Sans relief, la mise en scène de cette adaptation de Trahisons de Pinter proposée par le directeur de La Scène Watteau déçoit. Dénuée d’audace et d’un parti-pris dramaturgique clair, elle se perd dans le prosaïsme du triangle amoureux dessiné par Harold Pinter.
Aussi cosmétique puisse-t-elle paraître, la décision d’ôter leur « s » aux habituelles « Trahisons », héritage de la traduction d’Eric Kahane, est symbolique pour Nicolas Liautard. En donnant à entendre une nouvelle version de la pièce d’Harold Pinter, avec une langue plus directe, moins travaillée, le metteur en scène dit vouloir recoller au plus près du sens du texte originel, sans expliquer dès le titre les différents coups de poignard qu’il contient.
Construite antéchronologiquement, la pièce de Pinter offre une longueur d’avance aux spectateurs. En commençant par la fin, eux seuls savent ce qui adviendra des personnages, de la relation qu’entretiennent Robert, Emma et Jerry, triangle amoureux et amical pour le moins classique. Pendant sept ans, les deux derniers ont entretenu une relation extra-conjugale au nez et à la barbe du premier qui n’est autre que le meilleur ami de Jerry. Aujourd’hui, alors que tout est fini entre eux, Emma décide de recontacter Jerry pour lui annoncer qu’elle va se séparer de Robert qui, lui aussi, l’a trompée pendant des années. Sous le feu roulant des questions de son ancien amant, elle lui avoue que son mari sait tout, qu’elle l’a mis au courant de leur commune trahison. S’ensuit un voyage temporel à contre-courant, une plongée à rebours dans la construction et déconstruction de trois relations, emplies de faux-semblants et de non-dits que l’omniscient spectateur peut se plaire à dénicher.
Dans un espace scénographique qui n’est pas sans rappeler la version que tg Stan avait proposée de la pièce en 2015, Nicolas Liautard signe une mise en scène prosaïque et foncièrement plate. De son parti-pris, ne se dégage aucune lecture claire. Le metteur en scène reste constamment au milieu du gué, ne sachant pas, de la comédie ou du drame, vers quel côté pencher. Exempte de prise de risque, sa « Trahison » se déroule sans passion, sans émotion. Difficile de croire aux relations nouées par ces différents personnages, difficile aussi de détecter leur mal-être, difficile enfin d’en rire ou d’en compatir tant le propos laisse peu à peu indifférent.
Sans coloration nette, le spectacle manque cruellement de rythme et d’intensité. La construction dramaturgique de Pinter, en multiples scènes de vie, laissait pourtant de l’espace au metteur en scène pour imprimer sa marque. Las, Nicolas Liautard n’en fait rien et s’enferre dans un déroulé répétitif et fade. Sans complètement démériter, les comédiens restent enfermés dans un jeu univoque, sans aucune progression dramatique. Sur les près de dix ans pendant lesquels la pièce est censée s’écouler, Marie-Hélène Roig campe son rôle de femme gênée, Fabrice Pierre celui de mari coulant et Nicolas Liautard celui d’amant passif. Dénuée de saveur, leur partition scénique est exécutée sans énergie, voire parfois sans envie. Loin d’être indigente, la proposition du directeur de La Scène Watteau est simplement décevante. On attendait davantage de celui qui, il y a quelques années, avait su nous enchanter.
Vincent Bouquet – www.sceneweb.fr
Trahison
d’Harold Pinter
Texte français, scénographie et direction Nicolas Liautard
Collaboration artistique et lumières Magalie Nadaud
Costumes Sara Bartesaghi Gallo, assistée de Simona Grassano
avec Fabrice Pierre, Marie-Hélène Roig, Nicolas Liautard et Jean-Yves Broustail
L’Arche est l’agent théâtral du texte représenté
Production Robert de profil, coproduction La Scène Watteau – scène conventionnée de Nogent-sur-Marne. La compagnie Robert de profil est conventionnée par le Ministère de la Culture et de la Communication – DRAC Ile-de-France et le Conseil départemental du Val-de-Marne
Durée : 1h30La Scène Watteau – Nogent sur Marne
du vendredi 19 au mardi 30 janvier, représentations du mardi au vendredi à 20h30, le samedi à 16h et 20h30, le dimanche à 15h, relâche le lundi
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