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Avec « Résurrection », Castellucci déterre les morts

A voir, Les critiques, Opéra, Paris
Résurrection de Gustav Mahler – direction musicale Esa-Pekka Salonen – mise en scène Romeo Castellucci – Festival d’Aix-en-Provence 2022 Monika Rittershaus
Résurrection de Romeo Castellucci

Photo Monika Rittershaus

Le metteur en scène et plasticien italien Romeo Castellucci s’empare de la symphonie n°2 en ut mineur de Gustav Mahler, et signe un puissant et tragique tableau performé dont la tonalité macabre éprouve et sidère.

Lancement inhabituel pour le chicissime Festival d’art lyrique d’Aix-en-Provence qui se donne, en cette édition 2022, des airs inédits de Ruhrtriennale en s’éloignant de ses lieux classiques de représentation pour proposer son spectacle d’ouverture au Stadium de Vitrolles. Construit dans les années 1990 par Rudy Ricciotti sur le site d’une ancienne décharge de bauxite, le géant bloc de béton noir irradiait sous un soleil de plomb au soir de la première. Initialement conçu pour accueillir des championnats sportifs et des concerts de rock, l’immense bâtiment, laissé à l’abandon depuis plus de vingt ans et rénové seulement en partie, exhibe dans toute sa vastitude des allures de sombre squat délabré et tagué, et s’impose comme un insolite et magnifique écrin pour le spectacle Résurrection.

Quelle vision allait livrer Romeo Castellucci – signataire d’une œuvre entière traversée de ténèbres comme de lumières, de spiritualité comme de vanité – du monument mahlerien ? Qu’allait lui inspirer ce poème musical « eschatologique » qui naît dans un bouillonnant chaos pour s’achever dans la pure extase ? Après avoir monté un Requiem de Mozart pensé paradoxalement comme une célébration de la vie où s’exaltaient les couleurs, la jeunesse et la danse, sa Résurrection, qui devrait appeler à chanter, non sans inquiétude, le renouveau, prend les traits d’une forme scénique jamais illustrative et d’une intensité crue, où se joue une fouille macabre qui invite à la contemplation, longue jusqu’à l’insoutenable, de la mort et de l’inexorable.

Sur une lande déserte couverte de terre spongieuse, la traversée d’un cheval blanc s’offre comme une première image grandiose. Ce qui suit est encore plus frappant : la découverte fortuite d’un cadavre, puis d’un charnier entier, conduit une pléthorique équipe de l’UNHCR (l’agence des Nations-Unies pour les réfugiés), jouée par des acteurs et figurants en combinaison de travail, à se rendre, puis à s’installer durablement, sur le terrain vague avec pelleteuse et fourgonnettes afin de désensevelir les corps inertes et émaciés d’une communauté tragiquement décimée. Inlassablement extirpés de sous la terre, ces cadavres, entassés par dizaines et dizaines, sont minutieusement transportés, déposés et exposés aux regards sur des linceuls blancs zippés.

Est-ce le choc des images qui influence l’écoute ? La partition de Mahler n’a jamais paru aussi cinglante, oppressante, suffocante. Ce sentiment frappe et domine dès les premières mesures aux accents funèbres de l’Allegro maestoso jusqu’à la ronde infernale du Scherzo au terme duquel le temps se suspend. Aux commandes de l’Orchestre de Paris et de son chœur, l’un et l’autre sonorisés, dont la chaleur et la puissance sonores se déploient avec plénitude, Esa-Pekka Salonen offre de la symphonie n°2 une lecture bouleversante et tellurique qui ne s’enlise pas dans une excessive solennité, mais pousse l’œuvre dans ses retranchements avec une force inouïe. Une tension et une beauté transcendantes se dégagent. L’impétuosité qui fait rage laisse aussi s’épanouir des moments d’apaisements délicats, et même souriants, au milieu du violent tumulte. Marianne Crebassa fait résonner son déplorant Urlicht avec un timbre, un souffle et des graves superbes ; une profondeur et une intelligibilité dont fait montre également l’excellente Golda Schultz. Tandis que les chœurs entonnent leur céleste résolution, la scène se vide de présences et se nimbe de lumières sépulcrales. La nuit tombe ainsi qu’une pluie diluvienne. Cette eau cathartique se déverse et lave la terre comme les esprits. L’entière place est alors accordée à la musique, sublime, et à l’espérance qu’elle porte avec une ferveur incandescente et consolante.

Christophe Candoni – www.sceneweb.fr

Résurrection (Symphonie n°2 en ut mineur)
de Gustav Mahler
Direction Esa-Pekka Salonen
Mise en scène, décors, costumes, lumières Romeo Castellucci
Avec l’Orchestre de Paris, et Julie Roset, Marie-Andrée Bouchard Lesieur, Andrea Barki, Bernard Di Domenico, Fabio Di Domenico, Clémentine Auer, Emile Yebdri, Eurydice Gougeon-Marine, Francis Vincenty, Jean-Marc Fillet, Maïlys Castets, Matthieu Baquey, Michelle Salvatore, Raphaël Sawadogo-Mas, Romain Lutinier, Sandra Français, Sarah Namata, Simone Gatti, Chœur de l’Orchestre de Paris
Dramaturgie Piersandra Di Matteo
Chef de chœur Richard Wilberforce
Collaboration à la mise en scène Filippo Ferraresi
Collaboration aux décors Alessio Valmori
Collaboration à la lumière Marco Giusti

Reprise de la production du Festival d’Aix-en-Provence 2022
Coproduction Philharmonie de Paris ; La Villette – Paris ; Abu Dhabi Festival ; Teatro Colón

Coréalisation La Villette – Paris ; Festival d’Automne ; Philharmonie de Paris

Durée : 1h30

Vu en juillet 2022 au Festival d’Aix-en-Provence

La Villette, Paris
du 28 au 30 novembre 2024

28 novembre 2024/par Christophe Candoni
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