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L’adolescence passée à la moulinette de Rébecca Chaillon

A voir, Bordeaux, Les critiques, Lyon, Malakoff, Nantes, Paris, Théâtre

© Marikel Lahana

Toujours aussi percutante, Rébecca Chaillon n’a rien perdu de sa force de frappe en s’adressant à un public adolescent. Entre légèreté et noirceur, Plutôt vomir que faillir libère ses humeurs pour parler à la jeunesse les yeux dans les yeux, sans tabous ni fausse pudeur.

Le titre annonce la couleur et le nom de Rébecca Chaillon draine dans son sillon une odeur épicée de souffre et de bouffe que la scénographie qui s’offre à nous confirme au premier regard. Au centre du plateau, une assiette géante, immaculée (ça ne saurait durer, on s’en doute), que tentent de déplacer, avec force investissement et cris d’encouragements quatre jeunes aux personnalités marquées, sapés stylés, flashy et décontractés. D’emblée, on rit, séduit par cette entrée en matière punchy, singulière et prometteuse. Bientôt, dans cette arène circulaire au centre du plateau et de l’attention, la sacro-sainte assiette à finir qui cristallise la marmelade d’injonctions pesant sur l’enfance, il pleuvra des petits pois, on y préparera en direct de la polenta tandis que la trinité assaisonnée de la junk food moderne, ketchup, moutarde, mayonnaise, fera monter la sauce d’une représentation qui va crescendo et n’hésite pas, au propre comme au figuré, à mettre les pieds dans le plat. Ici, on est prévenu, on ne fait pas du théâtre le petit doigt en l’air ni avec le dos de la cuillère, on s’y engouffre à corps et à cri, on se mouille, on se dépouille pour mieux gratter le vernis du joli, du convenu et du déjà-vu. Car pourquoi faire du théâtre si c’est pour se gargariser de discours policés, prémâchés et rabâchés ? Autant inventer ses propres récits, ceux qui manquent et font défaut, ceux qu’on aurait aimé entendre à l’âge dit ingrat. Mais de quelle ingratitude parle-t-on ?

Pour la première fois, l’autrice et metteuse en scène qui s’attèle à porter une parole contemporaine, organique et décomplexée, s’adresse délibérément aux adolescents. Et pour cause, son spectacle s’ancre dans les années collège, il s’alimente à la source des solitudes, des transformations du corps, des hormones en fusion et du malaise en rapport. Il épingle les « adultosaures » et le gouffre entre générations, affiche en grand les amitiés virtuelles qui tournent au vinaigre, soulève le tapis où se cachent les familles dysfonctionnelles et toutes les hontes qu’on se farcit, physiques (les poils, l’acné, les règles), sexuelles (l’homosexualité est au cœur, une fois de plus, des enjeux identitaires), culturelles (que l’on vienne de Guyane ou de Pessac, on est toujours le plouc de l’autre, l’étranger, le différent). En exhumant ses propres souvenirs de jeunesse qu’elle démêle en un texte d’une beauté sourde et mélancolique abyssale, en usant des outils performatifs qui l’identifient dans le paysage théâtral et dessinent une cartographie de ses obsessions, – alimentation, maquillage, couleurs franches et éclatantes -, Rébecca Chaillon livre un spectacle irrigué de sa présence quand bien même elle n’y joue pas.

En une distribution d’une parité millimétrée, ses quatre interprètes, nouveaux venus dans son univers, sont formidables, forgés à ses rituels d’ingestion, à ce jeu souple, oscillant entre exubérance et naturel où le corps exulte, ils emportent la représentation et le public avec, réactif, concerné, happé par la dynamique scénique, l’originalité de la proposition et les sujets mis sur la table, éminemment en phase avec les préoccupations d’une salle en majorité mineure. Entre la performance théâtrale, le show de télé-réalité et le film gore de série Z, « Plutôt vomir que faillir » dégaine une théâtralité bravache et puissante, crache ses colères, régurgite ses malaises, vomit son dégoût de tout ce qui entrave et empêche d’être libre et d’être soi.

Dans une scénographie qui fait mouche, répartie en trois espaces distincts, un mur de micro-ondes, bouches béantes sur des souvenirs d’enfance, des couverts géants qui transforment les comédien.nes en liliputien.nes et un dispositif de self-service évoquant toutes les cantines du monde, les scènes nous catapultent en arrière, à cet âge des possibles impossible, cette fourchette spatio-temporelle qui reste à beaucoup d’entre nous en travers de la gorge. Entre une pop-corn party et une forêt de brocolis, un doublage hilarant de manga et une chanson de Barbara, c’est une œuvre protéiforme qui avance comme un bulldozer et se clôt en forme d’apothéose avec une vidéo inénarrable et poilante, pied de nez magistral aux diktats de l’épilation. Rébecca Chaillon dézingue le fantasme de la jeune fille pré-pubère éthérée, les clichés liés au féminin et au masculin, aux origines et à la couleur de peau, ravive les chairs et ce qu’on a dans le ventre. Comme une revanche sur la bienséance, les fausses croyances et toutes les sornettes qu’on nous met dans le crâne dès l’enfance. Un geste performatif inouï, ample et maîtrisé, qui révèle plus que jamais la pertinence de l’œuvre que construit cette artiste de tempérament.

Marie Plantin – www.sceneweb.fr

Plutôt vomir que faillir de Rébecca Chaillon
Avec Chara Afouhouye, Zakary Bairi, Mélodie Lauret et Anthony Martine

Création sonore Élisa Monteil
Dramaturgie Céline Champinot
Assistanat à la mise en scène Jojo Armaing
Création lumière et régie générale Suzanne Péchenart
Scénographie Shehrazad Dermé
Régie lumières Myriam Bertin
Régie son Jenny Charreton
Régie plateau Marianne Joffre

Production déléguée CDN Besançon, Franche-Comté

Coproduction Compagnie Dans le ventre, TPR – Centre neuchâtelois des arts vivants – La Chaux-de-Fonds, Maison de la Culture d’Amiens, Le Maillon Théâtre de Strasbourg – Scène européenne, Théâtre du Beauvaisis – Scène nationale, Le Phénix – Scène nationale de Valenciennes, Centre dramatique national Orléans/Centre Val-de-Loire, Le Carreau du Temple – Établissement culturel et sportif de la Ville de Paris

Avec le soutien de la DRAC Hauts-de-France dans le cadre de l’aide à la création.

Avec le soutien de la Région Hauts-de-France.

Durée 2h

vu en 2023

Du 18 au 22 décembre 2024
Théâtre 13, Paris

Le 9 janvier 2025
Manufacture de Bordeaux, Bordeaux

Du 14 au 17 janvier 2025
Théâtre de la Croix Rousse, Lyon

Du 23 au 25 janvier 2025
Théâtre 71, Scène Nationale de Malakoff, Malakoff

Le 4 février 2025
La Garance, Scène Nationale de Chateauvallon, Chateauvallon

Du 26 février au 1er mars 2025
Théâtre Espace L’espal, Le Mans

Du 11 au 13 mars 2025
Le Quartz, Scène Nationale de Brest

Du 18 au 21 mars 2025
Théâtre Unique de Nantes, Nantes

Les 27 et 28 mars 2025
Théâtre de l’Aire Libre, Saint Jean du Tertre, Rennes

Les 2 et 3 avril 2025
Scènes Croisées de Lozère, Mende

9 décembre 2022/par Marie Plantin
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