Quatre ans après sa dernière création à l’Opéra de Paris, le petit-fils de Charlie Chaplin fait son grand retour avec Room, un spectacle inabouti et en manque d’inspiration.
Trente minutes avant le début du spectacle, à l’heure où le soleil déclinant fait miroiter la Saône, le public s’agglutine sur le parvis des Célestins, théâtre d’une étonnante effervescence en ce vendredi 10 juin. On pourrait presque se croire à un concert de rock. Des ados, le sourire aux anges, se prennent en selfie devant l’institution lyonnaise, tandis qu’un garçon de café, dépassé par les événements, explique aux touristes les causes de l’agitation : « C’est pour le p’tit Chaplin ». Le p’tit Chaplin, c’est James Thierrée (48 ans), qui présente son dernier spectacle, Room, quatre ans après Frôlons, un ballet pour l’Opéra de Paris, et six ans après sa pièce, La Grenouille avait raison.
Le décor, composé d’impressionnants pans de murs décatis et de vieux instruments étrangement bricolés, correspond à l’univers gothique et gentiment cartoonesque de l’artiste-circassien. Le voilà qui entre en scène, fidèle à son image, tel un personnage échappé de l’œuvre de Tim Burton ; cheveux blancs bouclés en bataille, regard hagard et physique d’acrobate. Le voilà entouré par ses treize jeunes musiciens et circassiens. Les premiers motifs musicaux et chorégraphiques se déploient ; ça grince et ça grimace, ça s’envoie en l’air et ça virevolte. Le public est ravi. Le critique un peu moins.
Les idées de mises en scène foisonnent, mais ont déjà été vues ailleurs (chez lui, chez d’autres…). Ce sont, ces mains baladeuses qui l’agressent, comme dans La Famille Adams de Tim Burton ou dans le Faust de Christian Hecq. Ce sont des bribes musicales joliment rétro qui semblent tirées du répertoire du groupe franco-américain Moriarty. Et ce sont, aussi et surtout, ces running jokes sur le sens du spectacle (« où est la dramaturgie ? », « ça raconte quoi ? », répétera Thierrée à l’envi) qui donnent l’impression d’un inaboutissement général. Ça raconte quoi justement ? Difficile à dire. Un compositeur fou qui tente de créer une œuvre, mais se trouve empêché par son équipe indisciplinée ? Peut-être bien…
Il y a de l’idée pourtant. On aime, notamment, le rapport qu’entretient James Thierrée au langage (parlé, chanté, chorégraphié…) ; un langage qui bégaie, un langage qui n’est que source de malentendus, un langage qui rend fou… Un sujet manifestement fécond pour le petit fils de Charlie Chaplin. Mais sur le plateau, l’artiste semble tiraillé entre cette thématique et l’envie de combler les attentes du public. Ou plutôt l’idée qu’il se fait des attentes du public. Résultat : le cabotinage prend le pas sur l’inspiration. Raccourci (d’une bonne demi-heure) et recentré (sur le thème de l’indicible), Room nous aurait enchantés, car tout de même, le niveau technique sur scène est indéniable.
Igor Hansen-Love – sceneweb.fr
Room
De et avec:
James ThierréeEquipe artistique:
Anne-Lise Binard:
alto, violoncelle…Ching-Ying Chien :
danseuse…Mathias Durand:
voix, guitares, basses, piano, tempura…Samuel Dutertre:
Jeu, danse, technique…Hélène Escriva :
euphonium, trompette basse…Steeve Eton :
saxophone, voix, clarinette, clarinette basse, flûtes, percussions…Maxime Fleau :
clarinette, batterie et percussions, contre-ténor…Nora Horvath :
danseuse…Scénographie, costumes et conception musicale:
James ThierréeFabrications, confections, constructions… par :
l’équipe de la Compagnie du HannetonCréation au Théâtre de Carouge-Atelier de Genève:
le 12 janvier 2022Production:
La Compagnie du HannetonCoproductions en cours :
Théâtre de Carouge/Atelier de Genève (CH), La Comédie de Clermont- Ferrand Scène Nationale (F), Théâtre de la Ville Paris (F), Le Théâtre de Namur(B), Le Théâtre des Célestins, Lyon(F), Chekhov International Theatre Festival, Moscou (RU), Edinburgh International Festival (GB), Théâtre Sénart Scène Nationale de Lieusaint, Anthéa Antibes (F), LG Art Center Seoul (K), Odyssud Blagnac (F), Nuithonie Fribourg (CH), Le Volcan Scène Nationale Le Havre (F), Opéra de Massy (F), Théâtre du Passage Neuchâtel (CH), Festspielhaus St Pölten (AT), Berliner Festspiele, L’arc scène nationale Le Creusot (71)Accueil en résidence au :
Théâtre Sénart Scène Nationale de Lieusaint (F)La Compagnie du Hanneton est conventionnée par :
le Ministère de la Culture, DRAC Bourgogne Franche Comté.
Avec le soutien de :
la DRAC Bourgogne France Comté et du Conseil Régional de BourgogneDurée: 2h10
Théatre du Chatelet
du 22 mai au 1er juin 2023
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