C’est l’une des belles surprises de cette rentrée théâtrale dans le privé. Dans Rouge de John Logan au Théâtre Montparnasse, Niels Arestrup et Alexis Moncorgé se livrent à un beau duel d’acteurs. Une pièce d’une écriture intense autour de la personnalité du peintre Mark Rothko, sur l’art et son rapport à la marchandisation.
A la fin des années 50, le peintre Mark Rothko se voit confier une commande d’envergure pour la Tour Seagram, édifiée par l’architecte Ludwig Mies van der Rohe sur Park avenue à New-York. Il signe un contrat juteux pour trente tableaux monumentaux destinés à la décoration d’un restaurant de luxe. Mais lorsqu’il se rend compte de l’aspect mercantile de l’affaire, il rend l’argent et conserve ses toiles qui seront disséminées dans plusieurs musées à travers le monde. La Tate Modern de Londres les réunira en 2009 lors d’une unique exposition. C’est le point de départ de la pièce de John Logan, créée à Londres et qui a remporté un immense succès à Broadway, couronnée par six Tony Awards.
John Logan écrit une pièce vibrante, un face à face percutant entre Rothko et son assistant Ken. La pièce n’a rien à voir avec l’écriture insipide de tant de succès américains. Elle est profonde et exaltée. La traduction française de Jean-Marie Besset donne du rythme et de la force dramatique. C’est une plongée intelligente dans l’histoire de l’art de la deuxième moitié du 20e siècle. Rothko disserte sur la fin du cubisme qu’il affirme avoir “anéanti” avec ses camarades, dont Pollock, décédé en 1956 alors qu’il est à l’ouvrage pour sa commande pour la Tour Seagram.
Rouge est une ode à la culture et au savoir. “Il y a une tragédie dans chaque coup de pinceau” dit Rothko. “Peindre, c’est penser”. La fulgurance de l’écriture de John Logan est un bonheur intellectuel. La pièce aborde le passage de expressionnisme abstrait à celui du pop art incarné par Warhol, Jasper Johns et Robert Rauschenberg, sans plonger le spectateur dans un cours incompréhensible d’histoire de l’art. Rothko se rend compte que la peinture devient un art de consommation rapide. “C’est pas de l’art, c’est du business” écrit Logan. La pièce pose également l’épineuse question du rapport de l’artiste à son mécène.
Pour porter ce texte exigeant, Niels Arestrup et Alexis Moncorgé sont à la hauteur de la tâche, faisant monter la tension au fil de l’action. Jérémie Lippman, le metteur en scène a demandé au scénographe Jacques Gabel de laisser le plateau à nu, permettant aux toiles immenses, d’un rouge intense et éclatant de trouver tout leur place sur la scène. Un travail pointu qui fait honneur au théâtre privé.
Stéphane CAPRON – www.sceneweb.fr
Red
Avec: Niels ARESTRUP et Alexis MONCORGÉPièce de: John LOGAN
Version française de: Jean-Marie BESSET
Mise en scène: Jérémie LIPPMANNScénographie: Jacques GABEL
Costumes: Colombe LAURIOT PREVOST
Lumières: Joël HOURBEIGT
Son: Fabrice NAUD
Accessoiriste: Morgane BAUX
Assistante à la mise en scène: Sandra CHOQUET
Durée du spectacle: 1h25Théâtre Montparnasse
Première le 12 septembre 2019
Soirées
Mardi, mercredi, jeudi, vendredi et samedi : 21h
Matinée
Dimanche: 15h30
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