Après un album et un livre, l’artiste consacre au grand drame de sa jeunesse un spectacle mêlant performance musicale et lecture. Malheureusement décevant.
Il est arrivé à Maud Lübeck un événement malheureux qui a marqué sa vie sentimentale et son parcours artistique au fer rouge. À 13 ans, au beau milieu des années 1980, elle fait la rencontre d’une préado de son âge prénommée Claude. Les jeunes filles ne se verront qu’une dizaine de fois, au fil de deux années interrompues par un déménagement, mais suffisamment pour que Maud tombe follement amoureuse, persuadée que Claude est en quelque sorte sa sœur jumelle, sa sœur d’âme. C’est forcément puissant. Forcément beau, parce que sublimé par la confusion des sentiments éprouvés à cet âge-là. On imagine… Las, à 15 ans, Claude disparaît dans un accident de voiture. Et l’on ne peut qu’imaginer, là aussi, l’ampleur du bouleversement et de la douleur qu’a dû ressentir Maud Lübeck à cette nouvelle, puis la lente et pénible recomposition qui s’ensuivit. L’idée même nous donne envie de la prendre dans les bras. Ce jour-là, c’est une partie d’elle-même qui est morte.
Par la suite, Maud Lübeck s’engage dans la musique. En 2022, elle signe un album intitulé 1988, Chroniques d’un adieu (Finalistes/Cardiophonie), dans lequel elle met en mots et en chansons l’histoire de cet amour disparu prématurément ; une façon pour elle de dire adieu à Claude… Mais elle ne parviendra pas tout à fait à tourner la page. Deux ans plus tard, l’artiste récidive avec un livre, Privé S.V.P. (Le Nouvel Attila), dans lequel elle mêle au récit de son histoire des photographies et des extraits de son journal intime. À l’époque, Maud Lübeck consignait les moindres faits et gestes de son entourage dans son cahier d’écolier au feutre rouge. En 2025, elle crée un spectacle éponyme, qui réunit performance musicale, projection d’images et lecture du livre sur le même sujet. Elle se produit aux côtés de l’actrice Clotilde Hesme, de la violoncelliste Maëva Le Berre et de la violoniste Christelle Lassort.
Peut-être que les lecteurs attentifs auront remarqué que l’on retarde au maximum l’instant critique de la critique, à force de détails historiques et factuels… Ces derniers auront raison. Parce que cette critique est difficile à formuler, mais la voici : on n’a pas aimé. Vraiment pas. On aurait aimé bien aimer, pourtant. Parce que cette histoire est touchante. Parce que Maud Lübeck est sincère. Parce que, sur scène, Clotilde Hesme a du style et de la présence, mais ces textes-là, dans la veine des productions d’Alex Beaupain, sont décidément très prosaïques, trop prosaïques ; c’est-à-dire factuels, linéaires, simples. Une question de sensibilité, sûrement. Et cette musique-là n’est pas très musicale ; c’est-à-dire illustrative, comme un support aux grilles d’accords interchangeables, des arpèges qui évoquent les compositions sirupeuses de l’indéboulonnable Yann Tiersen, et des mélodies plates comme le lac Léman par -15°C. Une question de sensibilité, là aussi, sûrement. Mais quand même ! Peut-être que Maud Lübeck a voulu rester fidèle à l’ado qu’elle était au moment du drame. Quelque part, c’est louable, mais cela ne suffit pas à transcender sa douleur et à nous la faire parvenir.
Igor Hansen-Løve — www.sceneweb.fr
Privé S.V.P.
d’après l’ouvrage de Maud Lübeck (Éditions Le Nouvel Attila / Le Seuil, 2023) et l’album 1988, Chroniques d’un adieu (Finalistes, 2022)
Mise en scène Maud Lübeck, Céline Gaudier
Avec Clotilde Hesme (chant), Maud Lübeck (piano, chant), Christelle Lassort (violon, choeurs), Maëva Le Berre (violoncelle, choeurs)
Son François Joury
Lumières Olivier FerhatCoproduction Scènes du Golf – Théâtres Vannes Arradon
Soutien CENTQUATRE-PARISDurée : 1h10
La Blaiserie, Poitiers, dans le cadre de la saison du TAP
le 21 janvier 2025Théâtre 14, Paris, dans le cadre du Festival Les Singulier·es et de la saison du Centquatre-Paris
du 4 au 15 février
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