A Nanterre-Amandiers, le Teater NO99 de Tallinn propose un ballet boueux aux dimensions existentielles et trouve dans l’impureté d’une terre meuble qui tâche une juste métaphore de la merditude du monde contemporain.
En travaillant la rencontre du corps et de la matière, le théâtre propose une expérience physique et plastique qui peut atteindre des sommets d’intensité. Qui n’a pas été saisi devant les danseurs exténués de Pina Bausch qui s’ébrouent arpentant l’épais tapis de tourbe sèche du Sacre du printemps ? La terre brune et stérile se présente comme un terrain de jeu et de saccage aussi jubilatoire qu’inconfortable et exacerbe les passions noires des humains dans le spectacle proposé par le duo estonien que forment Ene-Liis Semper et Tiit Ojasoo toujours à la recherche de formes très différentes, d’esthétiques, de dramaturgies susceptibles de bouleverser les conventions théâtrales. Avec fougue et fort rendement, la compagnie a monté depuis 2005 plus d’une cinquantaine de pièces numérotées par ordre décroissant faisant de chaque production la nouvelle étape d’un inexorable compte à rebours duquel provient sûrement l’énergie physique et hypervolontaire communiquée sur le plateau.
Lâchés dans un périmètre clos et crasseux sous une lumière rasante, neuf interprètes aussi désorientés que désenchantés plongent, rampent, se vautrent, sans issue ni pitié. Ils entament une danse où, à travers une valse lente ou une rave fiévreuse, s’exprime une grande part de solitude, d’inhibition, d’asservissement, d’avilissement. On assiste à des rapports de force et à une incapacité à rencontrer l’autre. Ils se coursent, s’agrippent, se bousculent, se consolent. Dans un rite sensuel et malsain, ils érigent comme religion une violence ordinaire et impunie où les hommes sont tout puissants et les femmes sacrifiées. La gadoue gicle, éclabousse, insolemment. Souillés jusqu’au moindre orifice et au fond de leur être, ils ont beau se rincer au jet ou au sceau d’eau, la salissure résiste comme une tenace empreinte. Le geste est appuyé et peu nuancé, il se veut surexposant, sursignifiant, mais ne manque ni de force ni de beauté.
Christophe Candoni – www.sceneweb.fr
NO43 Kõnts (NO43 Saleté)
Conception et mise en scène
Ene-Liis Semper & Tiit Ojasoo / Teater NO99
Travail corporel
Jüri Nael
Création lumières
Petri Tuhkanen
Création musique
Jakob Juhkam, Tiit Ojasoo, Ene-Liis Semper
Avec
Marika Vaarik, Helena Pruuli, Rea Lest, Rasmus Kaljujärv, Ragnar Uustal, Gert Raudsep, Simeoni Sundja, Jörgen Liik, Jarmo Reha
Durée 1h50
Spectacle créé le 17 octobre 2015 au Teater NO99 à Tallinn, Estonie.Nanterre Amandiers
Les 9, 10 et 11 décembre 2016
Ven. à 20h30
Sam. à 18h
Dim. à 15h30
Laisser un commentaire
Rejoindre la discussion?N’hésitez pas à contribuer !