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« One’s own room Inside Kabul », huis-clos saisissant

A voir, Festival d'Avignon, Les critiques, Paris, Théâtre
One’s own room Inside Kabul de Caroline Gillet , Kubra Khademi
One’s own room Inside Kabul de Caroline Gillet , Kubra Khademi

Photo Christophe Raynaud de Lage / Festival d’Avignon

Conçu pour une vingtaine de spectatrices et spectateurs par Caroline Gillet et Kubra Khademi, One’s own room Inside Kabul immerge avec délicatesse et une ironie amère dans la brutalité de la situation des femmes en Afghanistan. Un spectacle d’où sourd une violence métaphorisée sans être éludée. 

« Il est indispensable qu’une femme possède quelque argent et une chambre à soi si elle veut écrire une œuvre de fiction. » Cette célèbre citation de Virginia Woolf est tirée d’A Room of One’s Own, essai traduit en français par Une chambre à soi. Et c’est peu de dire à quel point la seule évocation de cette formule féministe, en soulignant la nécessité de conditions matérielles tangibles pour accéder à une liberté de création, renvoie à des décennies de luttes pour les droits des femmes. À découvrir One’s own room Inside Kabul (qu’on peut traduire par « La chambre d’une personne dans Kaboul »), spectacle mis en scène par la documentariste radio Caroline Gillet et l’artiste et performeuse féministe afghane Kubra Khademi (membre de la minorité Hazara), l’on saisit que la référence à Woolf est bien là. Mais la reformulation subtile déplace néanmoins les enjeux de l’assertion, en soulignant l’enfermement. Elle la redéploie et la décale dans une création magistrale par sa force retenue, l’intelligence de son écriture scénique et la puissance politique de son propos.

La question du déplacement, qui se double ici d’une amplification de la notion même de nécessité vitale, est d’ailleurs consubstantielle autant au propos de cette création qu’à l’histoire dans laquelle elle s’inscrit. Car, avant ce spectacle lorgnant vers l’installation immersive, il y a d’abord eu un podcast, puis une série animée. En août 2021, Caroline Gillet débute une correspondance avec deux jeunes Afghanes âgées d’une petite vingtaine d’années. Par l’envoi de messages vocaux, chacune raconte sa vie à la suite de la prise du pouvoir par les Talibans. Cela donnera lieu au podcast en deux saisons diffusé sur France Inter, Inside Kaboul et Outside Kaboul, et à un documentaire animé diffusé sur la BBC et France TV. Si toutes deux ont fui leur pays, la situation continue de se dégrader pour toutes celles encore en Afghanistan. C’est ce récit de l’intérieur et par l’intérieur que déplie One’s own room Inside Kabul.

Plutôt que d’accéder à une salle de spectacle, nous entrons dans l’intimité d’une maison afghane. Après s’être préalablement déchaussé et avoir déposé son sac, comme on le ferait en visite chez quelqu’un·e, le public pénètre dans une petite pièce rectangulaire. Dans ce salon, il prend place sur de confortables banquettes rouges en bi-frontal, chaque côté accueillant également deux fenêtres. En lieu et place d’une scène, une nappe blanche (sur des tapis) occupe la longueur de la pièce, en laissant juste l’accès à deux portes de bout en bout. Sur ce chemin de table, une quarantaine d’assiettes – toutes différentes par leur forme, leurs motifs, leurs couleurs – trônent, ainsi que des vases (avec des roses sombres ou des fleurs de pavot) et d’autres récipients. Réalisées en céramique par l’artiste Kubra Khademi – qui avait signé l’affiche 2022 du Festival d’Avignon et avait bénéficié d’une exposition personnelle à la Collection Lambert –, ces poteries sont autant les éléments d’une table prête à accueillir les convives que nous sommes que les œuvres d’une installation. Ces pièces uniques sont aussi belles que, pour certaines, inquiétantes : n’est-ce pas une représentation de sang qui coule de ce récipient ? Une chaîne qui ceinture cette assiette creuse ? La violence sourd également des murs, comme de l’une des portes : tandis que l’une est éclaboussée de rouge, les murs arborent pour « tapisserie » un même petit motif stylisé – une femme nue bras et jambes écartées et barrée d’un trait – qui, dans sa répétition, dessine… un immense barbelé.

Car la « chambre à soi » des femmes en Afghanistan aujourd’hui, est, terrible ironie, une prison à la violence inimaginable, le salon des foyers afghans, lieu essentiel de sociabilité, étant désormais le seul espace possible pour elles. Ce glissement du lieu refuge devenant espace d’enfermement, le spectacle le raconte de façon méthodique, avec une justesse aussi implacable que percutante. Après l’entrée en scène d’une jeune femme, qui, vêtue d’une jupe noire, d’un débardeur, légèrement maquillée, ferme la porte derrière elle avant de s’agenouiller en bout de table (elle ne bougera ni ne parlera), une diffusion débute. Et, tandis que sur des écrans situés dans les ouvertures de fenêtres est projeté un film, un documentaire sonore est diffusé.

Reprenant les témoignages de l’une des deux jeunes femmes, cette création radiophonique suit la dégradation rapide de la situation en Afghanistan d’août 2021 à quasiment aujourd’hui. Par l’intime, par son regard, ses émotions et analyses, on accède de façon directe et concrète à l’infinie inhumanité de toutes les mesures prises à l’encontre des femmes. Et si toutes ces décisions ont déjà été transmises par les médias en Europe, les découvrir dans cet espace crée patiemment un effet de déflagration. Peut-être car tout est travaillé dans ce spectacle par la question du secret, de la polysémie. Secret quant aux noms de la femme qui témoigne et des cinéastes ayant produit les images constituant le film – et qui donne à voir Kaboul de différents points de vue ; secret quant à cette jeune femme assise au bout du chemin de table, qui marquera la fin de la « représentation » en sortant simplement. Polysémie par la friction entre les images et le témoignage ; polysémie, encore, par la beauté – et la noirceur – des céramiques, pour certaines ornées de poésies en arabe de poétesses majeures – citons, entre autres, la poétesse iranienne contemporaine Forough Farrokhzad, ou la mystique et poétesse musulmane Rabia al Adawiyya al Qaysiyya, figure majeure du soufisme. Et la création, sans jamais devenir doloriste, énonce avec une sensibilité qui étreint et interpelle par sa circulation de l’intime au collectif, la situation actuelle des femmes en Afghanistan. Se déplie ici l’ambiguïté de la chambre lorsqu’il ne reste que celle-ci à investir, et se dit, aussi, l’espoir d’une résistance poétique – même infime – dans les interstices.

caroline châtelet – www.sceneweb.fr

One’s own room Inside Kabul
Mise en scène Caroline Gillet, Kubra Khademi
Récit sonore Caroline Gillet, accompagnée de Anna Buy
Voix off en français Sofia Lesaffre
Scénographie Kubra Khademi
Vidéo artiste et techniciens anonymes à Kaboul
Lumière Juliette Delfosse
Mixage Frédéric Changenet – Radio France et sons additionnels depuis Kaboul Benazer
Régie générale François Lewyllie

Une expérience immersive adaptée des podcasts originaux de FRANCE INTER « Inside Kaboul » et « Outside Kaboul » de Caroline Gillet

Production Latitudes Prod (Lille)
Coproduction Festival d’Avignon, Théâtre de la Ville (Paris), Festival d’Automne à Paris, Les Halles de Schaerbeek (Bruxelles), Festival euro-scène Leipzig, Théâtre Molière Scène Nationale Archipel de Thau, Radio France
Avec le soutien de la DRAC Hauts-de-France et de Open Society Foundations via l’Afghanistan Cultural Fund et du CNC – Centre national du cinéma et de l’image animée
Accueil en résidence Le Fresnoy – Studio national des arts contemporains, La Ménagerie de Verre (Paris)

Durée : 55 minutes

Festival d’Avignon, Cloître Saint-Louis
du 16 au 24 juillet 2025, à 9h30, 10h45, 13h15, 16h, 17h15 et 18h30

Théâtre de la Concorde, dans le cadre du Festival d’Automne à Paris
du 14 au 19 novembre 2025

17 juillet 2025/par Caroline Chatelet
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