La directrice du Méta, Pascale Daniel-Lacombe, met en scène la jolie comédie chorale crépusculaire de Rasmus Lindberg.
Dan Då Dan Dog. Ce titre, qui s’impose comme un périlleux exercice d’élocution – type « les chaussettes de l’archiduchesse sont-elles sèches, archisèches ? » –, reflète l’esprit roublard de Rasmus Lindberg, un auteur suédois de 42 ans, assez peu connu sous nos douces latitudes ; raison pour laquelle, peut-être, Pascale Daniel-Lacombe et sa dramaturge Marianne Ségol-Samoy ont préféré ne pas le traduire. En réalité, Dan Då Dan Dog signifie prosaïquement : le jour où le chien nommé jour est mort. Et c’est bien de cela qu’il s’agit. De la mort d’un chien. Puis de la mort tout court. Et, au passage, des tribulations de sept personnages dépossédés de leur volonté, englués dans leur quotidien, minés par les regrets et leur incapacité à dire les choses simplement – une éternelle tare nordique.
On y croise, entre autres, une grand-mère assoiffée d’ailleurs, mais terrassée par un cancer généralisé, une ado amourachée d’un jeune médecin, mais poursuivie par son ex hystérique et armé, un pasteur excentrique, mais contraint à l’austérité par sa fonction, et ce chien, donc, Sunny (très poilu), qui entraînera tout ce beau monde dans sa chute. Sans que l’on sache vraiment s’il faut rire ou pleurer, car si le jour qui ne se lève jamais, la pulsion de vie et le burlesque bousculent la mélancolie et le tragique. Dans le Grand Nord, on n’a pas de lumière, mais on a de l’humour (noir). Voilà, dans les grandes lignes, l’étrange pièce qu’a choisie Pascale Daniel-Lacombe pour sa première mise en scène en tant que directrice du Méta, le CDN de Poitiers. Laquelle fut accueillie par un public jeune, une salle comble et un tonnerre d’applaudissements. Et dopée peut-être aussi par ses deux représentations (seulement) au Centre d’Animation Beaulieu, avant une tournée que l’on espère conséquente.
De toute évidence, la metteuse en scène parle couramment le Lindberg. Signalons d’abord de belles trouvailles de mise en scène – certainement inspirées par des moyens de production que l’on devine raisonnables – comme ce fauteuil tournoyant pour signifier le temps qui passe, cette serpillière animée pour montrer un chien indomptable, ou encore cette tasse de café sans fond pour pointer les addictions de l’un de ses personnages. Pascale Daniel-Lacombe opte pour une esthétique cartoonesque, projetant ses personnages empêchés dans une scénographie coulissante et bien pensée. Le résultat est tonique et enlevé. Et le décalage avec l’atmosphère crépusculaire des clichés nordiques plutôt singulier. Notons également la belle performance de la jeune Mathilde Viseux, repérée dans Parloir de Delphine Hecquet, qui s’impose comme une grande comédienne, décidément.
Le texte de Rasmus Lindberg nous aura moins convaincus tout de même. Efficace et doté d’un sacré sens du plateau, le Suédois reste un peu en surface des personnages, trop simplement esquissés, et ne fait qu’effleurer les sujets qu’il aborde – sans que l’on sache vraiment où il veut en venir d’ailleurs. C’est un théâtre de situations, certes, mais son auteur aurait pu chercher à nous remuer davantage et nous en dire plus sur le monde, ou la Suède, ou sa région, ou son chien. Qu’importe, ce Dan Då Dan Dog nous aura laissé de belles images de théâtre, à commencer par la dernière : un moment de grâce suspendu si beau que l’on ne le révèlera pas.
Igor Hansen-Løve – www.sceneweb.fr
Dan Då Dan Dog
Texte Rasmus Lindberg
Traduction Marianne Segol-Samoy, Karin Serres
Mise en scène Pascale Daniel-Lacombe
Avec Mathilde Viseux, Etienne Bories, Jean-Baptiste Szezot, Mathilde Panis, Etienne Kimes, Ludovic Schoendoerffer, Elsa Moulineau
Dramaturgie Marianne Segol-Samoy
Assistanat à la mise en scène Juliet Darremont-Marsaud
Scénographie Pascale Daniel-Lacombe, Philippe Casaban et Eric Charbeau
Création lumière Thierry Fratissier, assisté de Manon Vergotte
Création sonore Clément-Marie Matthieu
Composition musicale Pascal Gaigne
Soutien chorégraphique Compagnie Ex-Nihilo, Jean-Antoine Bigot, Anne Le Batard
Régie générale Matthieu Duval
Régie plateau Chloé Chatham-Lawrence, Matthieu Duval, Jean-Philippe Boule en alternance.
Régie lumière Manon Vergotte
Création costumes Béatrice Ferron
Fabrication décor Ateliers du Théâtre de L’Union – CDN LimogesProduction déléguée Le Méta – CDN de Poitiers Nouvelle-Aquitaine
Coproduction Théâtre de Lorient – CDN ; Théâtre de L’Union – CDN Limoges
Soutiens Le Préau CDN de Normandie – Vire ; TAP – Théâtre Auditorium de Poitiers Scène Nationale ; Le Moulin du Roc – Scène Nationale à Niort ; Scène Nationale du Sud-Aquitain – Bayonne ; Centre d’Animation de BeaulieuAvec le soutien du Fonds d’insertion de l’Éstba financé par la Région Nouvelle-Aquitaine et la DRAC Nouvelle-Aquitaine
Durée : 1h30
Vu en janvier 2023 au Méta, CDN de Poitiers
T2G, Théâtre de Gennevilliers, CDN
du 13 au 17 mars 2025Théâtre de Lorient, CDN
les 29 et 30 avrilLe NEST Théâtre, CDN de Thionville
le 13 mai
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