Jonathan Capdevielle s’empare de Sans famille, le roman d’Hector Malot devenu un classique de la littérature jeunesse et signe un fort beau spectacle tout public, ombrageux et lumineux, plein d’invention et d’émotion, qui célèbre l’aventure et donne le goût de la liberté.
Toute l’oeuvre de l’artiste multi-talents (il est à la fois comédien, chanteur, marionnettiste, ventriloque et metteur en scène) contient en germes les thèmes de l’enfance, de l’adolescence, de l’identité et de la marginalité. Creusée et interrogée avec autant d’humour que de sensibilité, la construction de soi est le leitmotiv de ses créations Adishatz / Adieu puis Saga, toutes deux imaginées comme des autofictions. Il n’était pas exclu que, dans leur prolongement, adapter Malot (comme autrefois Bernanos) soit encore pour Capdevielle une manière de revenir à soi.
On comprend évidemment ce qui a pu le séduire dans le roman Sans famille paru en 1878, tant son intrigue bouleverse. Le livre propulse un gamin abandonné et défavorisé dans un long périple initiatique à la découverte de ses origines et de l’amitié au côté d’un intrigant Maître et artiste ambulant nommé Vitalis, ainsi que de ses animaux de foire, le chien Capi et le singe Joli-Coeur, compagnon de route au destin malheureux. On retrouve la dimension romanesque, la tonalité douce-amère, la tendresse et l’âpreté de l’oeuvre au plateau et pourtant sa transcription assume une part de distance et d’actualisation amusante et pertinente, pour mieux coller à l’univers hybride, polymorphe, de Capdevielle.
Le metteur en scène magnifie la vie d’errance des protagonistes. Celle-ci prend place sur une grande scène vide comme pour figurer un espace où tout s’invente, s’écrit, spontanément, sur le vif, au gré du hasard. L’épure de la boite noire et l’économie de moyens se révèlent être un formidable terrain de jeu pour les acteurs. Aux côtés du duo central, les autres personnages se présentent comme de géantes poupées de chiffon parfois affublées de postiches leur conférant un aspect étrange, outré. Les corps sont capitonnés, étriqués ou bien gonflés comme un gros ballon. D’abord inquiétantes, ces figures suscitent finalement une drôle d’empathie.
Campé avec ingénuité par Dimiti Doré, Rémi apparaît sous les traits savoureux d’un gavroche-bohème au nez rouge de clown et aux semelles de vent. Autour de lui, la représentation échappe au naturalisme et se propose de déployer toute une fantasmagorie de l’enfance, ce qui fait basculer le récit dans quelque chose de plus onirique ou bien même de cauchemardesque. Cet univers est aussi joliment matiné d’accents pop-electro-queer. Fort inspirée et séduisante, l’aventure se poursuit pour le spectateur qui se voit offrir à la sortie du spectacle un disque contenant une deuxième partie du conçue sous la forme d’une fiction audio. Rémi n’en finit pas de tracer son chemin.
Christophe Candoni – www.sceneweb.fr
Rémi
Partie I (spectacle) :
Conception, adaptation et mise en scène, Jonathan Capdevielle
D’après Sans famille d’Hector Malot
Avec Dimitri Doré, Jonathan Drillet, Michèle Gurtner, Babacar M’Baye Fall
Musique, Arthur Bartlett Gillette
Son, Vanessa Court
Lumières, Yves Godin
Costumes, Colombe Lauriot Prévost
Conception et réalisation des masques, Étienne Bideau Rey
Régie générale, Jérôme Masson
Production, diffusion, administration, Fabrik Cassiopée – Manon Crochemore, Manon Joly et Isabelle MorelDurée : 1h30
Partie II (fiction radiophonique) :
Direction artistique, Jonathan Capdevielle
Réalisation sonore, Laure Egoroff
Mixage, Djai
Bruitage, Elodie Fiat
Chef opérateur du son, Mathieu Farnarier
Adaptation, Alexandre Lenot
Avec Jonathan Capdevielle, Dimitri Doré, Jonathan Drillet, Michèle Gurtner, Anne Steffens
Musique, Arthur Bartlett Gillette
Illustrateur du livret, Etienne Bideau ReyProduction Association Poppydog
Production déléguée de la Partie II AirRytmo
Coproduction Le Quai, CDN Angers Pays de la Loire ; Théâtre Garonne – scène européenne (Toulouse) ; Théâtre Saint-Gervais (Genève) ; CDN Orléans/Loiret/Centre ; Arsenic (Lausanne) ; Tandem scène nationale (Arras-Douai) ; Théâtre Nouvelle Génération – Centre dramatique national de Lyon ; Le Parvis, scène nationale Tarbes-Pyrénées ; La Rose des vents, scène nationale Lille Métropole Villeneuve d’Asq ; Maillon – Théâtre de Strasbourg – Scène européenne ; Nanterre-Amandiers, centre dramatique national ; Festival d’Automne à Paris Coréalisation Ville de Nanterre ; Nanterre-Amandiers, centre dramatique national ; Festival d’Automne à Paris pour les représentations à Nanterre-Amandiers, centre dramatique national
Avec le soutien du CND Centre national de la danse (Pantin)
Avec le soutien de l’Adami
Spectacle créé le 5 novembre 2019 à Le Quai, CDN Angers Pays de la Loire
Jonathan Capdevielle est artiste associé au QUAI CDN Angers, Pays de la Loire, au Centre Dramatique National d’Orléans et au Théâtre Garonne – scène européenne, Toulouse.
L’association Poppydog est soutenue par la DRAC Île-de-France au titre de l’aide à la structuration.Durée : 1h10
Spectacle à partir de 8 ansDu 7 au 11 mars 2023
La Commune, centre dramatique national, Aubervilliers
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