Odile Grosset-Grange met en scène une pièce inédite du dramaturge anglais Mike Kenny avec d’importants moyens. Remarquablement exécutée, cette création jeune public pourrait être plus poétique.
Et pourquoi les enfants n’auraient-ils pas le droit à leurs blockbusters ? Au plaisir du (très) grand spectacle. À l’ivresse des effets spéciaux. À la joie des jeux de lumière étourdissants. Reconnaissons que le théâtre à destination du jeune public fait souvent office de parent pauvre face au cinéma d’animation, aux comédies musicales, et à certains spectacles de cirque. Place, au parent riche ! Ou plutôt, à l’oncle d’Amérique… Ce Cartoon signé par le dramaturge anglais Mike Kenny, et mis en scène par l’artiste rochelaise Odile Grosset-Grange, s’assume comme un show à l’anglo-saxonne, par ses ambitions et ses moyens (le générique évoque bien celui d’un Marvel subventionné). C’est rare, et donc chouette. C’est risqué, et donc intéressant.
Dans cette pièce inédite, la star british du « young people’s theater » (selon l’expression consacrée outre-Manche), raconte les tribulations d’une famille de cartoons, confrontée au réel. Ce sont les Normals (deux parents, deux enfants, deux animaux domestiques – bavards et surdimensionnés). Lesquels correspondent, à peu de choses près, au cliché de la famille américaine, dans sa version fifties et périurbaine. Lesquels ne se départissent jamais de leur sourire étincelant. Lesquels n’éprouvent aucune souffrance. Lesquels ne vieillissent ni ne meurent. Jusqu’au jour où Maman Normal rapporte à la maison une potion verdâtre, et tout part en vrille : bébé Normal perd sa tête, poisson Normal trépasse, et garçon Normal fait l’expérience de la douleur, et donc de la vie… Dans les grandes lignes.
Sur scène, on chante, on danse et l’on court ; on s’envole à cinq mètres de haut, on s’enfuit au travers de portes dessinées sur des murs et l’on fait parler les animaux. Comme dans les dessins animés. Mais en vrai. Enfin, au théâtre… Et c’est remarquablement bien fichu (les tours de magie, en particulier), bien rythmé, exécuté, et servi par une scénographie pensée pour la vitesse. Odile Grosset-Grange maîtrise son sujet (l’artiste, semble-t-il, s’est mise en tête de monter les œuvres complètes de Mike Kenny – Cartoon est sa sixième création avec un texte du dramaturge anglais). Et ça marche. Dans la salle, les 500 enfants qui se trouvaient au Théâtre d’Angoulême ce 2 mars (dans le cadre du festival La tête dans les nuages), étaient parfaitement survoltés ; et en bout de rang, les profs n’en revenaient pas.
Quant à nous, il nous manquait un petit quelque chose… À cause du texte, peut-être. Comme dans La Petite Sirène, Pinocchio et mille autres contes pour enfants, Mike Kenny traite de la transformation et de la mortalité, mais les émotions qui devraient nous toucher sont souvent cannibalisées par la mécanique des situations. Et à cause de la mise en scène, aussi, un peu. Odile Grosset-Grange se sert des ressorts hyper efficaces du dessin animé (les chutes, les coups dans la figure, les ralentis… Façon Tex Avery), au détriment de situations que l’on aurait préférées singulières, et d’une bizarrerie qui aurait été bienvenue. En clair, Cartoon est un spectacle formidablement conçu et exécuté, en dépit d’une absence de poésie. C’était le risque. Ça n’en demeure pas moins chouette.
Igor Hansen-Løve – www.sceneweb.fr
Cartoon ou n’essayez pas ça chez vous
Texte Mike Kenny
Traduction Séverine Magois
Mise en scène Odile Grosset-Grange
Distribution François Chary, Julien Cigana, Antonin Dufeutrelle, Delphine Lamand, Pierre Lefebvre-Adrien, Pauline Vaubaillon
Assistant mise en scène Carles Romero-Vidal
Scénographie Stephan Zimmerli, assisté de Irène Vignaud
Régie générale Nicolas Barrot, Farid Laroussi
Lumières Erwan Tassel
Conception machinerie et magie Vincent Wüthrich
Dessins Stephan Zimmerli
Accessoires Irène Vignaud
Conseil marionnettes Brice Berthoud
Fabrication marionnettes Caroline Dubuisson
Création musicale et son Vincent Hulot
Costumes Séverine Thiebault assistéede Pia Blanchon
Création perruque Noï Karunayadhaj
Chorégraphe Gianni Joseph
Plateau / vidéo Emmanuel Larue
Plateau Marion Denier
Construction des décors et machinerie Jipanco
Production La Compagnie de Louise. Co-productions La Coupe d’Or, Théâtre de Rochefort, La Coursive SN de La Rochelle, Le Théâtre d’Angoulême SN d’Angoulême, L’OARA (Office artistique de la Région Nouvelle-Aquitaine), L’Odyssée Théâtre de Périgueux, Le Théâtre de Gascogne Scènes de Mont de Marsan, La Ferme du Buisson SN de Noisiel, Le Théâtre de Sartrouville et des Yvelines – CDN, Les Tréteaux de France – CDNCo-productions, Fonds de soutien à la production mutualisé de S’il vous plaît ; Scène Conventionnée de Thouars ; les 3T – Scène
Conventionnée de Châtellerault ; Scènes de Territoire, Scène Conventionnée du Bocage, Bressuirais Fonds de Production Jeunesse Nouvelle-Aquitaine en coopération avec la DRAC Nouvelle-Aquitaine
Accueil et soutien en résidence. Le Théâtre d’Angoulême, Scène Nationale La Ferme du Buisson, Scène Nationale. L’OARA (Office artistique de la Région Nouvelle-Aquitaine) dans le cadre de la Résidence Méca. La Coupe d’Or, Théâtre de Rochefort. Le Théâtre de Sartrouville et des Yvelines – CDN.
Durée : 1h15
Théâtre d’Angoulême, scène nationale d’Angoulême (dans le cadre du Festival la tête dans les nuages)
du 2 au 5 mars 2023 (relâche le 4).L’Azimut Scène Nationale – Théâtre La Piscine Châtenay-Malabry
les 10 et 11 marsLa Comédie de Valence – CDN Valence
les 21 et 22 marsla Coursive Scène Nationale La Rochelle
du 4 au 6 avrilla Ferme du Buisson – Scène Nationale, Noisiel
du 14 au 16 avrilGallia Théâtre, Saintes
les 4 et 5 maiThéâtre de Gascogne, Le Pôle Mont-de-Marsan
le 26 mai
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