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Pinocchio(live)#2, puissance et trouble

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Alice Laloy crée Pinocchio(live)#2 au Festival d'Avignon 2021
Alice Laloy crée Pinocchio(live)#2 au Festival d'Avignon 2021

Photo Christophe Raynaud de Lage

Alice Laloy signe un spectacle magistral par sa maîtrise et par son trouble fertile. Réunissant des enfants et de jeunes adultes comédiens, cette pièce sans paroles explore l’ambivalence de la métamorphose à travers la figure de Pinocchio.

Si l’on fait un tour sur les archives du spectacle, l’on constate à quel point Pinocchio fait les belles heures du théâtre. Qu’il s’agisse du texte original de Carlo Collodi (écrit entre 1880 et 1883 et paru initialement dans un journal sous la forme d’un feuilleton), de la version de l’auteur et metteur en scène Joël Pommerat ou d’autres, les adaptations en sont nombreuses. Dans ce paysage, Pinocchio(live)#2 apparaît assurément comme un objet singulier. Loin de prendre en charge le récit des pérégrinations de ce petit pantin tenaillé par le désir de devenir un enfant, l’autrice et metteuse en scène Alice Laloy choisit, plutôt, de prendre à bras-le-corps la question de la transformation – centrale dans le conte – en la retournant. Une création d’abord née d’un projet photographique et qui connaît depuis divers prolongements, sous forme de photographies ou de performances. Après une première version créée en 2019, Pinocchio(live)#2 réunit dix enfants danseurs du Centre chorégraphique de Strasbourg, deux adolescents musiciens, et dix comédiens, élèves au conservatoire de Colmar.

Tandis que les spectateurs prennent place dans la salle agencée selon un dispositif en bi-frontal, un bruit résonne au lointain, évoquant une sorte de crécelle. Bientôt, une rumeur allant s’amplifiant de jeux et de cris d’enfants s’y adjoint, ainsi que des battements de cœur. C’est la vie même qui entre alors en scène, avec l’arrivée joyeuse, délurée, débordante d’une bande de gamins. Juchés pour certains sur un compresseur à roulettes, suivant pour d’autres cette procession réjouissante, ces filles et garçons vêtus simplement, comme le sont les enfants d’aujourd’hui, sont suivis de près par deux musiciens. Pendant quelques instants ils se livrent à leurs jeux, avant que ceux-ci ne soient interrompus par l’un des musiciens : ce dernier entrant en scène avec des bassines toutes accrochées à un bâton, les enfants se battent pour elles. Chacun se saisit d’une, et tous quittent alors le plateau en courant, laissant seul l’étrange duo aux vagues allures de ménestrels.

La percussionniste sonne alors une cloche, annonce du début d’un autre ballet. Par la même coulisse que les enfants, c’est, cette fois, une dizaine d’adultes qui pénètre le plateau. Exit l’atmosphère d’allégresse et de gaieté et la musique elle-même va soutenir l’installation d’un climat poisseux, d’où sourd une angoisse tenace. À la file indienne, chacun poussant un drôle de barda, ces personnages aux visages placides font le tour de la scène d’un pas lent et cadencé. Ils nous dévisagent avec insistance et prennent place. Tout, dans leur costumes – pantalons noirs, chaussures type rangers fixées sur des hautes semelles de bois, blouse de travail ample et longue de couleur vert bouteille, outils rangés dans des sacs de cuir fixés à leur ceinture, etc. – nous indique qu’il s’agirait d’ouvriers, de manutentionnaires à la fonction mystérieuse. Chacun déplie alors son chargement et se lance dans le montage de ce qui s’avère un établi, sous le regard et l’accompagnement des deux percussionnistes.

Cette opération effectuée, ils refont le tour de la scène en poussant leur établi, avant d’accueillir les enfants. Mais l’entrée des gamins n’a plus rien à voir avec la précédente. La joie communicative comme le sentiment de découvrir un collectif constitué d’individus singuliers a disparu. À la file indienne, vêtus d’un bonnet et d’un étrange body blancs, les articulations des jambes et des bras entourées de bandelettes, comme s’ils s’apprêtaient à subir une opération, les enfants attendent le visage grave. Chaque adulte en assied un sur son établi pour, à nouveau, faire le tour de la scène. Un jeu de regard se met en place, chaque enfant nous observant, confiant, et échangeant également des regards complices avec l’adulte qui le mène. Puis, une fois chaque couple installé, le travail débute dans l’espace dont l’allure est désormais celle d’un étrange bloc opératoire. Nous assistons à l’opération de transformation individuelle et collective de ces petits corps, devenus aussi mous et relâchés que ceux de pantins inarticulés. Collective, car tous les enfants seront au final grimés de la même manière, en suivant un protocole précis : peinture de leurs membres et de leur visage, adjonction des yeux, maquillage de la bouche, révélation de leur costume, ajouts de ficelles à leur articulation en vue de les animer, etc. Individuelle, car chaque ouvrier a une part relative d’autonomie dans son ouvrage et vient parfois aider son voisin.

L’on pourrait ainsi continuer de détailler par le menu l’ensemble du spectacle, tant ce travail de mémoire propre à l’écriture réactive la puissance de ce projet – qui en nous donnant à voir ce qui habituellement nous échappe (la fabrication de marionnettes) livre une stimulante réflexion sur ce que notre monde fait à l’enfance. L’on décrirait, ainsi, scrupuleusement la suite des étapes : les interventions ponctuelles du duo de musiciens accompagnant de leurs regards et présence les artisans, les harangues de la percussionniste rigolarde aux spectateurs sur leur participation « à l’expérience Pinocchio Live dans sa deuxième version », l’animation progressive des pantins par leur créateur, puis, de manière autonome, sous le regard impassible des adultes, jusqu’au final où les enfants redeviennent eux-mêmes.

L’on préférera s’en tenir à ce que produit ce Pinocchio(live)#2 – qui dans le palmarès inévitable que crée le Festival d’Avignon tient l’une des premières places. Soit une fascination mêlée d’un trouble insondable, face à un objet aussi maîtrisé formellement – qu’il s’agisse de la création lumière, sonore, de la direction d’acteurs, de la scénographie comme de la mise en scène –, qu’énigmatique par certains aspects. Rien d’univoque dans cette œuvre et face à ses béances fertiles, le trouble point. Si ce monde nous semble éloigné du nôtre, il s’y lit possiblement par le renversement de l’histoire de Pinocchio une histoire de notre monde. Celle de sociétés où la domestication des enfants est savamment orchestrée par les adultes, comme par les structures dans lesquels ils évoluent. C’est à cela que nous assistons à travers l’effacement des visages, l’annihilation de l’humain, la manipulation par des ficelles.

Cette disparition des individus au profit de la production en série de pantins tous identiques en arrivant à se mouvoir par eux-mêmes – sortes de singes savants – nous rappelle à quel point l’éducation, la sociabilisation, induisent la normalisation. Pour autant, rien de moraliste là-dedans et comme le rappelle les échanges de regards entre tous, comme l’obtention initiale des cuvettes par les enfants – qui serviront ensuite à retrouver visage humain –, eux-mêmes sont confiants et acceptent de se prêter à cette expérimentation. Et si l’on en croit le final, émouvant et puissant, où guidé avec une infinie douceur par les adultes chacun quitte son Pinocchio, tout cela n’était qu’un jeu. Une expérience, balisée et circonscrite à la durée de la représentation. Ah oui, vraiment ?

Caroline Châtelet – www.sceneweb.fr

Pinocchio(live)#2
Conception et mise en scène Alice Laloy
Avec les enfants danseurs du Centre chorégraphique de Strasbourg Pierre Battaglia, Stefania Gkolapi, Martha Havlicek, Romane Lacroix, Maxime Levytskyy, Rose Maillot, Charlotte Obringer, Nilsu Ozgun, Anaïs Rey-Tregan, Edgar Ruiz Suri, Sarah Steffanus, Nayla Sayde, et les élèves de la classe d’art dramatique du Conservatoire de Colmar Alice Amalbert, Jeanne Bouscarle, Quentin Brucker, Esther Gillet, Léon Leckler, Mathilde Louazel, Antonio Maïka, Jean-Baptiste Mazzucchelli, Louise Miran, Valentina Papic, Nina Roth, Raphaël Willems, et Norah Durieux, Elliott Sauvion Laloy
Composition sonore Eric Recordier
Chorégraphie Cécile Laloy assistée de Claire Hurpeau
Conseil et regard contorsion Lise Pauton et Lucille Chalopin
Scénographie Jane Joyet
Costumes Oria Steenkiste, Cathy Launois, Maya-Lune Thieblemont
Accessoires Benjamin Hautin, Maya-Lune Thieblemont, Antonin Bouvret

Production Compagnie S’Appelle Reviens, Centre chorégraphique de Strasbourg
Coproduction Comédie de Colmar Centre dramatique national Grand Est Alsace, Festival Paris l’Été, Théâtre national populaire de Villeurbanne, Le Manège Scène nationale de Reims, Théâtre jeune public Centre dramatique national Strasbourg Grand Est
Avec l’aide des ateliers de construction du Théâtre national populaire de Villeurbanne pour la construction des établis et du lycée Paul Poiret de Paris (étudiants de Véronique Coquard et Maryse Alexandre) pour la confection des costumes.

La Compagnie S’Appelle Reviens est conventionnée par la Drac Grand Est et la Région Grand Est.

Durée : 1h10

Festival d’Avignon 2021
Gymnase du Lycée Saint-Joseph
du 8 au 12 juillet 2021

Festival Paris l’été
du 16 au 21 juillet

Comédie de Colmar
les 12 et 13 novembre

La Manufacture CDN Nancy-Lorraine
les 26 et 27 novembre

Strasbourg – TJP
les 11 er 12 mars 2022

Malakoff Scène nationale
les 18 et 19 mars

Espace des Arts, Chalon-sur-Saône
les 1er et 2 avril

Théâtre National Populaire, Villeurbanne
du 12 au 14 avril

11 juillet 2021/par Caroline Chatelet
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