Pister les créatures fabuleuses est un solo peuplé d’animaux, adapté d’une conférence jeune public du philosophe Baptiste Morizot. C’est une passionnante immersion en milieu animalier sur la trace de nos voisins de toutes espèces. Pauline Ringeade parvient brillamment à théâtraliser cette matière enthousiasmante, délectable pour la pensée et l’imaginaire à part égale. Attention, pépite !
Ne vous fiez pas à son titre, ce spectacle n’a rien d’un conte fantastique et si vous espérez y croiser dragons et merveilles, elfes et licornes, passez votre chemin. Aucune chimère ne foule ses contrées narratives. Pister les créatures fabuleuses s’attache à ne parler que de ce qui existe vraiment mais on l’oublie trop souvent, le vivant est passionnant, et les animaux qui nous entourent, de près ou de loin, ont beaucoup à nous révéler.
Pauline Ringeade a eu du flair en s’emparant d’une conférence philosophique à destination du jeune public de Baptiste Morizot, philosophe et… pisteur. Le propos de ce chercheur préoccupé par la relation de l’humain avec le vivant est exaltant, que l’on soit petit ou grand, et il y a là une matière à théâtre extraordinaire dont la metteuse en scène extrait tout le potentiel. Sans jamais tenter d’illustrer la présence des animaux évoqués ni leur milieu naturel, elle choisit d’assumer le plateau de théâtre, de respecter l’invisibilité relative des bêtes, leur propension à se dérober à notre regard, et opte pour une évocation et spatialisation par le son, que celui-ci soit diffusé (remarquable création sonore réalisée par Géraldine Foucault) ou fabriqué en direct par la comédienne au plateau, armée de micros, clairons et objets en tout genre qu’elle manipule pour en extraire les sonorités.
L’immersion est totale, les sensations garanties, c’est tout un paysage sonore qui se construit, on se croirait en forêt sur un lit de mousse et de feuilles ou les pieds dans l’eau au bord d’une rivière, alors que rien mais alors rien, visuellement, ne le laisse penser. La dramaturgie ne cherche pas à nous faire croire, elle met à nu le dispositif et la scénographie, nullement réaliste, tend à nous entraîner dans un studio de bruitage tout autant qu’un espace totalement inventé, conçu de toute pièce comme une cartographie des lieux traversés et des trajectoires effectuées à la fois physiquement, sur la piste des animaux, et mentalement, par le jeu des hypothèses et conclusions échafaudées.
On navigue, de découverte en découverte, éberlué, fasciné, transporté par l’inénarrable bagout d’Eléonore Auzou-Connes, interprète époustouflante, intermédiaire idéal à ces pérégrinations philosophiques de terrain. Celle qui est fabuleuse ici, c’est bien elle. A la seconde où elle entre en scène et s’adresse au public, on est happé. On ne la lâchera pas d’une semelle. Son interprétation est un régal. Pas une seconde, on n’a le sentiment d’assister à une conférence mise en scène tant elle s’approprie le texte, en joue, arpente l’espace, sac au dos, baskets au pied, aventurière philosophe, exploratrice détective, relais lumineux entre nous et la nature. On ressort de ce spectacle plus intelligent, le regard et l’écoute régénérés, notre attention renouvelée. Plus jamais on n’appréhendera les traces comme avant.
Marie Plantin – www.sceneweb.fr
Pister les créatures fabuleuses
avec Éléonore Auzou-Connes
texte Baptiste Morizot
mise en scène et adaptation Pauline Ringeade
dramaturgie Marion Platevoet
création sonore Géraldine Foucault
costumes Aude Bretagne
scénographie Floriane Jan, Cerise Guyon
construction du décor Clément Debras, Simon Jerez
création et régie lumière Fanny Perreau
conseil bruitages Sophie Bissantz
régie son, régie générale Laurent Mathias
administration de production Laure Woelfli, Victor Hocquet
développement compagnie, diffusion Florence Bourgeon
production L’iMaGiNaRiuM
coproduction Le Nouveau Relax – Scène conventionnée d’intérêt national de Chaumont, Comédie de Colmar – Centre dramatique national Grand Est Alsace, La Manufacture – Centre Dramatique National Nancy Lorraine, Nouveau théâtre de Montreuil – CDN, Théâtre d’Angoulême – Scène nationale, TJP – Centre Dramatique National Strasbourg-Grand Est, Théâtre La passerelle – Scène Nationale de Gap et des Alpes du Sud, Les Deux Scènes – scène
Nationale de Besançon soutiens TAPS – Théâtre Actuel et Public de Strasbourg, DRAC Grand
Est, Ville de StrasbourgA partir de 7 ans
Durée : 1h10 ➔ 19 déc 2024
Théâtre Silvia Monfort, Paris11 ➔ 15 févr 2025
La Comédie de St Etienne, CDN21 févr 2025
Théâtre les Arts, Ville de Cluny13 ➔ 15 mars 2025
Les Passerelles, Pontault-Combault1er avril 2025
Curieux Festival, Le Point d’Eau, Ostwald17 ➔ 23 avril 2025
L’Hexagone, Scène Nationale de Meylan20 ➔ 22 mai 2025
Le Moulin du Roc, Scène nationale de Niort
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