Le Ballet de l’Opéra national de Bordeaux s’évade dans les univers oniriques de quatre chorégraphes. Se déploient deux créations, Beauties and Beasts de Xenia Wiest et Between Worlds d’Ana Isabel Casquilho, et deux reprises, Obsidian Tear de Wayne McGregor et Sleight of Hand de Sol León & Paul Lightfoot, qui entre au répertoire. Une édition de Quatre tendances aux accents fantastiques.
Depuis dix éditions (et un peu plus d’années), l’Opéra national de Bordeaux fait rayonner la création contemporaine dans le champ du Ballet grâce au programme Quatre tendances. Cette année, Eric Quilleré, le directeur de la danse de l’institution bordelaise, a invité deux jeunes chorégraphes, l’Allemande Xenia Wiest et la Portugaise Ana Isabel Casquilho, à créer pour les interprètes de la troupe. Elles partagent la soirée avec deux reprises, Obsidian Tear du Britannique Wayne McGregor et Sleight of Hand de Sol León & Paul Lightfoot, qui entre au répertoire. Avec ces spectacles, se dessine un paysage des chorégraphes classiques actuels, avec pour chacun une bonne dose de rêverie.
La soirée s’ouvre avec la fougue de Beauties and Beasts de Xenia Wiest. Celle qui présentait, en 2017, Just Before Now, un an après avoir remporté le Concours de jeunes chorégraphes de Biarritz, revient avec une envolée pour dix danseuses sur pointes, en académiques bleu nuit et coiffées de longues queues de cheval, qui fait jaillir un entrain adolescent. Dans un couloir sombre, une danseuse ouvre le bal en arborant des tours fouettés dynamiques. Piqués déterminés et arabesques éruptives réinventent le conte de Jeanne-Marie Leprince de Beaumont. Belles et bêtes incarnent deux facettes de ces personnalités, d’abord impétueuses, avant de s’adoucir, maniant des éventails, arborant des ensembles gracieux. Une sorte de récit d’apprentissage qui se transcrit en danse.
Puis Ana Isabel Casquilho déploie l’onirique Between Worlds, qui laisse les pointes au placard. Voiles et ensembles fluides jalonnent cette pièce, qui puise dans l’expérience de paralysie du sommeil de la chorégraphe. Sur les notes de violoncelle douces et méditatives de David Darling ou sur les mélodies lénifiantes de John Lennon, le corps d’une danseuse, souvent statique, transportée par une vague de corps, portée en pas de deux. Les gestes étirés jusqu’au bout des doigts font jaillir l’expressivité du Ballet de Bordeaux. Cette rêverie pourrait être une version contemporaine des fantasmagories des grands ballets romantiques, façon Giselle ou Lac des Cygnes.
Le style sculptural et puissant de Wayne McGregor se déplie dans Obsidian Tear. Cette pièce pour neuf danseuses créée en 2016 à la Royal Opera House de Londres, et entrée au répertoire de l’Opéra de Bordeaux en 2019, déploie des joutes masculines qui font écho à des récits mythologiques. La pièce s’ouvre sur un duo masculin : l’un porte un pantalon-jupe rouge, l’autre noir, et les deux interprètes se toisent et se défient. D’autres se joignent à eux, armée virevoltante sur la composition épique de Esa-Pekka Salonen, enchaînant rondes, sauts explosifs et tours pirouettes. En rondes ou en nuées, ils s’élancent, assènent des gestes amples et tranchants, faits d’impulsions et de saccades, ponctuées de développés moelleux, de courbes gracieuses des bras et de la colonne vertébrale. Solennité et humour s’y mêlent avec une bonne dose de virtuosité.
La soirée se conclut sur Sleight of Hand de Sol León & Paul Lightfoot, un ballet surréaliste, créé en 2007 pour le Nederlands Dans Theater à La Haye, qui met en scène huit interprètes. Il fait cette année son entrée au répertoire de la compagnie bordelaise. Un danseur et une danseuse sont juchés en hauteur, en robe et costume noirs. Ils encadrent la scène comme deux poupées gigognes hyper expressives faisant pulser leur buste, mais condamnées, à cause de leurs jambes immenses, à rester postées sur place. Aux pieds de ces personnages à la fois comiques et austères, des danseurs vêtus de noir s’agitent et livrent leurs grimaces les plus effroyables. Cette pantomime virtuose, qui engage tout le corps dans sa gestuelle large et étrange, évoque des contextes historiques sombres, de répression ou de maladie. Sur la musique de Philip Glass, ce ballet énigmatique fait jaillir des émotions extrêmes, des conflits intérieurs et des passions, liés par la fluidité et la précision de la chorégraphie. Un ultime délire fantastique.
Belinda Mathieu – www.sceneweb.fr
Quatre tendances
Avec les interprètes du Ballet de l’Opéra national de Bordeaux
Directeur de la danse Éric QuilleréBeauties and Beasts
Chorégraphie et lumières Xenia Wiest
Concept Alberto Mendia, Xenia Wiest
Musiques Francis Hime, Rosalia, Bhima Yunusov
Costumes et scénographie Darko Petrovic
Assistant lumières Pascal Cantaloup
Avec le concours des Ateliers de l’Opéra National de BordeauxObsidian Tear
Conception, direction et chorégraphie Wayne McGregor
Musique Esa-Pekka Salonen
Conception des décors Wayne McGregor
Directrice de la mode Katie Shillingford
Conception des lumières Lucy Carter
Dramaturgie Uzma Hameed
Répétitrice Amanda Eyles
Coaching Antoine Vereecken, Neil Fleming Brown
Costumes en association avec Assaf Reeb, Vivienne Westwood, Craig Green, Telfar, Christopher Shannon, Julius, Gareth Pugh, Hood by Air
Réalisation des lumières John-Paul Percox
Supervision technique Catherine SmithBetween Worlds
Chorégraphie et lumières Ana Isabel Casquilho
Assistant à la chorégraphie Miguel Esteves
Musiques David Nigro, John Lennon, Phoria, David Darling
Assistante à la scénographie Pilar Camps
Assistant costumes Jean-Philippe Blanc
Assistant lumières Pascal Cantaloup
Avec le concours des Ateliers de l’Opéra National de BordeauxSleight of Hand
Chorégraphie Sol León & Paul Lightfoot
Répétiteurs Roger van der Poel et Menghan Lou
Musique Philip Glass
Lumières Tom Bevoort
Réalisation des lumières Jolanda de Kleine
Supervision technique Eric Blom
Supervision des costumes Joke Visser
Avec le concours des Ateliers de l’Opéra National de BordeauxProduction Opéra national de Bordeaux
Production Opéra national de Paris (Costumes de Sleight of Hand)
En partenariat avec l’Opéra national de Paris, le CCN Malandain Ballet Biarritz et le CCN Ballet de l’Opéra national du Rhin
Avec le soutien de la Fondation d’Entreprise Philippine de Rothschild.Durée : 1h55 (entractes compris)
Opéra National de Bordeaux
du 8 au 16 avril 2025
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