Connu pour ses conférences/spectacles sur le climat et l’environnement, Frédéric Ferrer entame la seconde saison de son projet Olympicorama, où il aborde un sujet inédit pour lui : le sport. Les Jeux Olympiques précisément, qui auront lieu en 2024 à La Villette, où l’artiste présente ses passionnantes performances où le sérieux côtoie l’absurde de très près.
Le sport, pour l’acteur, comédien, metteur en scène et géographe Frédéric Ferrer, est une planète étrange. C’est du moins ce qu’il fait croire dans les conférences/spectacles qui composent Olympicorama débuté en mai 2019 à La Villette, qui co-produit ce vaste projet. Cette « proposition de mise en jeu des jeux olympiques, épreuves après épreuves », qui s’étendra sur six ans. Jusqu’à la tenue de la manifestation sportive tout près de l’endroit où l’artiste en aura parlé tel un béotien doublé d’un marathonien à l’ambition encyclopédique. Car dans les 24 épisodes ou « épreuves » qu’il va leur consacrer – à ce jour, trois seulement ont été présentés–, Frédéric Ferrer aborde non seulement les disciplines olympiques dans leurs dimensions sportives, mais aussi, écrit-il dans le dossier du projet, « techniques, politiques, philosophiques, éthiques, culturelles, sociologiques, géographiques, économiques, anthropologiques, et j’en passe des mots en ‘’iques’’ ». Tout un programme, qu’il déploie avec humour et intelligence. De manière à intéresser aussi bien les amateurs de sport que ceux qui n’y entendent rien.
Le 30 septembre 2019 dans la Grande Halle de La Villette, c’est ainsi au saut en hauteur que se mesurait Frédéric Ferrer avec ses outils habituels. Son ordinateur, son écran et sa dégaine de professeur un peu dépassé par son sujet, qui le suivent partout depuis la création en 2001 de sa compagnie Vertical Détour, avec laquelle il créée essentiellement des spectacles documentaires, répartis jusque-là en deux cycles principaux : les Chroniques du réchauffement et Atlas de l’anthropocène. Nouveau cycle, nouveau défi. D’autant plus grand peut-être que les moyens utilisés sont les mêmes que pour traiter des dérèglements écologiques, sujet de prédilection du conférencier d’un genre spécial, qui ne dit que des vérités mais d’une manière qui n’appartient qu’à lui. En multipliant les analogies saugrenues et les comparaisons du même acabit. Entre le saut humain et celui de certains animaux par exemple, qui débouche sur une très magistrale conclusion : heureusement qu’antilopes et autres créatures sauteuses ne se présentent pas aux J.O.
Comme les athlètes du saut en hauteur – les seuls à finir chaque compétition par un échec, même en cas de victoire, remarque-t-il –, Frédéric Ferrer a conscience du caractère impossible de son entreprise. Et il en joue. Aussi documenté, aussi subtil soit-il, le théâtre ne pourra jamais faire le tour de toutes les épreuves des J.O. – il y en avait 306 à Rio en 2016 –, et encore moins de tous les sujets qu’elles sont susceptibles de soulever chez un esprit curieux, porté vers la critique. Olympicorama est donc une course contre le temps. C’est une lutte joyeuse, ludique, contre les limites de la scène, qui pose autant de questions qu’elle n’offre de connaissances. De savoirs fraîchement acquis par Frédéric Ferrer, lors d’un voyage à Olympie, le berceau des jeux olympiques, et surtout grâce à des échanges avec les meilleurs spécialistes en la matière : les athlètes eux-mêmes et leurs entraîneurs – Mélanie Skotnik, championne et recordwoman française et Dominique Hernandez, Conseiller Technique National et Co-responsable hauteur Elite France pour l’épisode saut en hauteur –, invités à intervenir dans chaque seconde partie de spectacle. Ainsi qu’avec un historien du sport antique, Manuel Roubineau, qui l’a aidé à créer des ponts entre les époques.
Très simple, le plan qu’annonce en introduction Frédéric Ferrer – le même pour chaque spectacle, précise-t-il – donne un cadre à sa palabre qui, on le sent, pourrait se poursuivre bien au-delà des cadres impartis par une représentation théâtrale. Avec des anecdotes, des références qui rejoindraient l’histoire de Charles IX, le « roi sauteur » ou à celle de l’évolution des techniques de saut en hauteur, illustrée notamment par des archives inédites. Un ensemble qui incite à la réflexion sur les enjeux actuels des Jeux Olympiques. Sur les dessous politiques de l’événement, sans qu’il en soit directement question dans Olympicorama, qui prouve à quel point le théâtre, lorsqu’il dialogue intelligemment avec son territoire, peut être riche de questionnements et de perspectives. Prochaines étapes de la saison : le 100 mètres, le handball et la natation.
Anaïs Heluin – www.sceneweb.fr
Olympicorama
Une mise en jeu des Jeux Olympiques de 2019 à 2024
De et avec Frédéric Ferrer
Assistante à la mise en scène : Clarice Boyriven Régie générale Paco Galan Avec un invité surprise pour chaque épreuve.
Production Vertical Détour, La Villette
La compagnie Vertical Détour est conventionnée par la Région et la DRAC Île-de-France – Ministère de la Culture et de la Communication.
Elle est en résidence au Centre de Réadaptation de Coubert – établissement de l’UGECAM Île-de-France et soutenue par la DRAC et l’ARS Île-de-France dans le cadre du programme Culture et Santé.Durée : 1h30
Épreuve 4 – Le 100 m – invité.e en cours de distribution. Le 4/11/2019 à La Villette
Épreuve 5 – Le handball – avec Bertrand Gille, double champion olympique et Laurent Munier, entraîneur et médaillé de bronze aux J-O de 1992 25/05. 17 et 18 février 2020 – Malraux, scène nationale Chambéry Savoie (73) et le 16/03/2020 à La Villette.
Épreuve 6 – La natation – invité.e en cours de distribution
Laisser un commentaire
Rejoindre la discussion?N’hésitez pas à contribuer !