Germain Louvet, profession étoile

photo James Bort OnP

Génération sceneweb (7/30). Figure en vue de l’Opéra national de Paris, Germain Louvet s’invente un présent de danseur entre classicisme et modernité.

Les princes du XXIe siècle ont bien changé : ils battent le pavé pour lutter contre la réforme des retraites, s’affichent sur Instagram et, quand même, dansent au Palais Garnier. Germain Louvet, 27 ans, en est un –de prince. En 2005 il réussit le concours de l’école de danse de l’Opéra de Paris maison qu’il ne quittera plus. Le 28 décembre 2016 il est nommé étoile après une représentation du Lac des cygnes.  » J’ai l’impression d’avoir vécu une vie entière tant ces 10 dernières années ont été riches, foisonnantes et inégales. J’ai aussi l’impression de n’être plus tout à fait le même qu’il y a 10 ans, ou en tous cas de savoir un peu mieux qui je suis aujourd’hui. Il y a 10 ans je sortais tout juste de l’adolescence, je découvrais à peine le monde qui m’entourait «  résume Germain Louvet.

L’Opéra de Paris, non plus, n’est plus tout à fait le même depuis d’ailleurs. 3 directeurs généraux différents. 3 direct.eur.rice.s de la danse également. Surtout « plusieurs attentats ont transformé la notion d’accès et de liberté qu’on se faisait encore en 2011 (notamment par rapport au monument qu’est l’Opéra Garnier ) ». Aujourd’hui  « une crise sanitaire sans précédent questionne et bouleverse la culture, sa fonction (ou devrais-je dire sa nécessité mais ce serait déjà partisan) dans la société, notamment le spectacle vivant, et les modes d’expression ». Sa nomination au rang d’étoile a ouvert au soliste des portes, favorisé les rencontres. Au-delà, c’est la vie privée de Germain Louvet qui a été bouleversée. « Un coming out, une histoire d’amour (toujours en cours…) et 5 appartements ! » comme il le dit avec malice.

Ne pas avoir peur d’être différent

L’année 2020 s’est soldée par une grève à rebondissements dans cette institution du ballet en France, deux confinements. Louvet et la compagnie ont retrouvé les planches en octobre pour un court mois. Il avait justement enfilé son costume de prince… Questionné sur le confinement Germain se fait tranchant :  « Je trouve que ce confinement et ses très lourdes contraintes ont vu naître un foisonnement de créativité et d’imagination magnifique, d’autant plus parce qu’accessible à tous via internet. Les théâtres et les musées sont des lieux que j’affectionne énormément mais j’admets néanmoins et je le déplore que ce sont aussi des lieux qui excluent, des lieux discriminants malgré eux. Voir autant d’initiatives émerger de toutes parts et rendues visibles par tous a été pour moi un vrai avantage en cette période ». Reste qu’à ses yeux rien ne peut remplacer le spectacle vivant.

De #MeToo à la grève sur le climat, la jeunesse a pris la parole, descendant dans la rue. En tant que danseur et citoyen, que dire cette génération qui est la sienne ? « Qu’il ne faut pas avoir peur d’être différent, de penser différemment, d’être en désaccord avec la pensée commune, voire d’être en colère. Il ne faut pas se cacher ni se déguiser, je dirais que c’est ce qu’il y a de plus dur ». De ses rôles, il garde une affection pour Romeo et Juliette, celui de Noureev comme celui de Sasha Waltz. Il rêve du Jeune homme et la mort de Roland Petit ou du Boléro de Maurice Béjart ; « je suis biberonné aux spectacles de Pina Bausch depuis mon adolescence et j’ai vécu un vrai apprentissage artistique de ce qui définit pour moi le spectacle vivant à travers les nombreuses pièces que j’ai pu voir de Pina. Ce serait pour moi un rêve fou et immense que de travailler avec ses disciples et interpréter ses pièces « . Alain Platel, François Chaignaud, Jérôme Bel, Mathilde Monnier, Anne Teresa De Keersmaeker ou Gerard&Kelly sont aussi sur sa « dreamlist ». Le danseur Louvet est-il devenu plus « fort » à travers ces épreuves ?  » Pas spécialement. Je dirais que c’est tout le reste qui me permet de surmonter ces épreuves avec plus de force. Le danseur « que je suis » n’est que le reflet de ce qui m’entoure, de ce qui me nourrit et donc des gens. Ce sont donc eux, les gens, qui m’aident à surmonter les épreuves. J’espère que c’est réciproque… »

Philippe Noisette – www.sceneweb.fr