Au fil d’une espèce de stand-up équestre, Bertrand Bossard nous raconte la relation qu’il a nouée avec Akira, son cheval. Un honnête travail, même si davantage de poésie aurait été bienvenue.
C’est l’histoire d’un mec qui vient avec son cheval, qui parle de lui, qui parle de son cheval, et qui parle de lui avec son cheval (en gros). Le mec s’appelle Bertrand Bossard ; le cheval, Akira. L’un a l’allure de monsieur Tout-le-Monde : c’est un acteur, un auteur, un metteur en scène, un stand-upper (voire un stand-upper équestre). L’autre est imposant pur sang lusitanien à la robe grise : un cheval dressé pour les planches de théâtre. Bertrand Bossard et Akira forment un duo depuis une douzaine d’années ; duo que l’on découvre en pénétrant dans la salle. L’animal arpente le plateau nu. L’acteur est en scelle, fringante chemise hawaïenne sur les épaules. Blagueur, il harangue le public. Incite les spectateurs à prendre leur temps. Repère les places restantes dans les gradins. C’est bon ? On y est ? Les téléphones sont éteints ?
Alors voilà : au fil des années, et à l’occasion de leurs entraînements et créations, Bertrand Bossard a noué une relation toute particulière avec son cheval, naturellement ; une relation comme peuvent l’être celles que l’on tisse parfois avec les animaux : complices, empathiques, loyales, fusionnelles. Différentes d’une relation humaine, puisque tout se joue dans le non-dit, et que l’altérité y est encore plus abyssale. Différentes, aussi, parce que ces animaux-là vivent moins longtemps que nous. L’acteur s’amusera à le répéter : un an pour un homme équivaut à trois ans pour un cheval. Ainsi, pour la première et dernière fois de leur vie, Akira et lui ont le même âge (et en mesure de se comprendre comme jamais auparavant). Le ton est donné… Place à l’autodérision (toujours louable). Place à l’exagération (toujours sympathique). Avec un brin sentimentalité.
Bertrand Bossard nous fait voir une vidéo retraçant leur histoire commune, kitschissime, façon soirée de mariage. Il mime la conception de la bête (un poil gênant), brosse le portrait de ses géniteurs, évoque son dressage, esquisse son caractère (paresseux, apparemment). Parcours qu’il télescope avec le sien, celui d’un enfant travaillé par un sacré tropisme équestre, un acteur cherchant sa voie à la quarantaine, un homme se trouvant par l’intermédiaire d’un cheval.
C’est assez drôle, et plutôt touchant. Mais cela pourrait l’être bien davantage. Quelque chose en nous résiste à ce spectacle, lequel est a priori plutôt bien fichu (le public semble d’ailleurs conquis). Quelque chose qui mérite réflexion… Alors nous avons réfléchi… Si le jeu et le discours de Bertrand Bossard sonnent faux, c’est que l’artiste endosse le rôle qu’il pense convenir à tout le monde ; un rôle mâtiné dans l’univers de la télé des années 90 (façon Jamy dans C’est pas sorcier), avec ses références plombantes, ses mines outrées, et son humour fait de punchlines.
Et c’est dommage, car l’artiste est capable de poésie. À la fin du spectacle, par exemple, il raconte comme le cheval guide le cavalier aveuglé par l’obscurité dans la forêt. C’est sincère, joliment écrit, et joliment mis en scène, avec cette lumière des projecteurs qui décline, le son des sabots qui persiste sur le plateau. L’illustration est simple, parfaite. On aimerait en avoir vu davantage. La prochaine fois peut-être ?
Igor Hansen-Løve — sceneweb.fr
Plusieurs
Idée originale Bertrand BossardInterprétation Bertrand Bossard et Akira
Texte, mise en scène et dramaturgie Bertrand Bossard, Maxime Mikolajczak, Olivier Veillon
Groom Maëlle Dreveton Severine Deperois
Scénographie Leah Chalupt Clavel
Création lumières Bertrand Blayo
Création sonore Philippe Boinon et Guillaume Rouan
Création vidéo Jean-Christophe Aubert
Régisseur général et plateau Sylvain Vassas Cherel
Centaurisation de Bertrand Bossard et Akira Camille et Manolo — Théâtre du centaure
Conseillers voltige Nolwen, Calou
Logistique Charlotte Grünspan
Administration compagnie b.initials Clara Chalou
Durée : 1 h 15
TAP, Théâtre Auditorium de Poitiers, Scène nationale
les 22 au 23 mai 2024Théâtre d’Orléans, Scène nationale
les 6 et 7 juin 2024Théâtre de la ville (Abbesses)
du 10 au 22 juin 2024
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