Quatre chorégraphes aux écritures singulières et multiples se partagent l’affiche. Thomas Hauert poursuit, au fil de ses créations, un travail polyphonique basé sur l’improvisation à même de faire émerger l’ordre du désordre, la forme de l’informe, le groupe à partir des individus. Ses chorégraphies révèlent un microcosme dans lequel les interprètes négocient en permanence leur liberté et leur créativité avec la volonté de se relier aux autres. Cette même tension habite Record of ancient things, du duo maison Petter Jacobsson et Thomas Caley. Au sein d’un espace lumineux et diaphane devenu théâtre, night-club et arène, les danseurs – aux velléités d’indépendance mais incontestablement liés les uns aux autres – naviguent à travers les règles d’un jeu composé de trois scénarios chorégraphiques. Entre ces deux pièces pour grand ensemble, c’est l’occasion de découvrir l’intime Transparent Monster de Saburo Teshigawara, figure tutélaire de la danse contemporaine japonaise. Ce trio d’une sobriété percutante s’inspire d’étranges créatures ailées mi-anges mi-démons.
La Suite de Valses, op.110, de Serge Prokofiev est une œuvre étrange dans le répertoire de musique orchestrale. Elle est un assemblage de six valses extraites de trois œuvres composées indépendamment, notamment du ballet Cendrillon, de l’opéra Guerre et Paix et de la musique du film Lermontov. Chaque valse est en soi très riche en invention mélodique et en variation dynamique, elles sont harmoniquement sophistiquées et brillamment orchestrées – pourtant les six valses entendues l’une après l’autre font que ces qualités tendent à se noyer dans le continuum du mouvement tournant des valses et l’auditeur risque de devenir indifférent vis à vis de cette abondance d’exubérance. Sans doute une des raisons pour laquelle la suite apparait rarement dans les programmes des salles de concert et il existe que peu d’enregistrements intégrales. Flot se sert de l’enregistrement, (ici par l’Orchestre Symphonique de São Paulo sous la direction de Marin Alsop), comme matière première musicale. La danse se nourrit de la musique, puise dans cette somptueuse source de mouvement, d’énergie, de dynamiques, de rythmes et intègre ses atmosphères et les espaces qu’elle suggère. En même temps, la chorégraphie prend la liberté de restructurer la musique, de lui imposer une forme qui émerge de la danse, du spectacle pluridisciplinaire – la musique est manipulée en tant qu’élément dramaturgique.
Déployant un réseau complexe de mouvements connectés dans le temps et l’espace, le langage chorégraphique de Thomas Hauert pourrait être perçu comme un prolongement de la tradition de la danse abstraite. Pourtant, son « écriture » fortement polyphonique vient au jour sur scène par l’improvisation. La matrice de la pièce est une chorégraphie qui se déploie sans l’intervention d’une autorité centrale. Elle forme un système intégré dynamique au comportement imprévisible, au sein duquel certains danseurs initient un mouvement et d’autres réagissent à celui-ci, cette réaction déclenchant un autre mouvement à l’intérieur de la même structure ou initiant un tout nouveau développement. Puisant dans un répertoire partagé de principes physiques incorporés durant le processus de création, les danseurs sont responsables de l’invention et de l’exécution de leur propre mouvement sur scène, mais aussi de la création et du développement de structures de groupe. Ils doivent adapter leur rôle individuel au sein d’une constellation dynamique dont les mécanismes se transforment en permanence. Ils visent à faire émerger l’ordre à partir du désordre, la forme à partir de l’informe, un groupe à partir d’individus, tout en tirant parti de la qualité exceptionnelle de perception, d’attention et de concentration rendue possible par l’improvisation.
RECORD OF ANCIENT THINGS [CRÉATION 2017]
Chorégraphie : Petter Jacobsson et Thomas Caley
Musique : Peter Rehberg
Chorégraphie et scénographie : Petter Jacobsson et Thomas Caley
Musique : Peter Rehberg
Lumières : Eric Wurtz
Costumes : Petter Jacobsson et Thomas Caley avec l’atelier costume du CCN – Ballet de Lorraine
Production : CCN – Ballet de Lorraine
40 MINUTES
20 DANSEURSTRANSPARENT MONSTER [CRÉATION 2018]
Chorégraphie : Saburo Teshigawara
Collaboration artistique : Rihoko Sato
Musique : Debussy, Schubert, Bach
Création le 16 février 2018 à la BAM de Metz
Reprise à l’Opéra national de Lorraine le 14 novembre 2018
20 MINUTES
3 DANSEURSFLOT (CRÉATION)
Chorégraphie : Thomas Hauert
Musique : Suite de Valses, op.110, de Serge ProkofievChorégraphie : Thomas Hauert
Musique : Suite de Valses, op.110, de Serge Prokofiev
Interprété par l’Orchestre Symphonique de Sao Paulo – Chef : Marin Alsop
Lumières : Bert Van Dijck
Scénographie et costumes : Anne Masson et Eric Chevalier
Son : Bart Celis
30-40 MINUTES ENVIRON
24 DANSEURSOpéra national de Lorraine
Mercredi 14 novembre 2018 à 20h
Jeudi 15 novembre 2018 à 20h
Vendredi 16 novembre 2018 à 20h
Dimanche 18 novembre 2018 à 15h
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