Leader du théâtre expérimental américain, Richard Maxwell met en scène un 4×4, un robot et quatre survivants hagards dans Paradiso, une performance arty entre fable post-apocalyptique et méditation oiseuse.
Directeur des Amandiers à Nanterre, Philippe Quesne est quasiment le seul à présenter en France le travail de Richard Maxwell, avec le Théâtre Garonne où le dramaturge est artiste associé. En 2016, il faisait découvrir, avec le festival d’automne, The Evening, une pièce qui s’inscrivait dans un triptyque inspiré par La Divine Comédie et dont Paradiso, créé en début d’année à New York, est l’intrigante conclusion. Chose étonnante : Maxwell avoue ne pas avoir lu l’oeuvre dans son intégralité et ne pas être spécialement attiré par elle. D’où une sorte de flou dantesque quant aux liens établis entre les pièces et l’ouvrage de référence. Dans le dernier opus, trois personnages ordinaires, une serveuse, un boxeur et son entraîneur véreux, tenaient place dans l’exiguïté d’un bar miteux et reculé de l’Amérique profonde. Un groupe de musicos enchaînait les morceaux avec une nonchalante coolitude. Les protagonistes ressassaient leur névroses et leurs aspirations. Et puis, à la fin, le décor hyperréaliste disparaissait soudainement pour dévoiler un large espace, tout blanc, nimbé de bouffées de brume qui permettait l’échappée tant désirée de l’héroïne.
En pénétrant sur le sol blanc et nu de l’espace semi-circulaire, lumineux, silencieux, totalement dégagé de Paradiso, on se souvient de cette belle et surprenante fin de The Evening. On pense que Maxwell aussi change d’univers, s’extrait cette fois d’une représentation méticuleuse de la réalité du quotidien et s’évade vers l’abstraction totale d’un monde vierge à conquérir.
Et puis, apparaît une grosse bagnole qui manœuvre et se stationne au milieu du vide immaculé. Quatre individus en mode zombis affligés en sortiront. Mais, avant eux, un insolite robot sur roulettes joue au Maître de cérémonie. Le discours est abscons mais semble vouloir prévenir d’une catastrophe advenue, ce que confirmeront les longues prises de parole des personnages portant sur les thèmes de la finitude et de l’indétermination.
Dans cette représentation très économe voire minimale, le geste complète le mot. Alors, tout en lenteur, les corps chorégraphiés traduisent l’effort et l’épuisement, l’épreuve et l’entraide, le froid, la soif. Alors que le dépouillement total est de mise sur le plateau, le mouvement semble presque trop illustratif pour dépeindre une humanité fragile mais débrouillarde.
Au moment où même la question de la survie n’est plus de mise et qu’il n’est plus possible de croire en rien, il reste à disserter sur l’amour selon Maxwell, une réponse plutôt naïve apportée par une performance mélancolique un peu vaine. Passée cette parenthèse stagnante où ne semble apparemment pas se vivre quelque chose de franchement déterminant, la voiture redémarre et et rebrousse chemin. Le spectateur, lui aussi, repart comme il est arrivé, ni chamboulé ni transformé par le moment partagé.
Christophe Candoni – www.sceneweb.fr
Paradiso
ÉCRITURE ET MISE EN SCÈNE
Richard MaxwellAVEC
Elaine DavisJessica Gallucci
Carina Goebelbecker
Charles Reina
ADMINISTRATRICE DE PRODUCTION
Regina VorriaCRÉATION DES DÉCORS
Sascha van RielCOSTUMES
Kaye VoyceCRÉATION TECHNIQUE
Zack Davis et Scott PonikTECHNICIEN
Andrew Maxwell-ParishLANGUE
En anglais surtitré et en françaisSpectacle créé le 12 janv. 2018 à Greene Naftali, New York.
DURÉE: 1hNanterre Amandiers
2 – 6 OCT. 2018
Mar., mer., ven., sam. à 21h
Jeu. à 20h
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