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Nous revivrons : le sublime élan vital de Nathalie Béasse

Coup de coeur, Les critiques, Paris, Théâtre

photo Jean-Louis Fernandez

Avec Nous revivrons, librement inspiré de L’Homme des bois de Tchekhov, la metteuse en scène prouve que l’univers du dramaturge russe lui va comme un gant.

Sa dernière création, Nous revivrons, Nathalie Béasse l’a répétée et présentée pour la première fois, dans le cadre de la tournée « Par les villages » de la Comédie de Colmar, au Domaine du Beubois. Ancienne colonie de vacances reconvertie en foyer de vie et de travail pour des personnes en situation de handicap physique et mental, cet endroit atypique est, dans sa façon d’ébaucher un monde nouveau, et meilleur, sur les ruines de l’ancien, un lieu tchekhovien par excellence. Situé sur les hauteurs d’Orbey, au cœur du vignoble alsacien et à la lisière de la forêt vosgienne, il offre un cadre idéal pour s’emparer de L’Homme des bois, pour mieux comprendre son élan à la fois mélancolique et vital, et pour, comme la metteuse en scène l’a subliment prouvé, transformer la force de la nature en puissance créatrice. Sans lui, Nous revivrons n’aurait peut-être pas ce petit supplément d’âme qui touche au cœur dès les premiers instants.

D’autant que cette pièce n’est, et de loin, pas la plus fameuse de Tchekhov. Mal née, expurgée de ses Œuvres complètes par l’auteur lui-même, elle est, comme l’écrit Françoise Morvan dans son avant-propos aux éditions Actes Sud, « généralement considérée comme le brouillon d’Oncle Vania, ou plutôt comme une version manquée dont le seul intérêt était d’éclairer la genèse d’un chef-d’œuvre ». Pourtant, cette œuvre, écrite « dans une sorte d’euphorie » par un Tchekhov « alors dans la période la plus heureuse de sa vie, rasséréné par le succès d’Ivanov et de ses pièces en un acte », poursuit la traductrice, est aussi l’une des plus lumineuses du dramaturge russe, comme en témoigne, au-delà de son étonnante fin joyeuse, le personnage de Khrouchtchov (sorte de version augmentée de l’Astrov d’Oncle Vania), « l’homme des bois », dont l’activité principale est de planter des arbres pour sauver la planète, sous les regards moqueurs de ses voisins. Parmi eux, figurent Voïnitzki (l’ancêtre de Vania) et sa jeune nièce Sonia qui, depuis vingt-cinq ans, s’échinent à prendre soin, contre vents et marées et pour une paie de misère, de cette maison de campagne que Sérébriakov, beau-frère du premier, père de la seconde et intellectuel raté, a hérité de sa précédente épouse et qu’il est bien décidé à vendre.

Comme à son habitude, et même si cette création est sans doute plus narrative, à certains égards, que bien d’autres spectacles de son répertoire, Nathalie Béasse n’a pas cherché à adapter stricto sensu cette histoire, mais plutôt à capter son esprit et son souffle pour en faire son propre miel. La metteuse en scène procède alors par fragments, textuels et visuels, qui parlent tous davantage aux tripes qu’à l’esprit, ouvrent des portes invisibles vers des galaxies infinies et augmentent le substrat tchekhovien d’une magnifique fougue évocatrice. Surtout, elle a parfaitement compris qu’elle était, avec L’Homme des bois, en territoire conquis dans la façon qu’a le dramaturge russe de raccrocher, comme elle, ses personnages à l’enfance, tel un paradis trop vite perdu. Si Voïnitzki, Sonia ou encore Khrouchtchov sont aujourd’hui en déséquilibre – un état que Nathalie Béasse affectionne plus que tout autre –, c’est, en définitive, parce qu’ils n’ont pas vu leur vie passer. Alors, à ces problèmes de grands, l’artiste répond par des jeux d’enfants, où elle convoque la matière, l’eau, le bois, la terre – à l’image de cette intense bataille à la symbolique très forte entre Voïnitzki et Sérébriakov –, pour faire advenir tantôt la mélancolie, tantôt la joie, telles les deux mamelles de l’existence humaine, forcément déchirante.

Sous-tendu par une grammaire et des gimmicks que les comédiens de sa compagnie, avec lesquels Nathalie Béasse a coutume de travailler, connaissent sur le bout des doigts, cet univers si particulier aurait pu poser quelques difficultés à des acteurs moins chevronnés, comme ceux du programme Ier Acte. Au contraire, la metteuse en scène profite de la fraîcheur de ce trio pour irriguer son spectacle avec une sève nouvelle, capable d’offrir une intensité brisée aux personnages qu’elle met en abîme. Julie Grelet, Mehmet Bozkurt et Théo Salemkour irradient autant dans les tableaux muets – telle la course folle – que dans leur prise en charge de fragments textuels qui résonnent puissamment dans leur façon d’enchevêtrer, notamment, les destins de la Nature et des Hommes. Comme un écho, ou plutôt un dépassement, y compris dans son titre, au célèbre « Nous nous reposerons », lancé par Sonia à Vania dans les dernières encablures de la pièce, Nous revivrons s’achève d’ailleurs par la réalisation d’une cartographie forestière – à la manière de celle d’Astorv – où l’esthétique enfantine semble dresser le portrait de la zone à défendre d’un monde nouveau. Comme si, chez Nathalie Béasse, dans le sillage du Tchekhov de L’Homme des bois, tout espoir n’était, définitivement, pas perdu.

Vincent Bouquet – www.sceneweb.fr

Nous revivrons
librement inspiré de L’Homme des bois d’Anton Tchekhov
Conception, mise en scène et scénographie Nathalie Béasse
Avec Mehmet Bozkurt, Julie Grelet, Soriba Dabo, Théo Salemkour (à la création à La Comédie de Colmar)
Collaboration artistique Sabrina Delarue, Étienne Fague et Clément Goupille
Musique Julien Parsy

Production Comédie de Colmar – CDN Grand Est Alsace, Théâtre National de Strasbourg
Coproduction compagnie nathalie béasse
Remerciements au Quai – CDN Angers Pays de la Loire
Avec la participation artistique du Jeune théâtre national

Spectacle créé dans le cadre de la tournée « Par les villages », dispositif hors-les-murs de la Comédie de Colmar, soutenu par la DRAC Grand Est, le Grand Pays de Colmar et la Collectivité européenne d’Alsace.
Les acteur⸱rice⸱s du spectacle ont bénéficié du programme Ier Acte qui soutient la visibilité des jeunes issus de la diversité sur les plateaux de théâtre.
Cette création fait partie du projet du Théâtre National de Strasbourg pour la Capitale européenne de la culture Esch 2022.

Durée : 1h15

Théâtre de la Bastille
du 6 au 31 mars 2023

8 mars 2023/par Vincent Bouquet
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