La star de la scène japonaise Toshiki Okada présente au Centre Pompidou et dans le cadre du Festival d’automne à Paris sa dernière création : Pratthana – A Portrait of Possession, l’adaptation ambitieuse quoiqu’un peu sage d’un roman thaïlandais superbement initiatique et subversif.
Au centre d’un spectacle de quatre bonnes heures figure un artiste-peintre que l’on découvre au début des années 1990, tout juste sorti de l’adolescence, galvanisé par la rencontre avec une poétesse qu’il désire au point de partir avec elle à Bangkok. Dans la capitale thaïlandaise, il suivra des études universitaires, ainsi que les mouvements de manifestations populaires, avant de gagner sa vie en vivotant dans le cinéma et la publicité. A travers ses déboires comme ses aspirations, est dépeinte une jeunesse en proie au tumulte, au désir de changement, de bouleversement de l’ordre social et moral, aussi furieuse et intransigeante dans ses ambitions qu’encline à la désillusion et au conformisme.
Le metteur en scène a réuni onze acteurs qui ne quittent pratiquement jamais le plateau. Chacun d’eux prend en charge des bouts de narration tout en esquissant les personnages. Ils sont souvent assis, à la fois performeurs et spectateurs de ce qui se joue. Une dimension très quotidienne, mais d’une belle justesse, émane de l’ensemble où s’estompe la frontière entre l’individu et le groupe, le public et le privé. De la même manière, Okada cherche à montrer la porosité entre la vie et l’art. Le décor, qui réinvente l’esprit alternatif d’une « factory » et abrite un équipement technique conséquent, permet une fluide et continue mobilité de toutes les forces en présence. La scène se présente comme un espace de représentation par excellence puiqu’elle devient le lieu d’une installation géante et permanente.
L’amour, le désir, sont au cœur du propos. Le roman initial d’Uthis Haemamool, publié en 2009, n’est pas avare en scènes explicitement sexuelles explorant aussi bien les relations homo qu’hétéro. La mise en scène se dispense d’une crudité scandaleuse et paraît même un peu trop évasive. Pourtant, le corps exulte dans cette production très physique. Corps brimés, corps heurtés, corps exaltés s’attirent, s’entremêlent et s’entrechoquent à l’occasion d’étreintes donnant à voir une houle sensuelle, organique et combative.
Fins observateurs de la société contemporaine mondialisée, Okada et Haemamool, qui appartiennent à la même génération, offrent un regard perspicace, désinhibé, sur l’époque actuelle, valable aussi bien en Asie qu’ailleurs. Ils explorent de manière inventive les liens entre l’intime et le politique. Leurs réflexions sont portées par une magnifique troupe qui s’expose en scène pleine de vie, de beauté, d’ambiguïté, de fraîcheur et de fureur.
Christophe CANDONI – www.sceneweb.fr
Pratthana – A Portrait of Possession
Mise en scène et script, Toshiki Okada
D’après le roman d’Uthis Haemamool
Scénographie, Yûya Tsukahara
Assistant à la mise en scène, Wichaya Artamat
Avec Jarunun Phantachat, kemmachat Sermsukchareonchai, Kwankaew Kongnisai, Pavinee Samakkabutr, Sasapin Siriwanij, Tap-anan Tandulyawat, Teerawat Mulvilai, Thanaphon Accawatanyu, Thongchai Pimapunsri, Waywiree Ittianunkul et Witwisit hiranyawongkul
Production Centre d’Asie de la Fondation du Japon ; precog co., LTD. ; chelfitsch
Organisation Fondation du Japon
Coréalisation Tokyo Metropolitan Theatre (Tokyo Metropolitan Foundation for History and Culture) ; Les Spectacles vivants – Centre Pompidou (Paris) ; Festival d’Automne à Paris, avec le soutien de The Saison Foundation
Spectacle présenté dans le cadre de Japonismes 2018, avec le soutien de la Fondation franco-japonaise Sasakawa et de l’OndaDurée : 4 heures
Centre Pompidou, dans le cadre du Festival d’automne à Paris
Du 13 au 16 décembre 2018
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