Le dramaturge et écrivain Pierre Notte a été mis en examen pour le viol de l’un de ses anciens élèves de théâtre au lycée de 2004 à 2005, qu’il réfute en arguant d’une véritable « histoire d’amour » avec l’adolescent.
Ce dossier de la vague #MeToo appliqué au théâtre, révélé lundi par Libération, a donné lieu à une garde à vue fin avril et à une confrontation filmée entre le metteur en scène de 54 ans, réputé et primé, et le plaignant, un auteur âgé de 37 ans aujourd’hui.
Selon une source proche du dossier à l’AFP, confirmée par le parquet de Paris, l’ex-secrétaire général de la Comédie française a été mis en examen le 25 avril et placé sous contrôle judiciaire pour « viol sur mineur en abusant de la qualité que lui confère sa fonction » entre mars 2004 et janvier 2005, alors que le plaignant avait 17 ans. « Pierre Notte conteste fermement les accusations portées à son encontre. Il s’en remet pleinement aux services judiciaires, en lesquels il a toute confiance », a répondu à l’AFP son avocat, Jean-Baptiste Riolacci. Dans un e-mail adressé à Libération, Pierre Notte s’est dit « anéanti par la situation », affirmant avoir vécu « une histoire d’amour » où Alban K. n’était « ni terrorisé, ni impressionné, ni contraint, ni forcé, ni soumis ».
Elève « fragile »
Au moment des faits reprochés, Alban K. suivait l’option théâtre animée par Pierre Notte dans un lycée de région parisienne. Sa plainte, déposée avec constitution de partie civile en septembre 2022 et dont l’AFP a eu connaissance, décrit un élève « isolé et fragile », victime de harcèlement et souffrant de l’état de santé d’un père malade. Dans ce contexte, les cours de Pierre Notte l’ « émerveillent », confie Alban K. à l’AFP. « Au tout début, j’avais une image très positive de lui, ouvert, gentil curieux, protecteur ».
Après un voyage scolaire en février 2004, l’adolescent propose à son professeur un rendez-vous dans un café, mais Pierre Notte l’emmène chez lui. Alban K. y décrit une première agression sexuelle. Il se retrouve confronté « à une sexualité qui le dépasse, le choque et le dégoûte » lors de « rencontres hebdomadaires et pendant les vacances scolaires », affirme la plainte. Alban K. se souvient avoir été « effrayé » par l’enseignant, « un vrai despote ». « J’étais conditionné à devoir lui prouver que je l’aimais, qu’il était le meilleur, sinon il menaçait de se suicider ». Alban rompt en 2010, puis part vivre au Canada
Pierre Notte a été placé sous le statut plus favorable de témoin assisté pour viol conjugal de 2005 à 2011, d’après la source proche du dossier.
« Décalage total »
Représenté par Mes Léa Forestier et Alix Aubenas, Alban K. déposera une première plainte en décembre 2021, écoeuré par « l’impunité » de Pierre Notte. Alors associé du Théâtre du Rond-Point de 2009 à 2022, ce dernier produit une pièce « se réclamant du mouvement MeToo »: « Je te pardonne (Harvey Weinstein) ».
Pour le plaignant, son « impunité » se nourrit aussi du récit autobiographique « Quitter le rang des assassins » (édition Gallimard, avril 2018). Pierre Notte y raconte l’histoire d’un personnage, « Not », qui « joue les saints » mais « tisse en maître la toile de son rapt de séduction » sur un jeune dont il loue le « corps d’enfant », selon ses propres mots.
« Le réel ne lui suffit pas, il faut en plus l’écrire, le publier et en faire la publicité », s’indigne auprès de l’AFP Alban K.
La plainte cite également le journal du dramaturge, où il appelle l’adolescent « mon prince ».
Cette vénération est « en décalage total » avec ce qu’Alban K. affirme avoir vécu: « il décidait même de quand, et comment, je devais me laver, ne supportait pas que j’en prenne l’initiative ».
Après la rupture, le souvenir de Pierre Notte lui provoque des crises d’angoisse. Cette « peur s’évanouit », dit-il, lors de leur confrontation. « Je pensais que j’allais m’effondrer, mais c’est une colère froide qui s’est manifestée pendant quatre heures. J’ai pu répondre de manière très rationnelle à ses aberrations », affirme Alban K.
L’entourage de Pierre Notte intéresse aussi les enquêteurs, notamment un ami: il est accusé d’avoir prêté son appartement à M. Notte, d’avoir dissuadé l’adolescent de révéler cette relation à d’autres adultes… tout en lui apportant écoute et parfois soutien. Selon une source proche de l’enquête, cet ami a été « mis hors de cause à ce stade ».
© Agence France-Presse
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