Les « petites cérémonies pour être ensemble » de Baro d’Evel, qui sont parfois grandes, offrent depuis vingt ans de singuliers voyages à qui s’y aventure. Le diptyque formé de Là et Falaise et la recréation du duo Mazùt qui tournent cette saison offrent un beau panorama sur l’univers de la compagnie, où les hommes et les animaux participent d’un même ré-enchantement du monde.
Avec sa tribu faite d’hommes, de chevaux, d’oiseaux et parfois de quelque animal plus fréquemment domestique, Baro d’Evel ne cesse depuis sa création de voyager à la frontière de plusieurs disciplines. En brassant dans un même geste tantôt intimiste tantôt épique, toujours poétique, l’acrobatie, la danse, le chant, le théâtre ou encore le travail sur la matière, cette compagnie ravive à chaque spectacle la flamme qui l’a fait naître en 2000. Une flamme par essence composite, car elle jaillit de la rencontre entre deux personnes de cultures et de pratiques artistiques bien différentes : Camille Decourtye et Blaï Mateu Trias.
Née en France parmi les chevaux – son grand-père avait une ferme équestre dans le centre de la France, aime-t-elle à rappeler –, la première cultive un lien étroit avec les animaux selon les principes de l’éthologie, tout en développant une recherche sur le mouvement et sur la voix. Le deuxième, élevé par des parents clowns dans le milieu artistique catalan post-Franco, y fait ses débuts avant de s’installer en France pour se former au cirque. Il intègre le Centre National des Arts du Cirque (CNAC), où il rencontre celle avec qui il partage dès lors non seulement la vie, mais aussi la scène. Pour le meilleur, contre le pire, car si leurs pièces s’ancrent souvent dans un univers aux accents d’apocalypse, c’est toujours pour mieux regarder vers la lumière. Par la rencontre, par la poésie.
Un répertoire en liberté
De sa première création, ¿Porqué No? (2000), qui se fait en rue avec quatre autres artistes issus du CNAC – Julien Cassier, Adria Cordoncillo, Mathieu Levavasseur et Nicolas Lourdelle –, le duo franco-catalan garde un goût pour l’itinérance et la vie de troupe qui s’exprime de manière différente dans chaque création. Il entretient son sens aigu de la liberté, notamment en refusant de s’installer définitivement dans le confort de la salle qu’il expérimente pour la première fois en 2003 avec Bechtout’, coécrit comme sa pièce inaugurale avec les compagnons de l’école cités plus tôt et mis en scène par Michel Cerda, avant d’y revenir en 2006 avec le solo de clown Ï de Blaï Mateu Trias puis en 2012 avec Mazùt, que l’on peut découvrir aujourd’hui dans une recréation. La première que Baro d’Evel fait de ses propres pièces.
En y transmettant les rôles qu’ils interprétaient à l’origine tous les deux, Camille Decourtye et Blaï Mateu Trias font davantage dans cette pièce que revenir sur un tournant artistique passé : ils affirment l’existence de leur répertoire, et prouvent leur capacité à le faire vivre comme le font de nombreuses compagnies de théâtre et de danse, mais beaucoup moins de cirque où la notion de répertoire est récente. Mais Baro d’Evel fait-elle encore du cirque ? L’abandon du mot « cirk » dans le nom de la compagnie, après la création de Bestias (2015), nous autorise à nous poser la question. Là et Falaise, qui prennent la suite de cette pièce sous chapiteau, donnent la réponse : du cirque, Baro d’Evel conserve l’esprit quand bien même il s’en éloigne formellement. Sortes de rituel pour hommes et animaux, ce diptyque fait vivre à la « meute » de la compagnie la même recherche de nouvelles manières d’être ensemble, sans hiérarchie, sans domination. Autrement dit, des manières circulaires, dérivées du cirque.
Petits rituels pour une métamorphose
Avec Mazùt, interprétée dans sa version actuelle par Marlène Rostaing, Julien Cassier – la compagnie revient ainsi aux tout débuts de son histoire, collective – et le chien Patchouka, Baro d’Evel livre quelques clés de compréhension de l’un des éléments principaux de sa poétique : son lien fort aux animaux en général, aux chevaux et aux oiseaux en particulier. En invitant sur scène l’animal domestique à vaquer à ses activités habituelles – dormir, manger, faire sa toilette… – sans rien exiger de lui, les deux interprètes vont à l’essence du geste rassembleur de Baro d’Evel. Sans avoir besoin de le formuler, ils disent que si Camille Decourtye et Blaï Mateu Trias s’entourent d’animaux, c’est au nom d’une vision du monde non-anthropocentrée. Ce que confirme leur traitement du langage, qui n’est guère plus – et même souvent moins – utile à la compréhension du monde, à son organisation, que la danse d’une femme ou d’un homme, que la marche d’un cheval ou l’envol d’un corbeau.
Tout en se structurant, en se faisant accueillir sur des scènes de plus en plus prestigieuses, où le cirque a encore peu sa place, Baro d’Evel poursuit ainsi son chemin à l’écart des ordres établis. Les hommes, le cheval et les oiseaux de Falaise, sa dernière création – si l’on ne compte pas la reprise de Mazùt en 2021 – se consacrent à la même noble besogne que toutes les créatures qui peuplent les pièces de la compagnie, surtout depuis que Camille Decourtye et Blaï Mateu Trias en assurent seuls la direction, depuis 2006 : ils fabriquent à vue, selon leur expression, de « petites cérémonies pour être ensemble ». Des rituels étranges qui ont tous leur identité, leur autonomie, mais que l’on sent fortement reliés par un même désir de changer le monde, de le ré-enchanter. Avec la notion de création comme avec bien d’autres choses, Baro d’Evel entretient un rapport particulier : si elle amène du neuf, c’est toujours pour réactiver l’ancien. Pour lui faire de nouveau luire le poil, battre des ailes et dire des choses étranges et belles.
Anaïs Heluin – www.sceneweb.fr
Mazùt
Auteurs et metteurs en scène : Camille Decourtye et Blaï Mateu Trias
Artistes interprètes : Julien Cassier, Marlène Rostaing et le chien Patchouka
Collaborateurs : Benoît Bonnemaison-Fitte, Maria Muñoz et Pep Ramis
Création lumière : Adèle Grépinet
Création sonore : Fanny Thollot
Création costumes : Céline Sathal
Travail rythmique : Marc Miralta
Ingénieur gouttes : Thomas Pachoud
Construction : Laurent Jacquin
Régie lumières et régie générale : Louise Bouchicot ou Marie Boethas
Régie son : Timothée Langlois ou Naïma Delmond
Régie plateau : Cédric Bréjoux, Mathieu Miorin ou Cyril Turpin
Direction technique : Nina Pire
Directeur délégué / Diffusion : Laurent Ballay
Chargé de production : Pierre Compayré
Administratrice de production : Caroline Mazeaud
Chargée de communication : Ariane ZaytzeffPHOTOS : François Passerini
PRODUCTION : Baro d’evel
COPRODUCTIONS : ThéâtredelaCité – CDN Toulouse Occitanie ; MC93 – Maison de la Culture de Seine-Saint-Denis ; Teatre Lliure de Barcelone ; le Parvis – scène nationale Tarbes-Pyrénées ; Malakoff scène nationale – Theatre 71; Romaeuropa festival ; L’Estive, scène nationale de Foix et de l’Ariège.ACCUEILS EN RÉSIDENCE : ThéâtredelaCité – CDN Toulouse Occitanie ; L’Estive, scène nationale de Foix et de l’Ariège.
AVEC L’AIDE à la reprise de la DGCA, Ministère de la culture et de la communication, du Conseil départemental de la Haute-Garonne et de la Ville de Toulouse.
La compagnie est conventionnée par le Ministère de la Culture et de la Communication – Direction Régionale des Affaires Culturelles d’Occitanie / Pyrénées- Méditerranée et la Région Occitanie / Pyrénées – Méditerranée.
Création Originale 2012
COPRODUCTIONS
Pronomade(s) en Haute-Garonne, Centre national des arts de la rue ; Théâtre Mercat de les Flors de Barcelona; El Canal – Centre d’arts escèniques de Salt-Girona ; La Verrerie, pôle national des arts du cirque Languedoc-Roussillon et le Festival Montpellier Danse 2012 ; le Festival La Strada à Graz (Autriche).SOUTIEN de L’Animal a l’esquena à Celrà et La Scène nationale du Petit-Quevilly / Mont-Saint-Aignan.
AVEC L’AIDE du Ministère de la culture et de la communication / DRAC Midi-Pyrénées, du Conseil régional Midi-Pyrénées et du Conseil général de la Haute-Garonne.
Durée : 1h
MC93 – Bobigny
Du 3 au 13 novembre 2021
Malakoff scène nationale
Du 25 au 27 novembre 2021
Théâtre Lliure – Barcelone (CAT)
Du 29 décembre 2021 au 16 janvier 2022
Halles de Schaerbeek – Bruxelles (BE)
Du 22 au 24 février 2022
Le Parvis, scène nationale de Tarbes
Les 10 et 11 mars 2022
La Halle aux Grains, scène nationale de Blois
Les 22 et 23 mars 2022
La tournée de tous les spectacles sur www.barodevel.com
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