Pour la troisième série de Vive le sujet ! Tentatives, Rebecca Journo se transforme en femme-cigale carbonisée dans une performance dansée et musicale intitulée canicular, puis Michael Disanka et Christiana Tabaro dénoncent l’impérialisme, la guerre et le colonialisme dans Trace… depuis la République démocratique du Congo.
canicular, femme-cigale post-humaine
Allongée sur le sol du Jardin de la Vierge du lycée Saint-Joseph, une jambe croisée sur l’autre, Rebecca Journo est comme endormie, prenant un bain de soleil. En maillot deux pièces en latex orange et bonnet de bain vintage bleu ciel, elle nous transporte dans une station balnéaire des années 1960. Chorégraphe trentenaire, Rebecca Journo explore des techniques de corps ciselées, où le geste saccadé se déploie dans une esthétique pluridisciplinaire, entre arts plastiques, chorégraphie et création sonore. Dans la lignée du solo horrifique L’Épouse et du duo érotico-étrange Les amours de la pieuvre, la performeuse devient, dans canicular, une femme-cigale. Enveloppée dans l’ambiance sonore brûlante de Diane Barbé – une autre cigale derrière ses platines, aussi en tenue orange –, où bruisse tout un écosystème, elle fait pulser son abdomen, qu’elle gonfle, puis aspire en alternance, laissant apparaître ses côtes.
Devenant une créature digne d’un film de Cronenberg, elle se redresse, se traîne sur les fesses en petits à-coups comme une sauterelle blessée, passe la paume de ses mains sur son buste comme une mouche qui se nettoie. La séance de bronzage se transforme en calcination lente, en témoigne sa peau rouge qui pèle par endroits. Difficile de ne pas voir dans cette femme-cigale post-humaine carbonisée la destruction des écosystèmes et de la biodiversité.
Trace…, anti-impérialiste et anti-coloniale
Le duo laisse place à un quatuor musical, chanté et poétique, mené par Michael Disanka et Christiana Tabaro. Dans Trace…, les performeurs originaires de République démocratique du Congo, répartis à différents endroits de la scène, à côté d’une mini hutte et d’un tapis blanc, racontent le drame de la guerre qui affecte des générations avec un franc-parler percutant. Au fil des prises de parole, souvent entrecoupées par des chants et des mélodies jouées à la guitare, se dessine une critique anti-impérialiste et anti-coloniale : « Nous ouvrons le gouffre sans fin de l’Histoire », avant d’ajouter « Ah ça pue ! ». Puis, une suite d’invectives s’enchaînent : « Merde à la corruption », « Merde au gouvernement », « Merde au pillage », avant de scander, avec ironie, « Je vends l’Histoire du Sud pour la réappropriation occidentale ». Plutôt dense, cet ensemble de bribes en passe d’être articulé esquisse autant de constats durs que de notes d’espoir.
Belinda Mathieu – www.sceneweb.fr
Vive le sujet ! Tentatives – Série 3
canicular
Chorégraphie Rebecca Journo
Avec Rebecca Journo, Diane Barbé (musicienne)
Musique originale Diane Barbé
Regard extérieur Véronique Lemonnier
Costume Coline Ploquin
Régie son Mathieu BonnafousProduction La Pieuvre
Coproduction SACD, Festival d’Avignon, Théâtre Auditorium de Poitiers, Le Petit Écho de la Mode (Châtelaudren)
Avec l’aide de La Lisière résidence de création artistique (Bruyères-le-Châtel), La Métive (Moutier-d’Ahun), Atelier de Paris Centre de développement chorégraphique national, Klap Maison pour la danse (Marseille), Boom’Structur Pôle chorégraphique (Clermont-FerrandTrace…
Texte, conception et mise en scène Michael Disanka, Christiana Tabaro
Avec Michael Disanka, Taluyobisa Luheho, Kady-Vital Mavakala, Christiana Tabaro
Musique originale Arnold Asende, Taluyobisa Luheho, Kady-Vital MavakalaProduction Collectif d’Art-d’Art
Coproduction SACD, Festival d’Avignon, Institut français de KinshasaDurée : 1h30
Festival d’Avignon 2024
Jardin de la Vierge du lycée Saint-Joseph
du 18 au 21 juillet, à 10h30 et 18h
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