En créant Oscyl au Festival Mondial des théâtres de marionnettes de Charleville-Mézières, les chorégraphes Héla Fattoumi et Éric Lamoureux participent de manière singulière à la reconnaissance d’une discipline ouverte à tous les croisements. Le spectacle est en tournée.
Alignées côté jardin, les formes mystérieuses qui accueillent le spectateur de Oscyl éclaircissent d’emblée la présence assez inattendue de Héla Fattoumi et Éric Lamoureux à Charleville-Mézières. Monolithes vaguement anthropomorphes – « biomorphes », selon les chorégraphes – conçus par le scénographe/plasticien Stéphane Pauvret, elles semblent tapies dans l’attente d’un événement. D’une énergie qui viendra les délivrer de leur inertie et les définir. Confirmer le statut de marionnettes qu’on leur attribue rapidement du fait du lieu de création du spectacle, et dévoiler leurs étranges propriétés physiques. Inspirés par la sculpture Entité ailée de Hans Arp (1886-1966), ces objets d’une grande force visuelle permettent aux artistes de renouveler leur approche de la question de l’altérité.
Au risque d’y écorcher parfois leur poétique, Héla Fattoumi et Éric Lamoureux ont en effet marqué la scène chorégraphique par un « franc danser » mis au service de sujets sociétaux. L’homosensualité dans le monde arabo-musulman (La Danse de Pièze, 2006), le port du voile islamique (Manta et Lost in burqa en 2009 et 2011), ou encore la représentation féminine en Orient et en Occident dans Masculines (2013), leur précédente création. Résolument abstrait, Oscyl tranche ainsi par rapport au vocabulaire habituel du couple. Tout en présentant un caractère aussi hybride. En mettant les corps de sept interprètes au défi des bizarres culbutos géants, les chorégraphes touchent en effet autant à la danse qu’aux arts plastiques, à la science et à la marionnette. Ou plus largement au théâtre d’objets.
L’intérêt du couple pour la sociologie nourrit aussi le projet. Déclinée sous des formes multiples, l’interaction hommes-objets est structurée par la pensée de Roger Caillois sur le jeu, dans lequel il distingue quatre composantes : la compétition (agôn), le hasard (alea), le simulacre (mimicry) et la recherche du vertige (Ilinx). D’abord hésitants, les danseurs développent peu à peu des stratégies d’approche des choses non identifiées. Différents pour chacun, les gestes se précisent. Le rapport perd de son trouble, jusqu’à donner lieu en milieu de spectacle à une chorégraphie collective et quasi-synchronisée. Après un début plein de trouvailles, où la danse se laisse perturber par l’objet, on peut regretter le choix de figer celui-ci dans un rôle d’accessoire plus classique. Domestiqué.
Oscyl reste une belle réussite malgré cette structure un peu trop prévisible. D’autant plus qu’il traduit une évolution récente des arts de la marionnette, qui viennent pendant le festival d’être dotés d’un label national qui permettra à ses acteurs de poursuivre la structuration de la discipline. Comme le cirque depuis longtemps – Héla Fattoumi et Éric Lamoureux ont d’ailleurs mis en scène les étudiants du CNAC en 2001, année des arts du cirque – les arts de la marionnette commencent à inspirer des artistes issus d’autres champs. Avec Oscyl, ces croisements se présentent sous des auspices prometteurs.
Anaïs Heluin – www.sceneweb.fr
OSCYL
Héla Fattoumi – Éric Lamoureux
Plasticien, scénographe
Stéphane Pauvret
Interprètes
Sarath Amarasingam,
Jim Couturier,
Robin Lamothe,
Bastien Lefèvre ou Matthieu Coulon
Johanna Mandonnet,
Clémentine Maubon
Angela Vanoni
Création lumière
Eric Wurtz
Création costumes
Gwendoline Bouget
Création musicale
Eric Lamoureux
assisté de Jean-Noël Françoise
Construction des oscyls
Cyril Cornillier
Collaboration artistique
Valentine Paley
(Dans le cadre du dispositif
Relève chorégraphique / Pro-Helvetia
Durée: 1h2 et 3 septembre 17 à 18h00 // OSCYL VARIATION PRÉ- PREMIÈRE Festival Oriente Occidente, Musée d’art moderne et contemporain de Rovereto (Italie)
16 et 17 septembre 17 AVANT-PREMIÈRE au Festival Mondial des théâtres de marionnettes, Charleville-Mézières
12 octobre17 Arsenal de Metz dans le cadre d’Exp.Edition 2017 – Biennale de la danse Grand Est.
21 novembre 17 à 20h00 Espace des arts, Scène nationale à Chalon-sur-Saône au théâtre Port Nord dans le cadre du festival Instances
16 janvier 18 à 20h30 Les Scènes du Jura, Scène nationale à Dole
23 janvier 18 à 20h30 Le théâtre de Saint-Nazaire, Scène nationale à Saint Nazaire
25 et 26 janvier 18 à 20h00 Maison du Peuple à Belfort, avec Le Granit, Scène nationale de Belfort et en partenariat avec MA, Scène nationale Pays de Montbéliard
30 janvier 18à 20h et 31 janvier 18 à 19h Les 2 Scènes, Scène nationale à Besançon
22 février 18 à 20h30, 23 et 24 février 18 à 19h45 Théâtre National de Chaillot
19 avril 18 à 19h00 La Filature, Scène nationale à Mulhouse
25-26 mai 2018 18 // OSCYL VARIATION // Fête de la nature à Dijon
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