. « Non, la cour ne dort pas » doit régulièrement assurer le public au conteur. Ici, tout se mélange. Les lieux, les univers, les époques. Les parents blanc ont des enfants noirs. La sorcière au nez crochu danse comme possédée. Comme Hansel et Gretel, c’est en s’inventant son propre chemin qu’on y déniche des joyaux.

Eric Demey – www.sceneweb.fr

Hansel et Gretel
d’après les frères Grimm
Adaptation libre et mise en scène Rose Martine
Avec Sylvia Bergé, Julie Sicard, Gilles David, Gaël Kamilindi, Birane Ba, Claïna Clavaron
Scénographie Nicolas Verdier de l’académie de la
Comédie-Française
Costumes Magdaléna Calloc’h
Lumières Pascal Noël
Musique originale et son Daniele Guaschino
Collaboration artistique Charlaine Nezan

Durée : 1h15

Studio-Théâtre de la Comédie-Française
du 16 septembre au 24 octobre 2021
du mercredi au dimanche à 16h30