Annulé en 2020, le festival d’Avignon se déroule cette année du 5 au 25 juillet. Une édition particulière, avec des conditions sanitaires renforcées, l’obligation de présenter le pass sanitaire dans la Cour d’honneur, totalement restructurée. Le mandat d’Olivier Py a été prolongé d’un an, il passera le relai l’été prochain, à la nouvelle directrice ou au nouveau directeur dont le nom devrait être dévoilé en début de semaine par Roselyne Bachelot, la Ministre de la Culture après validation par le Conseil d’Administration. En attendant , Olivier Py et son équipe ajustent les derniers préparatifs.
Les équipes du Festival sont-elles prêtes pour cette édition particulière ?
Nous sommes prêts même si les délais ont été courts. Des compagnies sont actuellement en quarantaine. C’est complexe, mais en même temps, je crois que l’édition se prépare dans une sorte d’euphorie que je n’ai pratiquement jamais connue par le seul fait de l’annulation de l’édition l’été dernier. Donc, on est porté par une joie qui est incroyable.
Vous sentez ça chez les compagnies, chez les comédiens, chez les intermittents ?
Oui, même à la billetterie ou bien sûr, chez les intermittents. Le moment technique le plus lourd, c’est maintenant pour eux. On possède aussi une nouvelle cour du Palais des Papes, elle est magnifiquement belle. C’est une grande fierté, évidemment, pour les équipes techniques.
Est ce que cela signifie qu’il a fallu créer une organisation particulière pour la Cour afin de renforcer les contrôles avec le pass sanitaire ?
Oui, bien sûr. Il y a plus de personnel accueillant. L’avantage est que cette cour est beaucoup plus fluide et où on n’y entrera plus facilement. Et surtout, on en sortira beaucoup plus facilement. Cela évitera un piétinement qui n’était pas très bon sur le plan sanitaire ni sur le plan sécuritaire. Les équipes d’accueil sont briefées pour la présenter au public dans ses entrées, dans ses sorties, dans ses circulations. Mais j’espère surtout que le public profitera d’un rapport visuel et auditif meilleur, plus grand, plus démocratique. Finalement, le rapport entre la salle et ce gigantesque gradin, ce mur humain, comme disait Valère Novarina, à mon avis, est meilleur aujourd’hui.
Même les spectateurs qui seront au dernier rang auront une sensation différente de ce qu’ils avaient les années précédentes ?
Certainement. Bon, bien sûr, un premier rang, c’est différent d’un dernier. Je n’y peux rien. Il y a des lois physiques, mais enfin, quelquefois, le théâtre arrive à passer au delà des lois physiques. Surtout quand on a la passion du théâtre. Et quand les acteurs se mettent en résonance avec l’attente du public, on a l’impression même au dernier rang, d’être proche de l’acteur.
Dès les premières minutes de vente sur le site Internet, les places ont été vendues. Etes vous surpris de l’engouement du public ?
Cela a été un véritable tsunami, à tel point que le site a bugué le premier jour. Il nous faudrait des serveurs dignes des Jeux olympiques pour pouvoir répondre à la demande. Et puis, à l’époque, nous n’avions pas la totalité de la jauge, elle n’était qu’à 60%. Aujourd’hui, toutes les places sont en vente et c’est vrai qu’il y a une attente du public supérieure autres années.
Est ce que l’organisation du Festival d’Avignon, cet été, aura valeur d’exemple pour la rentrée théâtre, surtout si la 4e vague arrive à l’automne, pour éviter que les lieux culturels ne ferment de nouveau ?
Il faut bien le dire. C’était une injustice de fermer les lieux de culture. On a au mois d’octobre un petit festival dans lequel on a expérimenté les mesures sanitaires, de la billetterie à l’accueil en passant par la technique. On sait le faire maintenant. Il ne faut plus jamais que les théâtre ferment. Il ne faut jamais empêcher un spectacle. Il faut que le rideau se lève. C’est une victoire sur la mort. C’est une victoire sur la négation. C’est une victoire sur la bêtise avant toute chose. Donc, il ne faut jamais empêcher un spectacle. Il faut tout faire pour que le rideau se lève. Quand le rideau se lève, c’est toujours un miracle. C’est toujours une victoire. C’est toujours la somme de travail d’une communauté d’esprit. C’est exceptionnel qu’un rideau se lève dans l’histoire de l’humanité. C’est sacré.
C’est d’autant plus important parce que depuis plusieurs mois, les spectateurs n’ont pas vu de spectacles, et n’ont pas été en communion avec les artistes.
Cette année est extrêmement étrange parce que tout de même, sous l’Occupation et pendant la guerre, on a continué à jouer, tout comme en mai 68. On a joué et il a fallu que cet être microscopique, la Covid-19, nous en empêcher. Mais en tout cas, cela a confirmé plus profondément notre vocation. Le spectacle et le théâtre ne ressemblent à aucune autre activité car c’est la fête de l’esprit.
Allez-vous savourer encore plus cette édition avec le public ?
Mais c’est eux qui nous apprennent que le théâtre est une chose immense. Quand je les vois faire la queue toute la nuit pour avoir des places ou dans la façon dont ils me parlent après les spectacles. C’est eux qui font la grandeur du festival. Le festival doit tout à son public. Le jour où le festival deviendra simplement un échange professionnel ou un marché du spectacle, ce ne sera plus le Festival d’Avignon de Jean Vilar. Ce sera autre chose. C’est dans le service public que nous fondons notre geste et nous devons tout au public. C’est le public qui doit nous guider. C’est la chose la plus fondamentale. C’est probablement le seul conseil que je me permettrais de murmurer à mon successeur ou ma successeure.
Beaucoup de spectacles cette année sont présentés par la jeune génération et notamment la jeune génération de metteuses en scène. C’est un hasard de programmation ou une volonté chez vous ?
Ça devait être ma dernière édition. Il se trouve que j’en ai eu une supplémentaire à cause de l’annulation en 2020, ce qui est très bien, parce que ça a permis de prendre plus de temps pour organiser la succession. Mais avec Agnès Troly, avec qui je travaille maintenant depuis trente ans, nous avons été toujours extrêmement sensibles à l’émergence. Nous avons créé ensemble le festival Impatience et évidemment, dans le Festival d’Avignon, nous considérons que nous ne sommes pas là pour faire des pléonasme de programmation, mais pour découvrir ce qui seront les grands de demain. Donc oui, nous sommes à Epsilon presque paritaires, mais je ne sais pas si on peut s’enorgueillir. C’est peut être que le monde a changé et que cela n’était pas possible il y a dix ans parce que le monde était différent. Je veux croire que le plafond de verre est maintenant bien fissuré.
Certains de vos collègues, metteurs en scène ne souhaitent plus ne monter que des autrice et souhaitent aller au delà de la parité. Quel est votre avis ?
Je n’aime pas la parité mais j’aime l’équité. Il y aura peut être un moment où on se souciera absolument plus du genre de la personne que l’on programme et nous n’aurons plus besoin de faire de la discrimination positive. J’aimerais que cette époque soit dépassée. Bien sûr,
Quelle est la tonalité du festival cette année ?
On l’a mis sous le signe de l’avenir. C’était facile à faire puisqu’on a tous un désir de renaissance. Je crois que même s’il y a des spectacles dystopiques qui présentent une vision du monde très sombre, malgré tout, ce festival va être plus que jamais une très grande fête.
Propos recueillis par Stéphane CAPRON – www.sceneweb.fr
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